Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

En cette période d’après-reproduction, un phénomène particulier s’observe assez fréquemment. Alors que quelques Grands Cormorans commencent à pêcher, ils sont très vite rejoints par plusieurs Grandes Aigrettes, Aigrettes garzettes et parfois un Héron cendré. On assiste alors à une pêche collective

En essayant d’attraper les poissons, les cormorans les effraient. Les poissons se réfugient à un endroit où ceux-ci auront plus de mal à les attraper : près des berges. Cela fait la joie des ardéidés qui profitent de cette abondance de proies rassemblées près d’eux pour les attraper plus facilement. Les bancs de poissons se retrouvent alors piégés entre le groupe de cormorans dans l’eau et la ligne d’aigrette sur les berges.

Ce phénomène se produit souvent au niveau des postes 3 et 9, où les berges sont proches et forment un entonnoir dans lequel les poissons se retrouvent vite coincés. La proximité des rives arrange bien les aigrettes qui disposent de place pour se poser.

La période est aussi particulière, ce comportement n’est pas ou très peu observé le reste de l‘année. Cela doit certainement être lié au cycle de vie des espèces de poissons présents dans l’eau. Les cormorans (qui initient la pêche collective) doivent en effet trouver des proies de taille convenable. 

Texte : Quentin Libert / Illustration : Alexander Hiley

Le Combattant varié, ou anciennement appelé Chevalier combattant, est de retour sur le Parc du Marquenterre. Quelques individus viennent faire des pauses sur nos côtes lors de leur migration. En ce moment, ils passent de leur aire de nidification (les pays nordiques comme la Finlande où la photo a été prise) à leur aire d’hivernage (les marais africains).

Durant l’hiver, le mâle et la femelle ont des plumages non distinctifs, mais en période nuptiale le mâle arbore ses plus belles plumes, formant une jolie collerette de couleurs différentes (rousses, blanches ou noires) qui joue un “rôle” lors de la séduction et la reproduction…

Celle-ci se passe en plusieurs temps. Les mâles, les premiers arrivés sur l’aire de nidification, se placent dans des “arènes” (leks en anglais) constituées d’un monticule de sable en hauteur, et attendent patiemment que les femelles arrivent.

Ils sont placés suivant leur rôle : les mâles arborant une collerette blanche sont les “satellites”, ils sont génétiquement pacifiques et se placent donc en périphérie de l’arène. Les mâles ayant des collerettes plus voyantes et colorées sont quant à eux les “résidents” ou “indépendants”, ils sont très territoriaux et se battent facilement pour acquérir une arène et se mettre en plein centre.

Les satellites ont un rôle d’attraction des femelles, car celles-ci ont une affection pour leurs couleurs ; donc plus un résident accepte d’avoir de satellites sur son arène, plus il a de chance qu’une femelle vienne s’y poser.

Quand une “combattante” arrive enfin, après parfois plusieurs heures d’attente, un satellite va alors se soumettre au résident et ils commencent une parade où l’indépendant montre en dansant sa dominance et sa beauté à la femelle.

Celle-ci étudie alors tout le petit monde sur l’arène et accepte ou non de s’accoupler. On pourrait croire que les satellites ne se reproduisent jamais, puisqu’ils ne sont là que pour aider. Mais ils sont malins : si le résident détourne une micro seconde son attention, le satellite va alors se faufiler et se reproduire avec la femelle en quelques secondes !

Si l’accouplement a fonctionné, la femelle fait un petit dandinement du postérieur ; et commence alors à construire un nid assez simple constitué de roseaux et brindilles dans les marais. Elle s’occupera seule de la couvaison et l’élevage des jeunes jusqu’à l’envol.

Texte et illustration : Raphaële Thilliez

Gourmands comme vous l’êtes, vous avez certainement remarqué que les buissons commencent à être chargés de fruits : mûres, baies d’argousiers et de sureaux… La plupart mûrissent en fin d’été et début d’automne. 

Beaucoup d’oiseaux, eux aussi, en raffolent : merles et grives, fauvettes, étourneaux, rouge-gorges… On a même déjà vu une poule d’eau escalader un roncier pour se remplir le ventre !

Ces baies constituent une aubaine pour les oiseaux migrateurs ! Chargées en sucres, elles leur donnent de l’énergie pour continuer leurs voyages. Elles apportent aussi beaucoup d’antioxydants. Ils contribuent à lutter contre le stress oxydatif qui accompagne les efforts musculaires intenses.

Les hivernants profitent aussi de ces baies. Elles sont souvent la seule source de nourriture quand le froid chasse les insectes et la neige cache les graines. Les antioxydants qu’elles contiennent renforcent aussi le système immunitaire, qui a tendance à s’affaiblir avec le froid.

Beaucoup d’entre elles sont de couleur vive (rouges ou oranges par exemple, comme l’argousier ou le houx), ce qui les rend plus facilement repérable. Une étude a d’ailleurs montré que les oiseaux savent reconnaître les baies les plus riches en antioxydants selon leur couleur. Cependant, certaines molécules telles que les caroténoïdes ne modifient pas la teinte du fruit. Or, des expériences ont montré que les oiseaux peuvent malgré tout privilégier les baies les plus riches. Le goût ou l’odorat pourraient alors intervenir pour les aider à choisir.

Vous l’aurez compris, ces baies sont importantes pour les oiseaux. Partageons-les !

Texte : Quentin Libert / Illustrations : Alexander Hiley

Lors du comptage matinal au Parc du Marquenterre, un Fuligule à bec cerclé mâle en mue est observé le 31 août, puis le 1er septembre. Ce canard plongeur est originaire d’Amérique du Nord où il niche du centre de l’Alaska au nord-est des Etats-Unis en passant par le Canada. Il hiverne le long des zones humides du Pacifique et de l’Atlantique jusqu’au Panama. Il n’est pas menacé dans son pays, voire en extension, ce qui a dû favoriser l’augmentation des observations en Europe. 

Il ressemble fortement au Fuligule morillon, canard européen présent toute l’année sur nos grands plans picards. Cette espèce américaine s’en distingue facilement à sa tête plus pointue et à son long bec fuyant, décoré à son extrémité d’une bande blanche plus ou moins large. Il a, comme le morillon, un œil très jaune lui donnant toujours un air “étonné”, mais contrairement à son cousin européen, il ne possède pas de huppe. 

Grand plongeur, il apprécie les gravières et les étangs, évitant les marais peu profonds ou les grands lacs à forte turbidité. Son régime surtout végétarien (graines, tubercules, laîches et autres plantes aquatiques…) fait qu’on l’observe souvent en compagnie des Fuligules milouins.

Les rares données sur notre littoral (Hâble d’Ault et vallée de la Bresle où sont observés des rassemblements de canards plongeurs) sont surtout en avril, correspondant à la migration de printemps sur le continent américain, où ils remontent du sud des Etats-Unis et du Mexique pour nicher en Amérique du Nord. Il est aussi parfois observé dans les grandes vallées de l’Oise, cette fois en hivernage (Pontpoint, Verneuil en Halatte…).

C’est le canard américain le plus observé en Europe (50 à 100 observations par an), avec 10 à 20 données chaque année en France, surtout dans le nord-est, où de nombreux canards plongeurs stationnent. Le Finistère est le département où l’oiseau est le plus vu lors des deux migrations, montrant l’origine sauvage de la grande majorité des individus qui, déportés par les vents, traversent l’Atlantique. Des Fuligules à bec cerclé ont ainsi été observés aux Açores et au Maghreb. C’est la seconde observation sur le Parc du Marquenterre depuis sa création en 1973, en faisant la 316ème espèce d’oiseaux sauvages vue sur le site.

Le devenir de ces individus égarés en Europe est incertain. On sait que des oiseaux bagués sont fidèles à leur lieu d’hivernage (Lac de Grand-Lieu en Loire-Atlantique, gravières de Poses dans l’Eure…). Il effectue aussi d’importants déplacements en lien avec les mouvements des fuligules européens avec qui il vit. Un mâle, porteur d’une bague nasale en 2006 au Lac de Grand-Lieu, a été contrôlé en Essonne en 2007, en Pologne en 2008, dans la Marne en 2009 et 2010 ! Par contre, il est peu probable que des oiseaux puissent repartir en Amérique du Nord, mais un oiseau bagué en Angleterre en mars est repris au Groenland en mai suivant.

En cette période de grandes marées, de nombreux visiteurs tant néophytes qu’ornithologues ou photographes ont profité de cette belle observation, partageant la joie des guides naturalistes toujours prompts à transmettre les surprises du vivant et de la migration.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Gérard Longbien 

Le Bihoreau gris est un petit héron de la famille des Ardéidés assez singulier. En effet, il est caractérisé par une silhouette trapue, un cou large et des pattes courtes jaune verdâtre. Son manteau couleur ardoise contraste avec le dessous blanchâtre et les flancs gris. En période de nidification, il est doté d’une jolie aigrette blanche descendant sur la nuque. Le juvénile quant à lui est radicalement différent. Il possède un plumage brunâtre sur le dessus, ponctué de taches blanches semblables à des gouttes d’eau, et un ventre blanchâtre strié de marron.

C’est un oiseau discret, s’activant essentiellement au crépuscule et durant la nuit pour aller se nourrir. Toutefois en période de reproduction, nous pouvons observer le couple faisant des aller-retours lors de la construction du nid et du nourrissage des juvéniles. Mais une fois posé, il reste plus difficile à apercevoir.

Cet oiseau niche au sein des héronnières en compagnie d’autres grands échassiers. Le nid est confectionné dans les branches de grands arbres avec d’épaisses frondaisons lui permettant de se dissimuler facilement. Au parc du Marquenterre, il est construit au cœur de la pinède constituée principalement de pins laricio. N’ayant pas de dimorphisme sexuel entre le mâle et la femelle, les deux partenaires se relaient pour la confection du nid et l’élevage des jeunes. La femelle pond trois à cinq œufs qui seront couvés à tour de rôle par les deux adultes pendant une durée de 24 à 26 jours. Les jeunes partent du nid au bout de quatre semaines.

Le Bihoreau possède un vol régulier avec des battements d’ailes rapides et comparable à celui d’une chouette. Seules ses pattes dépassent. Il émet souvent un croassement comme un “couak” qui lui a valu le surnom de “corbeau de nuit” par le naturaliste Buffon. Il vit près des grandes zones humides comme les marais et les grands étangs. C’est là qu’il se nourrit principalement de poissons, mais aussi d’insectes et de grenouilles. 

Ses apparitions fugaces au milieu de ses voisins bruyants – les Cigognes blanches avec leurs claquements de bec, et les juvéniles affamés d’Aigrette garzette, Hérons cendrés et Spatules blanches – sont toujours une surprise pour les visiteurs !

Texte et illustrations : Foucauld Bouriez

Que voilà un petit échassier bien agréable à regarder ! Le Chevalier guignette est facilement observable de mi-mars à début novembre sur le Parc. Mais c’est vraiment en été, lors de sa migration postnuptiale, qu’il est le plus fréquent (un maximum de 68 oiseaux sur l’ensemble du Parc le 8 août 2021 et 62 le 1er août 1998). 

Profitant des niveaux d’eau bas, il arpente le bord des berges en assec (eh oui, quand on est court sur pattes on ne va pas dans le grand bain !) pour picorer tout le menu fretin aquatique. Son attitude est primordiale pour le reconnaître. Très bas sur pattes jaune verdâtre, la morphologie aplatie pour faciliter la capture des insectes en mouvement, un corps en forme de fer de lance, il avance à petits pas trépignants, piquant de temps en temps des sprints sur de courtes distances. Rien à voir avec les grandes enjambées et l’attitude “hautaine” des autres chevaliers, même ses plus proches cousins que sont les sylvains ou les culblancs ! 

En vol, toujours le côté rase-motte, au ras de l’eau, ailes abaissées ; il est bien rare qu’il prenne de l’altitude. On le reconnaît aussi à ses deux petites bretelles blanches de chaque côté de la bavette grisâtre du haut de la poitrine, qui le distingue bien du Chevalier culblanc – qui, lui, n’a pas de bretelles… et a donc perdu son pantalon, d’où la vision de son croupion blanc en vol ! Moyen mnémotechnique limite pour la bienséance, certes, mais efficace… 

Le Chevalier guignette est souvent solitaire, et un peu (beaucoup…!) intolérant, chassant un voisin trop proche de son assiette vaseuse. Toutefois, en soirée ou tôt le matin – c’est un voyageur essentiellement nocturne – on peut voir des groupes de migrateurs posés et volant ensemble (38 le 8 août 2021 par exemple). De par son mode de nourrissage isolé à découvert, et son immobilisme avant de décoller au ras de l’eau lors d’un danger, il est particulièrement vulnérable à la prédation de l’épervier, et régulièrement des plumées de notre “rase-motte” sont trouvées au bord des chemins.  

C’est un nicheur assez rare en France, avec moins de 1000 couples localisés sur les cours d’eau en zones de montagne (Lozère, Alpes…), ou la haute vallée de la Loire et ses affluents (Nièvre, Allier). Il n’est a priori pas nicheur en Picardie. En 2017, un couple parade et est bien cantonné au poste 2 durant tout le mois de juin et début juillet, sans preuve néanmoins de nidification.  

Guignette est à rapprocher du verbe « guigner » qui veut dire s’agiter, bouger, en rapport avec le hochement de queue caractéristique de l’espèce (même si le Chevalier culblanc le fait aussi). Un ami italien me confiait son nom transalpin qui, je trouve, lui va le mieux : Piro piro piccolo, piccolo veut dire “petit” et piro piro se réfère à son cri à l’envol, mais aussi à un bâton au bout pointu qui rappelle son fin bec droit. Finalement, il a tout pour être sympa ce guignette !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Pierre Aghetti

De petits cris aigus réguliers dans la forêt de pins signalent que les jeunes Grimpereaux des jardins sont de sortie. Après avoir construit seule le nid, la femelle y pond 5 ou 6 œufs, couvés également par le mâle (quand même !) pendant 13 à 15 jours, jusqu’à leur éclosion. Les poussins sont alors nourris par les deux parents. Ils prennent leur envol à l’âge de deux semaines. Une seconde nichée peut avoir lieu.

Le Grimpereau des jardins est localisé mais assez commun sur le Parc en période de nidification. La reproduction commence fin avril, souvent dans un nid bien dissimulé entre le tronc et son écorce décollée, une fente dans le bois, un trou divers… Des couples peuvent aussi occuper les nichoirs adaptés à l’espèce, voire s’installer dans la charpente du toit du poste de la héronnière. 

Ils sont surtout présents autour du pavillon d’accueil, au fond des parkings et à la héronnière, là où se trouvent les arbres les plus gros, sur les troncs desquels les petits passereaux aux pattes courtes et aux doigts longs et griffus grimpent en colimaçon. Mais à l’inverse des sittelles, ils ne descendent jamais la tête en bas : arrivés en haut de leur escalade, ils s’envolent pour rejoindre la base du même tronc ou celle d’un autre arbre, et entamer une nouvelle ascension d’inspection nourricière ! Le bec arqué est particulièrement fonctionnel pour capturer chenilles, petites araignées, opilions et tipules logés dans les crevasses des écorces. 

C’est en mars (même s’il on peut l’entendre dès mi-janvier) et fin juin début juillet, quand les jeunes quittent le nid, qu’il est le plus remarqué sur les secteurs forestiers grâce à son chant intense. Si l’espèce est sédentaire, la recrudescence de captures au baguage en septembre octobre laisse à penser que des mouvements ont lieu, liés à l’erratisme des jeunes plutôt qu’à une réelle migration.

Son dos a d’ailleurs la couleur de l’écorce des arbres et les rectrices rousses de sa queue sont rigides pour assurer encore une plus grande adhérence au support ! Un vrai passionné des arbres !

Texte et illustration : Philippe Carruette

Les premiers mâles de Loriot d’Europe commencent à se faire entendre dès le mois de mai, époque à laquelle ils reviennent de leur zone d’hivernage située en Afrique tropicale, pour nicher chez nous. Profitons-en, car après l’émancipation de ses trois ou quatre jeunes, ce passereau migrateur rejoindra ses quartiers d’hiver dès le mois d’août…

Cet oiseau, de la taille d’un merle, possède une parure jaune d’or, des ailes noires et un bec rouge. Les lores, qui correspondent à la partie entre les narines et les yeux, sont également noirs. Cet ensemble de couleurs permet d’obtenir un beau contraste. 

Le Loriot signale principalement sa présence par son chant très agréable à écouter, correspondant à une onomatopée caractéristique : lûolio. Néanmoins, cet oiseau farouche reste assez discret et difficile à observer. Alors quand il sort de sa cachette pour pointer le bout de son bec, ce spectacle éphémère est toujours un heureux moment ! 

C’est le cas notamment lorsqu’il s’agit de défendre son territoire contre d’éventuelles menaces : surgissant des buissons de son vol ondulant tel un éclair jaune, il démontre alors ses qualités de combattant. Il y a quelques mois, il a ainsi été observé en train de faire fuir un Faucon émerillon. Ce petit rapace n’a même pas cherché à résister et est parti aussitôt.

Concernant son habitat, il affectionne tout particulièrement les boisements de feuillus composés d’un couvert arbustif dense et d’arbres de haut jet. Le Loriot est un oiseau doté d’un régime alimentaire diversifié, puisqu’il se satisfait à la fois d’insectes et de fruits. En été, il devient nettement plus frugivore. Il n’hésite pas à se gaver de cerises, fruit qu’il adore par-dessus tout.

Soyez attentif en arrivant à la héronnière, peut-être que les plus chanceux d’entre vous auront le bonheur de l’observer furtivement à travers les frondaisons…

Texte et illustration : Foucauld Bouriez