Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

La Fauvette babillarde (Curruca curruca) est un passereau appartenant à la famille des Sylviidés. Elle est la plus petite des quatre espèces de fauvettes d’Europe tempérée. Son dos d’un brun foncé et sa tête gris foncé la distinguent aisément de ses cousines. Son ventre est blanc nuancé de chamois. Les lores (partie entre les yeux et les narines) sont noirs. 

Elle est surtout reconnaissable à son chant, qui commence par un babil évoquant vaguement la Fauvette des jardins (Sylvia borin), suivi d’une même note répétée 6 ou 8  fois, caractéristique. 

Cet oiseau a des mœurs plutôt discrètes car vivant dans les lisières et les haies avec des arbustes épais. Dans les massifs dunaires, elle affectionne particulièrement les bosquets d’argousiers . C’est un passereau essentiellement insectivore : son départ à l’automne est donc plus précoce que celui des passereaux granivores.

Contrairement à la Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla), elle est nettement plus territoriale. Les couples au moment de la période de nidification sont éloignés les uns des autres.

Les premiers nicheurs arrivent dès avril. Le nid est construit par les deux partenaires à faible hauteur avec des brindilles liées par de la soie d’araignée. Le fond du nid est tapissé de poils où sont pondus de trois à sept œufs crème tachetés de brun. La durée d’incubation est brève : onze à douze jours seulement. Les jeunes s’émancipent trois semaines plus tard.

Son aire de répartition géographique s’étend de l’Angleterre jusqu’au nord de la Chine. Très présente en Asie, c’est la plus orientale des quatre espèces de fauvettes d’Europe tempérée. 

Texte et illustration : Foucauld Bouriez

Appartenant à la famille des Podicipédidés, le Grèbe à cou noir (Podiceps nigricollis) est une des trois espèces de grèbe présentes sur le parc du Marquenterre. Il est caractérisé, comme tous les représentants de sa famille, par un corps fuselé avec une position basse sur l’eau, et un long bec pointu. Ses pattes sont positionnées très en arrière du corps, d’où son appellation locale de « pattes au cul » ! Concernant sa taille, il se situe entre le Grèbe huppé (Podiceps cristatus) et le castagneux (Tachybaptus ruficollis). Son corps est complètement noir, excepté les flancs qui sont châtain clair. Il est doté de favoris jaune vif (grands sourcils) et ses yeux sont rouge sang.  

Le Grèbe à cou noir vit sur les plans d’eau pourvus d’une abondante couverture végétale hélophyte, plantes ayant uniquement leur système racinaire sous l’eau, la partie aérienne tombant au moment de l’automne (les joncs par exemple). Les plans d’eau doivent être de grande taille et riches en ichtyofaune (poissons), même si  les macros-invertébrés  sont grandement appréciés.

Cet oiseau est particulièrement grégaire durant l’hiver, où des regroupements de plusieurs milliers d’individus sont régulièrement observés. Ainsi, le lac de Burdur situé en Turquie a déjà accueilli jusqu’à 180 000 individus

Les couples restent unis lors de la période de reproduction, qui s’étale d’avril à août dans l’hémisphère nord. Le Grèbe à cou noir a l’habitude de nicher en périphérie des colonies de Mouette rieuses. Cela lui octroie plus de sécurité durant la période d’incubation des œufs. Les parades nuptiales sont vraiment belles à observer. Les deux partenaires se font face et se redressent, chacun en bombant le torse, puis émettent de puissants sifflements

On peut les apercevoir avec une algue dans le bec quand ils sont prêts à construire le nid, structure flottante arrimée à la végétation ; il est construit par les deux partenaires. La femelle pond en moyenne de deux à six œufs blanc bleuté couvés à tour de rôle par les deux adultes pendant trois semaines. Ils deviennent bruns sous l’effet de la décomposition des algues. Les juvéniles  voyagent sur le dos des adultes les premiers jours. Ils commencent à plonger à dix jours. 

Le Grèbe à cou noir est présent sur les quatre continents. Autrefois, cette espèce était absente du Parc. Les effets de plus en plus prononcés du changement climatique ont modifié son aire de répartition vers le nord de l’Europe. La population Française est estimée à environ 1200 couples nicheurs… ce qui fait de lui une espèce assez rare.

Texte et illustration : Foucauld Bouriez

Lors des belles (et rares !) journées ensoleillées, la héronnière bat son plein. Les grands échassiers sont arrivés particulièrement tôt cette année. 

Les premiers Hérons cendrés s’installent le 9 février, avec pour l’instant un minimum de 28 couples et la naissance des jeunes ces derniers jours.

Record de précocité avec des transports de branches chez les Spatules blanches le 17 février, et un minimum pour l’instant de 53 couples. Des oiseaux de trois ans peuvent encore commencer à s’installer jusqu’à début mai et de nombreux individus reviennent encore de leurs lointains lieux d’hivernage sahéliens.

Les premières Aigrettes garzettes ont pris leur logement le 14 mars avec pour l’instant un minimum de 24 couples.

Effervescence et précocité aussi chez les Hérons garde-boeufs, avec une installation dès le 4 mars et au moins 33 couples. Les oiseaux arrivent surtout en nombre en soirée, après s’être nourris dans les pâtures relictuelles des environs.

De nouveaux couples de Cigognes blanches sont arrivés, avec des anciens bagués sur place sur les plateformes du Parc, ou originaires de Normandie ou du Pas-de-Calais, totalisant 14 couples dont deux à gauche du poste d’observation. De jeunes couples et des célibataires essayent aussi de s’implanter.

Le premier couple de Hérons bihoreaux commence à construire son logement le 2 avril. 

Bref il ne reste plus qu’à attendre des jours lumineux et ensoleillés, la fin de la pluie et des coups de vent, pour que ce donjon reste ce lieu magique et en perpétuel émulation ! Des espoirs qui en ce moment sont souhaités par tous ceux qui œuvrent et vivent dans la nature !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail

Non ce n’est pas un poisson du 1er avril 2024 ! Ce lundi férié, un Fuligule à bec cerclé mâle est observé au parc du Marquenterre. Ce canard plongeur est originaire d‘Amérique du Nord où il niche du centre de l’Alaska au nord-est des Etats-Unis en passant par le Canada. Il hiverne le long des zones humides du Pacifique et de l’Atlantique, jusqu’au Panama. 

Il n’est pas menacé dans son pays, voire en extension. Cette “bonne santé” a dû favoriser l’augmentation des observations en Europe

Ce canard ressemble fortement au Fuligule morillon, canard européen présent toute l’année sur nos grands plans picards. Cette espèce américaine s’en distingue facilement à sa tête plus pointue, et un long bec fuyant avec une bande blanche plus ou moins large à son extrémité. Il a, comme le morillon, un œil très jaune lui donnant toujours un air “étonné”, mais pas de huppe. 

Grand plongeur, il apprécie les gravières et les étangs, évitant les marais peu profonds ou les grands lacs à forte turbidité. Son régime surtout végétarien (graines, tubercules, laîches et autres plantes aquatiques…) fait qu’on l’observe souvent avec les Fuligules milouins. 

Ce jour, ce beau mâle adulte au superbe plumage nuptial paradait auprès d’une femelle de Fuligule morillon… totalement indifférente ! Il faut dire que le canard américain a un type de parade ressemblant à celui du Garrot à œil d’or, loin des codes de séduction compris par sa dulcinée française !

Les rares données du Fuligule à bec cerclé sur notre littoral (Hâble d’Ault et vallée de la Bresle où sont observés des rassemblements de canards plongeurs) sont surtout en avril, correspondant à la migration de printemps sur le continent américain où ils remontent du sud des Etats-Unis et du Mexique pour nicher en Amérique du Nord. Il est aussi parfois observé dans les grandes vallées de l’Oise, cette fois en hivernage (Pontpoint, Verneuil en Halatte…).

C’est le canard américain le plus observé en Europe (50 à 100 observations par an), avec 10 à 20 observations chaque année en France surtout dans le nord-est (où de nombreux canards plongeurs stationnent). Le Finistère est le département où l’oiseau est le plus vu, lors des deux migrations, montrant l’origine sauvage de la grande majorité des individus qui déportés par les vents traversent l’Atlantique. Des Fuligules à bec cerclé ont ainsi été observés aux Açores et au Maghreb. C’est la troisième mention consécutive sur le Parc du Marquenterre depuis sa création en 1973, en faisant la 317ème espèces d’oiseaux sauvages observée sur le site.

Le devenir de ces oiseaux égarés en Europe est incertain. On sait que des individus bagués sont fidèles à leur lieu d’hivernage (Lac de Grand Lieu en Loire Atlantique, gravières de Poses dans l’Eure…). Il effectue aussi d’importants déplacements en lien avec les mouvements des fuligules européens avec qui il vit. Un mâle porteur d’une bague nasale en 2006 au Lac de Grand Lieu, a été contrôlé en Essonne en 2007, en Pologne en 2008, dans la Marne en 2009 et 2010 ! 

Par contre, il est peu probable que des oiseaux puissent repartir en Amérique du Nord. Toutefois, un oiseau bagué en Angleterre en mars et repris au Groenland en mai suivant, laisse supposer que pour certains individus, une véritable voie de migration semble être en train de se faire sous nos yeux entre l’Amérique du nord et l’Europe de l’ouest, comme c’est le cas avec le Pouillot à grands sourcils entre la Sibérie et l’Europe de l’ouest au lieu de l’Asie du sud est !

En cette période de jours fériés, de nombreux visiteurs tant néophytes qu’ornithologues ou photographes ont profité de cette belle observation, partageant la joie des guides naturalistes toujours prompts à transmettre les surprises du vivant et de la migration.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Foucauld Bouriez

Depuis quelques semaines au Parc du Marquenterre, quelques Mouettes pygmées (Hydrocoloeus minutus) font de courtes escales migratoires, notamment en se posant aux postes 1 ou 3 en compagnie de la colonie de Mouette rieuses (Chroicocephalus ridibundus) et de Mouettes mélanocéphales (Ichthyaetus melanocephalus).

Comme son nom l’indique, c’est la plus petite des mouettes. Elle est caractérisée par un court bec étroit de couleur noire et le dessous des ailes noir. Elle est principalement blanche avec le manteau gris (dessus des ailes). Elle est dotée de pattes rouges. En plumage nuptial, un capuchon noir orne sa tête. Sa taille n’excède pas les trente centimètres, son envergure est comprise entre 70 et 78 cm, et elle pèse entre 90 à 150 g.

La Mouette pygmée niche sur les côtes de la mer Baltique, ainsi qu’au sud de la Suède, mais également en Europe de l’est jusqu’en Russie. Elle apprécie les grandes zones marécageuses dans les terres. Les colonies assez petites peuvent aller de 2 à 50 couples en compagnies d’autres laridés (familles des mouettes, goélands et sternes). Les deux partenaires s’attellent ensemble à la construction du nid. Il est garni de végétaux verts et construit dans une simple dépression au sol. C’est fin mai ou début juin que trois œufs sont pondus, couvés tour à tour par les deux adultes durant une vingtaine de jours. Les juvéniles s’émancipent à vingt-cinq jours.

De nombreux individus hivernent aux abords de la mer Méditerranée. En escale migratoires, les estuaires comme la baie de Somme sont grandement appréciés. Les individus isolés suivant des colonies d’autres laridés comme les sternes sont assez fréquents. 

La Mouette pygmée se nourrit essentiellement d’insectes, de mollusques et de petits poissons. En ce qui concerne sa méthode de chasse, elle peut attraper ses proies en vol ou juste à la surface de l’eau

Sur la photo, on constate bien la différence flagrante de taille entre la Mouette pygmée et la Mouette rieuse volant à côté d’elle.

Texte et illustration : Foucauld Bouriez

Le Butor étoilé (Botaurus stellaris) fait partie de la famille des Ardéidés. Il est doté d’un plumage brun jaunâtre avec des taches dorées et striées de noir. Les rémiges primaires (plume des ailes) sont roux orangé. Il en est de même pour la queue. La base du bec est munie de moustaches noires. Ses pattes sont brun jaunâtre et les yeux rouge orangé. Ce qui le rend si particulier, c’est son cou massif qui lui donne une silhouette assez singulière. En effet, il paraît disproportionné par rapport au reste de son corps.

Présent au Parc en plein cœur de l’hiver, cet oiseau est assez difficile à observer grâce à son mimétisme. En effet, il s’immobilise immédiatement et se balance au gré du vent comme un roseau en cas de danger. Au printemps, il signale également sa présence par un puissant mugissement, entendu à l’aube et au crépuscule. 

Pour vivre, il a besoin de roselières étendues situées dans des marais d’eau douce et saumâtre. Il se nourrit de poissons et d’amphibiens, qu’il pêche à l ’affût dans des eaux peu profondes, se déplaçant lentement et faisant des arrêts fréquents.

Le nid est une plateforme constituée de roseaux où la femelle pondra 4 à 6 œufs verdâtres tachetés de brun, couvés durant une période de 26 jours. Les jeunes sont nourris par régurgitation. Ils quitteront le nid au bout de trois semaines. Le tout est assuré uniquement par la femelle.

Le butor est notamment menacé par la raréfaction des zones humides. Ce drôle d’oiseau si discret fait partie des pépites que l’on peut observer au Parc, où il a été vu à plusieurs reprises cet hiver : 2 individus ont été dérangés au poste 6 par trois Busards des roseaux le 8 janvier ; plus récemment, le 3 mars, c’était la surprise en arrivant au poste 11, où un butor était bien visible ; il a été revu 7 mars.

Texte et illustrations : Foucauld Bouriez

Les effets du changement climatique sont nettement perceptibles et analysés sur les êtres vivants du Parc depuis les années 1990. Décalages dans les dates de migration, hivernage de nouvelles espèces ou disparition d’autres à cette période, apparitions d’espèces à tendance méditerranéenne et régression de celles à tendance boréale… Les exemples sont légions, bien chiffrés et documentés. N’oublions pas que le Parc  mémorise, interprète et diffuse auprès du public depuis 1973 cinquante ans de suivis, comptages, et observations comportementales.

Un des (nombreux) comportements qui évolue est le chant, symbole annonciateur de la défense du territoire pour la période nuptiale. Nombre d’espèces – ou en tout cas d’individus – ont avancé fortement leur date de chant printanier… qui n’est vraiment plus annonciateur de cette saison ! 

Tel est le cas pour la Grive musicienne : dans les années 1990, le premier chant était entendu généralement fin janvier début février. Désormais on l’entend dès début janvier (6 janvier 2019, 8 janvier 2021)… mais aussi, pendant les hivers très doux, lors de journées claires et ensoleillées, à des dates encore bien plus aberrantes : 4 décembre 2011, 19 décembre 2021, du 16 au 18 novembre 2018, 8 décembre 2023. Idem mais en moins net pour le Merle noir qui par le passé poussait la première chansonnette mi-février… mais maintenant dès fin décembre (30 décembre 2015 avec 12°C de température, 4 janvier 2020, 10 janvier 2022…).. On constate aussi cette avancée des concerts chez la Mésange charbonnière avec parfois des chanteurs dès fin décembre début janvier ces dernières années (12 janvier 2024). Même le Grèbe castagneux émet ses trilles de plus en plus tôt. Habituellement on l’entend à partir de mi-février  début mars. Ces dernières années aux hivers très doux le cri de parade est bien hivernal : le 6 décembre 2017, les 28 et 30 janvier 2018 avec parades d’un couple, le 21 novembre 2021, les 5 et 13 janvier 2020, le 2 janvier 2024… 

Et on ne parle pas des sorties de Tritons ponctués et alpestres début janvier 2024, ou de ce Crapaud commun en balade sur les sentiers le 30 janvier 2024 par 12°C, quelques jours après le (petit) coup de froid ! Les températures de 10 à 16°C en décembre ou janvier ne sont plus des exceptions ces dernières années.

Il n’y a guère que le Coucou gris qui reste à peu près constant dans son chant (précision et rigueur suisse obligent !) avec le premier “Coucou !” émis en moyenne le 8 avril. 

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley

À la fin de l’année 2023, 4 Martins-pêcheurs au moins étaient bien présents sur le Parc. Il est très probable qu’un couple ait niché au poste 1, et les oiseaux ont été très facilement observés tout au long de l’année. Le 28 novembre, un mâle adulte et une femelle juvénile sont bagués à la mangeoire, puis une femelle adulte le 1er décembre. 

Mais c’était  sans compter sur le coup de froid de mi-janvier où les plans d’eau du Parc ont été gelés à 80% sur une douzaine de jours… Les Martins se sont localisés alors surtout le long du fossé d’eau courante en fin de parcours. 

Les derniers jours de gel, leur envol était beaucoup moins rapide, on sentait que le temps de la disette devenait bien long. Il est fort probable que certains oiseaux n’aient pas survécu, notamment les juvéniles moins expérimentés. Toutefois le 31 janvier un oiseau au moins est revu au poste 10, inaugurant aussitôt les nouveaux perchoirs de pêche disposés à son intention ! 

Espérons que 2024 soit comme 2023 l’année des Martins, pour lui donner des couleurs aussi rutilantes que celle de l’oiseau.  

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley