Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

Le 20 septembre 2024, un Grèbe esclavon de première année est observé au poste 7 en pleine effervescence de marée haute. Il porte un plumage de mue pas toujours évident à interpréter, mais le bec court bien droit et la tête plate permettent d’exclure le Grèbe à cou noir, dont trois oiseaux sont encore présents au poste 2. Il est le plus “gros” – 400 grammes – des trois petits grèbes. 

Cette espèce niche en Scandinavie, en Russie et sur les bords de la Baltique, avec quelques petites populations isolées en Islande et en Ecosse. Il est peu abondant en hivernage en France, avec seulement 300 à 500 individus, principalement sur le littoral Manche Atlantique, et reste peu fréquent en Picardie tant sur le littoral qu’à l’intérieur des terres. L’espèce est en limite sud de l’aire habituelle d’hivernage. Et avec le changement climatique et une baisse de certaines populations nicheuses en Europe, elle se fait de plus rare en France.

Sur le Parc depuis 50 ans, le Grèbe esclavon ne fut observé que 14 fois pour un total de 20 oiseaux différents. La dernière observation date de 2017 (et l’avant-dernière de 2007 !) avec un oiseau qui sera observé du 3 mars jusqu’au 10 mai, permettant alors de profiter de son superbe plumage nuptial. Un individu  avait déjà été observé en plumage nuptial à une date tardive sur le Parc du 17 au 24 mai 2007.

Merci aux photographes Olivier Margollé et Didier Plouchard, et aux très nombreux visiteurs à marée haute au poste 7, qui ont pu profiter de cette surprise nordique !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Olivier Margollé, Didier Plouchard 

Mi-septembre ont eu lieu les grandes marées d’équinoxe et les oiseaux ont été au rendez-vous, notamment les 20 et 21 septembre. Plus de 7200 Huîtriers pie se sont posés sur les prairies du poste 7, à “pattes sèches” dans l’herbe. 

Plus de 1800 Courlis cendrés les ont précédés, se posant quant à eux pattes dans l’eau. 

Si on est plus attentif, on découvre avec eux une douzaine de Barges rousses qui se nourrissent en permanence dans l’estuaire, et ne sont dans le Parc que lors des fortes marées. Elles nous arrivent de Laponie. 

Entre les pattes de ces grands échassiers circulent une centaine de Bécasseaux maubèches qui ont de l’eau jusqu’à leur ventre bien dodu – ce sont nos plus gros bécasseaux. Certains viennent des terres arctiques canadiennes, de la baie d’Hudson, et nous ont rejoint par le Spizberg, le Groenland, l’Ecosse….

Avec les Huîtriers pie hollandais, allemands, belges, les Courlis cendrés scandinaves ou polonais, les Pluviers argentés natifs du cercle polaire, quelle belle et riche diversité ! Quel plaisir des yeux ! 

Merci à bien des photographes et ornithologues qui ont su partager avec d’autres visiteurs plus néophytes ce grand moment d’observation de la nature. 

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail

Le Bécasseau minute est un petit oiseau de la famille des limicoles (associés aux vasières). Il est d’ailleurs le plus petit des bécasseaux avec le bécasseau de Temminck – avec qui il faut faire la différence aux jumelles !

Notre Bécasseau minute, pendant le printemps, arbore de belles couleurs rouilles ornées de noir comme des “écailles” sur le dos. Le bec et les pattes sont noirs (contrairement au bécasseau de Temminck qui a les pattes jaunes), et deux bandes blanches tracent son dos.

Ce petit oiseau est un très grand migrateur ! Même pas 50 grammes, et il peut parcourir 10000 kilomètres chaque année. Il passe sa saison de nidification au bord de l’océan Arctique et son hivernage en Afrique sub-saharienne voire jusqu’au Cap ! Les aires de répartition changeant aujourd’hui avec le dérèglement climatique, certaines populations s’arrêtent avant l’Afrique pour l’hiver, comme au niveau des côtes du sud de l’Europe. Nous sommes en plein dans la saison pour l’observer sur le Parc, puisqu’il passe chez nous en août/septembre.

Pour ce qui est de son mode de nutrition, comme tout limicole, son bec fin lui sert à aller piocher sa nourriture plus ou moins profondément dans la vase. Pendant le printemps, il se nourrit principalement de larves d’insectes, tandis qu’en hiver il diversifie son régime alimentaire et cherche des annélides, des petits crustacés et mollusques.

Si nous parlons maintenant de son mode de reproduction, le Bécasseau minute est une espèce qui pratique la double couvaison simultanée, c’est-à-dire que les deux partenaires s’investissent dans la reproduction : mâle et femelle prennent en charge un nid et sa nichée chacun de son côté. La ponte de quatre œufs a lieu en juin/juillet dans une petite cuvette garnie de mousses et brins d’herbes. Les œufs sont couvés une petite vingtaine de jours. Les poussins seront indépendants pour se nourrir, les adultes serviront de protecteurs et meneurs pour les lieux de nourrissage.

Grâce à son lieu de nidification arctique où l’Homme n’est pas, l’espèce n’est pas classée comme menacée. La sélection naturelle se fait durant ses longues migrations, où le choix du lieu de halte va être très important à la survie de l’espèce.

Texte : Raphaële Thilliez / Illustration : Alexander Hiley

Un ‘tit-tiiiiit’ sonore, suraigu. C’est le signal ! Vite, repérer l’origine du son. L’observation va être fugace !  Là ! Sorti de nulle part, une flèche bleue lancée à toute allure. Pas de doute, c’était bien le Martin-pêcheur ! Inratable. Sa petite taille et sa trajectoire en ligne droite accentuent davantage cette impression de vitesse. Impressionnant. Surtout son bleu si vif… Son bleu si vif, parlons-en tiens. Parce que, tenez-vous bien, dans le monde animal, il n’existe pas de pigment bleu. Si si, c’est même monsieur Tyndall qui le dit. Mais je sens que ça conteste quand même de votre côté. Certes, il n’était pas jaune le Martin que vous avez aperçu.

Tout d’abord, rendons à Tyndall, ce qui appartient à Tyndall. Ce physicien irlandais est à l’origine de l’effet Tyndall (décrit pour la 1ère fois en 1869).  Mais encore ? L’effet Tyndall est un phénomène d’optique dans lequel la lumière se disperse sur des particules de matières. C’est facilement observable quand la lumière traverse des zones riches en particules solides ou liquides. Et cet effet, vous l’avez déjà vu ! Des particules de poussière dans un rayon de lumière par exemple. La lumière perçant la brume dans une forêt. Ou encore les rayons du soleil passant à travers les nuages.  

Concernant Martin, quel est donc son secret de beauté ?

La couleur irisée de sa queue, de son dos et de ses ailes est bel et bien un effet d’optique provoqué par la décomposition de la lumière. De microscopiques bulles d’air sont piégées dans les barbes et les barbules de la plume. Ces bulles d’air vont diffuser et renvoyer les longueurs d’ondes bleues jusqu’à nos yeux, pour notre plus grand plaisir. Tout le reste du spectre visible disparaît alors, absorbé par une couche de mélanine sombre située sur le verso de la plume. Pour compléter le tout, la géométrie intime de chaque plume explique son aspect incomparable. L’effet Tyndall est bien à l’origine de cet artifice lumineux.

Si son plumage nous en met plein la vue, il ne nous est pourtant pas destiné : ces couleurs, ces teintes plus ou moins éclatantes et vives servent d’indicateur à de potentiels prétendants ou à des partenaires quant à son état de santé.

Sur le Parc, à certains endroits, le Martin-pêcheur peut facilement se laisser observer quand le calme règne dans les postes. C’est le moment de sortir les jumelles et d’admirer sans modération son costume bleu et flamme.  

Texte : Eugénie Liberelle / Illustrations : Gaëlle Micheli, Eugénie Liberelle

Après le Bécasseau rousset en 2023, un nouveau petit échassier  « made in USA » nous a fait le plaisir de traverser l’Atlantique pour se poser chez nous samedi 7 septembre.

Ignorant tout protocole, arrivé en toute discrétion sans déplacement ni annonce officielle en pleine campagne électorale américaine, un jeune Bécasseau tacheté arpente tranquillement les berges d’un petit îlot de vase au Parc du Marquenterre. L’oiseau est découvert par Baptiste Mimaud et Alexander Hiley lors d’un stage photo tôt en matinée. Peu farouche, ce petit échassier de la toundra du Nouveau-Monde se laisse approcher à moins de 20 mètres. Il est fort probable qu’il n’ait guère rencontré souvent  d’humains !

Le Bécasseau tacheté niche en effet dans l’Arctique américain et canadien. C’est un grand migrateur nocturne qui hiverne jusqu’au Chili et en Terre de Feu. Lors des forts coups de vent ou ouragans imprévisibles, il peut traverser l’Atlantique et se retrouver en Europe. Il est alors dérouté durant sa migration et est poussé plein est par les vents tempétueux pour arriver sur le continent européen. 

Ce limicole aux ailes très fines et profilées (elles se tiennent croisées derrière la queue) est un grand voyageur que les traversées marines ne troublent pas, même si en cas de fatigue des oiseaux peuvent s’arrêter sur les pontons des bateaux. Il est relativement facile à reconnaître. Se tenant haut sur ses pattes verdâtres, il est un peu plus grand que le Bécasseau variable, avec une large bande pectorale grisâtre se terminant en petite pointe col en V – très chic ! La queue en fer de lance est noire au centre, rappelant l’aspect du corps d’un jeune Bécasseau cocorli, avec les ailes tachetées en écailles de tortue. Le bec est assez long, légèrement courbé, noir à base verdâtre à orangée. 

De l’Alaska à la Baie d’Hudson, il niche dans la toundra au printemps au milieu des bouleaux nains et des lichens. Si une population niche aussi en Sibérie orientale, elle part hiverner dans un voyage étonnant jusqu’en Océanie, Nouvelle-Zélande et Tasmanie.

C’est le plus régulier des limicoles américains en France (entre 10 et 50 observations par an). Les dernières observations de cet oiseau au Parc du Marquenterre datent du 28 septembre 2018 et du 13 septembre 2022.

Dès l’ouverture à 10h00, les visiteurs, photographes, ornithologues ou néophytes ont profité de cette belle observation voyageuse que les guides naturalistes du Parc se sont empressés de partager ! Tapis rouge pour l’Oncle Sam, on sait accueillir au Marquenterre ! 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Foucauld Bouriez

Sur le Parc, un discret petit bécasseau peu commun fait son apparition en migration en août : le Bécasseau de Temminck. Trapu, bas sur pattes et au corps allongé, il ne pèse que 20 à 30 grammes, soit la masse d’un Moineau domestique ! Son plumage chamois gris et ses pattes vertes le font bien différencier des autres petits bécasseaux. 

Il nous vient des zones arctiques de Scandinavie à l’ouest jusqu’au détroit de Béring à l’est. Il ne va que très peu hiverner en Europe, gagnant l’ouest de l’Afrique, notamment le long du fleuve Niger au Mali. A l’inverse des autres bécasseaux comme le variable, le maubèche ou le minute, il évite les vastes vasières estuariennes, préférant les marais arrière littoraux ou intérieurs. Très discret, il est souvent isolé ou en petits groupes. 

Au Parc, le maximum observé est de 8 individus ensemble le 3 avril 1983. Depuis 50 ans sur le site, sa phénologie de migration va de la mi-avril à début juin en migration prénuptiale, et du 12 juillet au 15 octobre en migration postnuptiale. En 2024, deux adultes en nuptial ont été observés le 12 mai et deux juvéniles le 16 août.

Mais qui était Temminck ? Jacob Temminck (1778-1858) est un célèbre naturaliste hollandais, directeur pendant 40 ans du muséum national d’histoire naturelle de Leyden, qui contribua à la classification des oiseaux européens, faisant paraître en 1815 le Tableau systématique des oiseaux qui se trouvent en Europe, manuel qui restera une référence pendant une grande partie du 19ème siècle. L’Alouette bilophe et le Pouillot de Temminck lui ont été attribués, c’était il y a 200 ans… mais cela donne vie et forme notre culture naturaliste ! 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Foucauld Bouriez

Mercredi 24 juillet, le premier Balbuzard pêcheur juvénile est observé en baie de Somme et survolant le Parc. Une date habituelle pour les premiers migrateurs post-nuptiaux. Au moins deux oiseaux sont présents le 18 août. 

Ce petit aigle pêche aussi bien en mer que sur les lagunes du Parc quand la Manche est plus agitée.  Grâce aux bagues couleur posées sur les poussins au nid, on sait que les oiseaux observés sur notre littoral peuvent tout aussi bien venir du nord de l’Allemagne que d’Angleterre où des oiseaux ont été réintroduits depuis les populations écossaises. 

Ce passage migratoire peut commencer dès mi-juillet (15 juillet 2005, 25 juillet 2015, 12 juillet 2016) avec des oiseaux immatures ou des adultes ayant échoué dans leur nidification ou non reproducteurs. En août-septembre, on peut certaines années assister à de spectaculaires scènes de pêche (jusqu’à 5 oiseaux juvéniles ensemble) au poste 1, avec la capture de Mulets. Leur présence va se poursuivre jusque début octobre avec d’exceptionnelles observations hivernales (1 le 17 décembre 2012). 

L’augmentation des durées de stationnement de juvéniles pourrait un jour amener à une future nidification de cette espèce sur notre littoral. D’autant plus que cette année, un à deux oiseaux sont restés fin mai début juin sur le Parc et ses proches alentours. En extension en France continentale, l’espèce niche au plus proche de chez nous en Essonne. Néanmoins les observations et surtout ses stationnements prolongés de printemps restent encore bien peu fréquents.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Jean Bail

La Cigogne noire (Ciconia nigra) est un grand échassier doté d’un plumage à dominante noire, contrairement à sa cousine la Cigogne blanche. En effet, elle est beaucoup plus discrète. Son ventre est blanc, ses pattes et son bec sont rouges. Les immatures, en revanche, ont le bec et les pattes claires.

Chaque année sur le Parc ornithologique du Marquenterre, ce sont environ dix spécimens de cette espèce qui sont observés entre fin juillet et début septembre en migration postnuptiale, après la nidification. Il s’agit principalement de cigognes immatures qui sont nettement plus influencées par les vents que les adultes qui, eux, connaissent bien leur route. La première observation cette saison a eu lieu le lundi 29 juillet 2024.

La Cigogne noire passe l’hiver en Afrique subsaharienne. Si elle remonte en migration prénuptiale par les Pyrénées, en migration postnuptiale elle préfère longer les côtes.

C’est une espèce essentiellement forestière. En France, les anciennes chênaies de plaines humides sont particulièrement appréciées. Au sud de l’Europe, en Espagne par exemple, les habitats de type rupestre, dotés de cours d’eau au niveau des pentes, sont sélectionnés en priorité.

La femelle pond trois à quatre œufs couvés à tour de rôle pendant 32 à 38 jours. Les juvéniles s’émanciperont entre 65 à 70 jours.

Le régime alimentaire carnivore de la Cigogne noire est très varié, à l’instar de celui de sa cousine la Cigogne blanche : il se compose aussi bien d’amphibiens que de reptiles ou d’arthropodes (des petits animaux aux pattes articulées).

Le réseau national de suivi de la Cigogne noire, coordonné par la Ligue de Protection des Oiseaux et l’Office National des Forêts, a estimé entre 70 et 90 le nombre de couples nicheurs à l’échelle nationale en 2020… ce qui en fait une espèce très rare en France. C’était un formidable moment de pouvoir observer cet individu d’aussi près !

Texte et illustration : Foucauld Bouriez