Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

Les premiers Garrots à œil d’or sont de retour en hivernage sur le Parc le 18 octobre 2024, avec un juvénile et une femelle adulte. C’est une date classique plutôt précoce depuis 1973. Le  « record de précocité » est récent, le 2 octobre 2023, toujours avec un juvénile. Les mâles adultes arrivent plus tard, attachés à leur territoire de nidification. 

Alors que ces derniers étaient nettement minoritaires voire rares, cela n’est presque plus le cas ces dernières années. Le petit nombre de jeunes oiseaux s’accentue aussi, soit du fait d’une faible reproduction, soit d’un stationnement plus nordique. Les oiseaux adultes étant alors probablement dans ce cas des oiseaux ayant mémorisé au fil des années l’hivernage sur le site du Parc… Ce qui implique qu’à la disparition de ces individus fidèles, les stationnements seront appelés à diminuer dans les prochaines années. 

Ce canard plongeur niche surtout en Russie, au bord de la Baltique, avec de petites populations en Allemagne et en Ecosse. Il a la particularité de nicher dans les arbres, notamment dans les anciennes loges de Pic noir. A l’éclosion, les canetons se jettent dans le vide pour rejoindre la cane qui les amène en zone humide. Ces populations nordiques sont en lente extension vers le sud, et depuis 1999 quelques rares couples nichent en France, dont récemment des cas dans l’Oise. 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Jean Bail

Le Cygne de Bewick, originaire de Sibérie arctique, est devenu rare en Picardie. Avec les changements climatiques, cet oiseau hiverne de plus en plus au nord de l’Europe et descend de moins en moins vers la France. 

Mais depuis la vague de froid de 2013, le Cygne de Bewick a retrouvé une véritable tradition d’hivernage sur le Parc du Marquenterre. Cette année-là, jusqu’à 19 oiseaux avaient été observés, un record historique pour la Picardie ! En 2014 un couple revient avec ses deux juvéniles ; en 2015 ce sont six adultes et deux immatures qui sont présents, et pour l’hiver 2016-2017 un groupe de six avec un seul immature. Un couple d’adultes, probablement le même – le mâle est identifiable aux taches caractéristiques sur le bec – est présent maintenant chaque hiver depuis 2019. Hélas il n’est pas accompagné de juvéniles.

C’est avec plaisir que l’on retrouve un couple d’adultes en fin d’année 2023. Il est arrivé le 26 décembre. Mais un oiseau isolé avait survolé le Parc le 6 décembre, ne restant que quelques instants en se posant au milieu d’un groupe de… Spatules blanches ! Ce couple est présent sur le site une grande partie de la journée, partant se nourrir le soir dans les champs aux environs. Les deux individus ont pris l’habitude de se rendre dans une prairie partiellement inondée proche de Quend. Un second couple les rejoint le 12 janvier 2024, et un oiseau seul – a priori un mâle vue la taille – le 29 janvier. Le 31 janvier les deux couples sont à l’extérieur du site, alors que l’oiseau seul se nourrit sur les prairies du poste 7. 

C’est le 20 novembre 2024, date précoce, que revient de nouveau un couple sur le Parc. Les légères taches noires sur le haut du bec du mâle laissent à penser que c’est le même individu depuis 2019 ; la femelle est plus difficile à différencier sur photo. Le 28 novembre, le couple quitte le Parc vers l’est pour aller se nourrir dans les champs entre Arry et Ponthoile. Le 30 novembre, ils ne sont pas là le matin, mais reviennent en début d’après-midi, faisant une longue toilette sur les prairies inondées du poste 7.

À peine 400 individus de ce joli petit cygne de Sibérie arctique au bec jaune hivernent en France (Camargue, étangs champenois et lorrains) sur 21000 en Europe de l’Ouest. Cette population européenne est plutôt en déclin avec un report de l’hivernage vers les sites plus orientaux (mer Caspienne et Méditerranée). On ne sait pas s’ils sont venus en terres picardes « en rennes », mais c’est toujours un beau cadeau de début  d’année. Avec les Harles piettes originaires de Norvège ou de la Baltique, le Parc du Marquenterre, même sans la neige et les gelées, prend des « airs de Grand Nord »… 

Mais au fait, qui était Bewick ? Thomas Bewick (1753-1828) est un ornithologue britannique passionné de dessins ; enfant, il fabrique de l’encre avec du jus de mûres et dessine les animaux de la ferme familiale ! En 1790, il publie sa première grande œuvre en plusieurs volumes : L’histoire des oiseaux d’Angleterre, avec de superbes gravures. À son époque, le Cygne chanteur et le Cygne de Bewick étaient identifiés sous le même nom de Cygne sauvage. Un taxidermiste de Newcastle, Richard Wingate, va décrire en 1829 une nouvelle espèce de cygne sans lui attribuer de nom. Lui et le célèbre ornithologue anglais William Yarrell vont le nommer Cygne de Bewick, en mémoire de Thomas Bewick. L’ornithologue et peintre Jean-Jacques Audubon lui a aussi dédié un Troglodyte américain.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Comme chaque année, les premiers Canards pilets nous reviennent fin août début septembre (4 le 31 août, 45 le 5 septembre et 68 le 18). Ils ont parcouru un bien long voyage. Si des oiseaux arrivent de Finlande, du nord de la Suède ou des pays baltes, la grande majorité nous revient du nord de la Russie

Plusieurs milliers de Canards pilets ont été bagués en hivernage sur le Parc du Marquenterre de 1973 à 2020, avec des reprises exceptionnelles comme cet individu bagué fin février 1979 et repris dans le centre de la Russie à 4000 km de là. Et n’oublions pas que bien des oiseaux qui s’arrêtent en automne sur le Parc peuvent continuer à plus de 10.000 km de leur zone de reproduction pour gagner le delta intérieur du fleuve Niger au Mali (215.000 hivernants), le delta du fleuve Sénégal au Parc du Djoudj (105.000 hivernants) ou le lac Tchad (308.000 hivernants) ! 

Les effectifs vont progressivement augmenter de fin octobre à novembre. Ils ont fortement évolué ces dernières années avec les changements climatiques. Les plus gros comptages hivernants sur le Parc ont été notés lors des périodes froides, avec un record le 3 janvier 2011 de 3184 oiseaux et le 25 décembre 2010 avec 3106 individus. Les hivers doux  font rester les oiseaux plus au nord, et nous remarquons déjà une baisse des effectifs lors de leur arrivée en septembre octobre, et un nombre d’oiseaux hivernants qui avoisine maintenant les 1000 individus (1117 le 27/11/2020, 712 le 19/12/2021, 1138 le 30/12/2023…).

Ce superbe canard tout en élégance est en limite sud de son aire de reproduction en France, avec de très rares couples nicheurs. Si un ou deux couples nichent (mais échouent probablement) chaque année sur le Parc, les derniers poussins ont été observés le 22 juillet… 1980 ! 

Un grand merci à Jean Bail pour le partage de cette photo !

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Jean Bail

De grands coefficients de marée ont eu lieu de nouveau du 16 au 21 octobre. Les flots recouvrant l’ensemble de l’estuaire de la Somme ont repoussé les limicoles sur le Parc du Marquenterre, jouant ainsi le rôle primordial de reposoir de marée haute. C’est une période cruciale pour ces petits échassiers hyper actifs qui en profitent pour faire leur toilette, se reposer… Le reste de leur temps, nuit et jour, est consacré à la recherche active de nourriture sur les vasières estuariennes. 

Le vendredi 18 octobre, ce sont près de 7000 Huîtriers pie qui se sont posés sur les prairies inondées du poste 7. Le lendemain, avec 2830 individus, seule une partie de la totalité des oiseaux présents en baie de Somme rentre dans le Parc. Les pattes dans l’eau, 1867 Courlis cendrés sont aussi au rendez-vous. En regardant à la longue-vue chaque oiseau, on reconnaîtra les femelles adultes au très long bec, les juvéniles aux fines stries sur les côtés du bas de la poitrine. 

C’est l’occasion de découvrir quelques Barges rousses à l’aspect plus frêle que la Barge à queue noire. Entre les pattes de leurs grands cousins, une centaine de Bécasseaux maubèches cherchent une place au milieu de ce dense et bruyant attroupement. 

Un reposoir de marée haute, c’est aussi une concentration de cris, d’appels sifflés, roulés, stridents, des oiseaux qui entrent en contact social à leur arrivée, comme un meeting qui se calme dès que chacun à sa place et commence son activité de confort. 

Mais déjà une heure s’écoule et le temps de la marée descendante indique aux oiseaux qu’il est temps de reprendre contact avec la slikke de l’estuaire pour être acteurs de la chaîne alimentaire de la vie…

Un grand merci à Jean Bail pour le partage de ce cliché !

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Jean Bail

Fin octobre, une centaine de Spatules blanches stationne encore sur le Parc. Elles sont souvent regroupées sur les ilôts réaménagés du poste 6. Les mauvaises conditions atmosphériques contraignent ces derniers oiseaux hollandais à s’arrêter sur le site avant leur hivernage vers le Portugal, l’Espagne ou l’Afrique. 

Plusieurs oiseaux sont bagués, montrant que certains adultes pourtant âgés n’ont jamais été notés sur le Parc depuis 1973. On voit que les jeunes de cette année au bec clair semblent bien fatigués, avec un plumage trempé et peu reluisant. Certains oiseaux ont les ailes tenus basses, signe d’épuisement. Même si la distance est faible pour ces grandes migratrices au vol battu, 400 kilomètres par vent contraire et pluies, pour un premier voyage à quatre mois, cela laisse des traces ! 

Surprise pour de grands oiseaux, les suivis des biologistes hollandais grâce au baguage des poussins dans les colonies depuis 1963 montre une mortalité de près de 60% des jeunes la première année ! Heureusement, les immatures et les adultes ont un taux de mortalité beaucoup plus faible.

Profitons de ces derniers groupes de Spatules blanches. Si des oiseaux hivernent depuis 1995 sur le Parc, leur nombre reste faible et ces dernières années, malgré les hivers très doux, les oiseaux ont du mal à finir totalement leur séjour sur le site, nous quittant souvent fin décembre. Ces départs sont-ils provoqués par les conditions atmosphériques venteuses et pluvieuses et la baisse des ressources alimentaires dans l’estuaire avec le réchauffement des eaux de la Manche ? Le suivi et l’analyse rigoureux des oiseaux bagués va encore nous apporter bien des informations dans l’avenir…

Un grand merci à Jean Bail pour ces belles photos !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail

Évènement ornithologique sur notre littoral, un immature de Pygargue à queue blanche est de nouveau observé au Parc du Marquenterre depuis le 4 octobre. Et cet oiseau va être tout particulièrement bien suivi puisqu’il possède des bagues couleur posées quand il était poussin dans un nid aux Pays-Bas, où une douzaine de couples niche de nouveau depuis une quinzaine d’années. 

Les guides du Parc du Marquenterre géré par le Syndicat Mixte Baie de Somme commencent à apprendre à bien connaître le comportement de ce grand aigle – jusqu’à 2,40 m d’envergure et 7 kilos pour les femelles ! Par mauvais temps, il reste souvent perché dans un pin ou au sol. En effet, il n’apprécie pas du tout la pluie ou le fort vent, alourdissant sa grande voilure ! Qu’une éclaircie apparaisse, il se met en chasse de son vol lent et puissant. Certains guides l’ont croisé à quelques mètres ; cela, disons, “décoiffe” ! Olivier Buffet, coordinateur à la Maison de la Baie de Somme, parle même de “paquebot volant” ! Il se nourrit aussi bien d’oiseaux d’eau que de rats musqués ou de poissons, et est bien volontiers charognard.

C’est la onzième donnée sur le Parc depuis 1973, et ce grand aigle est maintenant observé presque chaque année depuis 2018. On retiendra sur le site protégé l’hivernage de deux immatures du 28 octobre 1982 au 6 février 1983, où les guides de l’époque ont noté de nombreuses informations sur son comportement, notamment sa prédation (lapin, foulque, limicoles blessés…). Deux jeunes vont aussi hiverner sur le site du 28 octobre 2018 au 10 février 2019, attirant alors de nombreux observateurs.  Du 3 novembre 2020 au 17 janvier 2021, un oiseau bagué en Saxe allemande à la frontière polonaise hiverne de nouveau sur le Parc. Mais des souvenirs bien plus anciens existent aussi : entre 1850 et 1900, le Pygargue était régulier en baie de Somme. En 1860, 5 oiseaux se nourrissent sur un cadavre de vache (!!!) sur la plage de Saint-Quentin-en-Tourmont, et 6 sont notés en 1932 en baie de Somme !

Cet immense rapace qui avait disparu comme nicheur en France (en Corse autour de l’étang de Biguglia) depuis 1956, hiverne régulièrement surtout en Camargue et sur les grands lacs champenois, avec seulement une quinzaine d’oiseaux chaque année pour le pays. Depuis 2011, un couple est revenu niché en France sur le vaste étang lorrain de Lindre ; un deuxième couple en 2020 au Lac du Der entre Reims et Saint-Dizier ; et maintenant aussi un couple en Brenne et en Sologne. L’espèce reste très rare au niveau européen avec une population en augmentation, estimée à 3550 couples, dont la moitié en Norvège. 

Il fut réintroduit en Ecosse et sur l’île de Wight en Angleterre avec le relâcher de jeunes oiseaux prélevés dans leur nid en Norvège où la population est la plus florissante. Des programmes de réintroduction ont lieu aussi en Irlande et en Suisse, ainsi qu’en France sur les bords du lac Léman, où quelques oiseaux ont déjà retrouvé l’état sauvage. Tous les jeunes individus sont de nouvelles rencontres potentielles pour notre région, les adultes étant sédentaires et ne nichant pas avant l’âge de 5 ou 6 ans.  

La présence en stationnement prolongé du Pygargue est strictement liée à l’existence de vastes zones humides, peu dérangées et très riches en nourriture. L’oiseau au vol lent échoue en effet souvent dans ses captures d’oiseaux d’eau et cherche de grands territoires densément pourvus de proies faciles à attraper. Il est en cela un indicateur de la qualité et de la richesse d’un milieu, un “label rouge” en quelque sorte, ce qui est très valorisant pour notre région. Cela récompense des années d’efforts de protection et de gestion du site du Conservatoire du Littoral et justifie la renommée de notre région pour le tourisme ornithologique.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley

Le 20 septembre 2024, un Grèbe esclavon de première année est observé au poste 7 en pleine effervescence de marée haute. Il porte un plumage de mue pas toujours évident à interpréter, mais le bec court bien droit et la tête plate permettent d’exclure le Grèbe à cou noir, dont trois oiseaux sont encore présents au poste 2. Il est le plus “gros” – 400 grammes – des trois petits grèbes. 

Cette espèce niche en Scandinavie, en Russie et sur les bords de la Baltique, avec quelques petites populations isolées en Islande et en Ecosse. Il est peu abondant en hivernage en France, avec seulement 300 à 500 individus, principalement sur le littoral Manche Atlantique, et reste peu fréquent en Picardie tant sur le littoral qu’à l’intérieur des terres. L’espèce est en limite sud de l’aire habituelle d’hivernage. Et avec le changement climatique et une baisse de certaines populations nicheuses en Europe, elle se fait de plus rare en France.

Sur le Parc depuis 50 ans, le Grèbe esclavon ne fut observé que 14 fois pour un total de 20 oiseaux différents. La dernière observation date de 2017 (et l’avant-dernière de 2007 !) avec un oiseau qui sera observé du 3 mars jusqu’au 10 mai, permettant alors de profiter de son superbe plumage nuptial. Un individu  avait déjà été observé en plumage nuptial à une date tardive sur le Parc du 17 au 24 mai 2007.

Merci aux photographes Olivier Margollé et Didier Plouchard, et aux très nombreux visiteurs à marée haute au poste 7, qui ont pu profiter de cette surprise nordique !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Olivier Margollé, Didier Plouchard 

Mi-septembre ont eu lieu les grandes marées d’équinoxe et les oiseaux ont été au rendez-vous, notamment les 20 et 21 septembre. Plus de 7200 Huîtriers pie se sont posés sur les prairies du poste 7, à “pattes sèches” dans l’herbe. 

Plus de 1800 Courlis cendrés les ont précédés, se posant quant à eux pattes dans l’eau. 

Si on est plus attentif, on découvre avec eux une douzaine de Barges rousses qui se nourrissent en permanence dans l’estuaire, et ne sont dans le Parc que lors des fortes marées. Elles nous arrivent de Laponie. 

Entre les pattes de ces grands échassiers circulent une centaine de Bécasseaux maubèches qui ont de l’eau jusqu’à leur ventre bien dodu – ce sont nos plus gros bécasseaux. Certains viennent des terres arctiques canadiennes, de la baie d’Hudson, et nous ont rejoint par le Spizberg, le Groenland, l’Ecosse….

Avec les Huîtriers pie hollandais, allemands, belges, les Courlis cendrés scandinaves ou polonais, les Pluviers argentés natifs du cercle polaire, quelle belle et riche diversité ! Quel plaisir des yeux ! 

Merci à bien des photographes et ornithologues qui ont su partager avec d’autres visiteurs plus néophytes ce grand moment d’observation de la nature. 

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail