Vous avez peut-être déjà aperçu cette orchidée – Dactylorhiza praetermissa – en parcourant le Parc du Marquenterre. Sa couleur rose à rouge violacé, sa taille variant de 15 à 60 cm et sa présence régulière en font une espèce remarquée. Elle tient son nom du fait qu’elle était régulièrement confondue avec d’autres espèces d’orchidées (le terme latin « praetermissa » signifiant « oublié, négligé »). Elle était donc négligée ou oubliée par les personnes l’étudiant !

Elle est fécondée par des insectes de l’ordre des Hyménoptères (notamment les bourdons), fleurissant de juin à juillet.

Espèce rare et en régression en France, les populations picardes sont parmi les populations françaises les plus importantes. Cette orchidée apprécie les marais et les prairies humides, milieux qui sont abondants sur le Parc.  Elle se retrouve aussi dans les marais arrière-littoraux et la basse vallée de la Somme. Les sources de sa disparition sont nombreuses : drainage, fertilisation, embroussaillement… La Dactylorhize négligée est protégée en Picardie.

Il faut bien ouvrir l’œil : sur le Parc, la Dactylorhize négligée peut s’hybrider avec la Dactylorhize incarnat (Dactylorhiza incarnata), qui fleurit de mai à juin. L’hybride partagera les caractères des deux espèces.

Texte et illustration : Sophie Oberbach

Impatiens capensis, l’Impatiente du Cap ou Balsamine du Cap, n’est pas une plante sud-africaine comme son nom pourrait le faire penser, mais nord-américaine. “Impatiente” fait référence aux graines qui sont contenues dans des capsules qui explosent au moindre contact. Importée en France comme plante d’ornement au XIXe siècle, elle est présente le long de la Somme depuis les années 1950. Aujourd’hui, l’Impatiente du Cap est classée comme une espèce exotique envahissante (EEE) dans les Hauts-de-France. 

Le ministère de l’écologie et de la transition énergétique définit une EEE comme une espèce introduite par l’Homme volontairement ou involontairement sur un territoire hors de son aire de répartition naturelle et qui menace les écosystèmes, les habitats naturels ou les espèces locales. Le processus pour qu’une espèce devienne envahissante comprend 4 étapes :

  1. Transport : une espèce est déplacée, par intervention humaine, au-delà de la capacité normale de dispersion des individus. Ballast de bateaux, bagages en soute de voyageurs transcontinentaux, marchandises importées du bout du monde, tout ce qui est déplacé peut contenir des graines, des œufs ou même des individus adultes de plantes, d’animaux ou de champignons. 
  2. Introduction : l’espèce arrive sur un nouveau territoire.
  3. Installation : la population nouvellement arrivée parvient à s’acclimater à son nouvel environnement et à s’y reproduire. 
  4. Expansion : dispersion autour du point d’introduction. Les animaux juvéniles s’éloignent de leur lieu de naissance, les graines produites par les plantes récemment installées vont se déplacer par le vent, le courant ou les animaux et germer loin de là où elles ont été produites. 

D’après les estimations, seules 1% des espèces passent à l’étape suivante. Donc pour 1000 espèces transportées, 100 seront introduites, 10 vont réussir à s’installer et une seule deviendra envahissante. C’est le cas d’Impatiens capensis

Sur le Parc du Marquenterre, elle est présente sur une station assez réduite, proche des mangeoires, ce qui laisse penser qu’elle a été introduite dans un mélange de graines qui en contenait. La zone ayant été repérée très tôt, en 2022, des opérations d’arrachage ont été menées par l’équipe de gestion de la Réserve et vont continuer pour retirer tous les plants avant la floraison, afin de limiter la dispersion des graines. 

Les impacts de cette espèce sont pour l’instant peu documentés, mais il a été observé qu’elle crée des peuplements monospécifiques (d’une seule espèce) denses sur les bords de canaux au détriment d’espèces locales. 

La gestion de l’Impatiente du Cap comporte une première étape importante, s’assurer que la plante qui va être arrachée n’est pas l’espèce locale Impatiens noli-tangere ou l’Impatiente n’y-touchez-pas, qui porte assez bien son nom car elle est classée assez rare dans la région Hauts-de-France. 

Un petit schéma maison s’impose pour faire la distinction…

Une fois la confusion possible levée par les botanistes du Syndicat Mixte Baie de Somme-Grand Littoral Picard, les chantiers d’arrachage ont pu débuter. Le système racinaire d’Impatiens capensis étant peu développé, l’arrachage manuel est simple et laisse peu de risque de reprise d’un pied. Plusieurs passages sont nécessaires pour retirer tous les plants. Ces opérations ont nécessité des moyens humains et matériels pendant plusieurs jours alors que l’espèce a été observée très tôt ; limiter les voies d’introduction est moins coûteux tant en outils qu’en temps. Cette méthode est donc généralement privilégiée dans la gestion des EEE.

Texte et schéma : Ombeline Duval / Illustrations : Aymeric Watterlot (Conservatoire botanique national de Bailleul)

Un pied bien en fleurs d’Ophrys abeille (Ophrys apifera) a été trouvé sur la Réserve nationale de la baie de Somme en 2006, à l’Anse Bidard, puis en 2021 le long d’un chemin du parcours d’observation du Parc. C’était la première fois que cette espèce était inventoriée sur le site depuis sa création en 1973. Cette année, fin mai, les guides du Parc ont pu observer 6 pieds d’Ophrys abeille en fleur le long du grand parcours. 

Ophrys apifera est une espèce d’orchidée composée d’une tige unique portant des fleurs à 3 pétales et tout autant de sépales. L’un des pétales n’a pas la même forme que les autres : c’est le labelle. Chez certaines espèces d’orchidées, le labelle rappelle une forme d’insecte. 

Vous l’aurez compris, l’Ophrys abeille possède un labelle de la forme d’une abeille. Outre ce critère, cette orchidée dégage des phéromones olfactives. Les hyménoptères vont alors se ruer sur la fleur en pensant avoir trouvé une partenaire avec qui se reproduire. Mais il n’en est rien ! La pseudocopulation entre l’insecte et la fleur n’aura pour seul résultat que le transport de pollen entre les différentes Ophrys abeille. 

Heureusement pour cette plante, elle est aussi capable d’autofécondation

En expansion, elle est désormais considérée comme assez commune dans les Hauts-de-France, mais bénéficie d’une protection dans le Nord-Pas-de-Calais. En Picardie, elle est présente surtout sur les larris de la Somme, de l’est de l’Oise et du centre de l’Aisne.

Texte : Clémence Divry / Illustrations : Eugénie Liberelle

Son petit nom latin, Parnassia palustris, est une référence au Mont Parnasse (en Grèce centrale), autrefois vénéré et dédié au Dieu Apollon et ses 9 Muses ; palustris étant lié directement aux marécages (palus en latin).

Seule représentante du genre Parnassia en France, la Parnassie des marais est une plante des zones humides et tourbeuses de l’hémisphère nord. Plutôt répandue dans la première moitié nord de la France, on la retrouve aussi en altitude, notamment dans les Alpes. Les populations en déclin depuis l’intensification du drainage des sols, isolent certaines stations (groupe d’individus), qui à terme disparaîtront par la faible diversité génétique existante. Ce déclin des populations a amené une protection de l’espèce sur de nombreux territoires.

Mesurant entre 10 et 30 cm, la plante nous offre une des dernières fleurs de l’année, blanche et composée de 5 pétales nervurés de vert, observable de juin à octobre.

C’est une plante principalement pollinisée par les diptères et hyménoptères, aussi capable d’autofécondation, mais les observations sur le terrain suggèrent un caractère carnivore (comme de nombreuses plantes des milieux pauvres en azote). C’est en effet à travers les staminodes (étamines stériles ou avortées, ne produisant pas de pollen) visqueuses que les insectes se font piéger. À ce jour, aucune étude scientifique ne permet d’attester le caractère carnivore de la plante, malgré de nombreuses observations sur le terrain.

Alors à vos loupes !

Texte : Clémence Divry / Illustrations : Alexander Hiley

Un sympathique visiteur, féru d’orchidées, a eu la gentillesse de partager une trouvaille qu’il a faite sur le Parc : à la fin du parcours, lorsque le chemin quitte la dune grise pour rejoindre la pinède, une petite station d’Epipactis des Pays-Bas (Epipactis helleborine subsp. neerlandica) s’est fait une place sur le sable chaud, entre la subtile mousse Tortule et quelques Troènes en fruit. 

Classée sur la liste rouge de la flore vasculaire de Picardie, cette jolie rareté n’est guère présente en France que dans les massifs dunaires du Pas-de-Calais, de la Somme, du Cotentin ainsi que dans le Nord Finistère. Pour voir sa carte de répartition, c’est ici : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/134145 !

D’une hauteur variant entre 30 et 80 centimètres, cette orchidée se reconnaît à ses feuilles engainantes regroupées à la base de sa tige robuste. Sa floraison est plutôt tardive – début septembre chez nous ; les fleurs délicates, vert rosâtre, poussent en grappe. Un moyen de protéger cette beauté vulnérable ? Préserver et restaurer les dunes littorales qu’elle affectionne ! 

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

Le soleil stagne sur les zones humides du Parc, et la végétation se colore telle une pluie de confettis ! Zoom sur quelques-unes de ces plantes…

Les derniers Lychnis fleur de coucou se fanent alors que la Salicaire commune pointe ses nombreuses petites fleurs roses. Avez-vous déjà observé de près les différentes fleurs que peuvent avoir les Salicaires ? Au fil de son évolution, l’espèce à développer une stratégie empêchant l’autofécondation en ayant 3 tailles de styles et d’étamines différentes, c’est la tristylie. Son petit nom latin Lythrum salicaria vient du grec lytron, désignant le sang souillé, en lien avec la couleur de ses fleurs, et salicaria venant de salix donc du saule, qui a en commun la forme lancéolée des feuilles.

Au bord du chemin ou dans les prairies, l’Onagre bisannuelle entame sa floraison et attire notre œil sur ses grandes fleurs jaunes arrivées d’Amérique du Nord au XVIIe siècle. Elle était, d’ailleurs, utilisée par les Amérindiens pour soulager les démangeaisons des peaux sèches. C’est à la tombée de la nuit qu’une fleur par pied va s’ouvrir pour se faner le lendemain, un paradis éclair pour les insectes nocturnes. Cette Belle de nuit produit de nombreuses graines noires, utilisées en cosmétique sous forme d’huile.

Une autre fleur jaune mais sur un ton pastel, le Pigamon jaune. Pouvant dépasser 1m50 de hauteur, le Thalictrum flavum a une croissance rapide expliquant son nom tiré du grec thallo et ictar, autrement dit : “je pousse vite”. Un lépidoptère, la Phalène sagittée visite les fleurs du Pigamon jaune. Cette espèce de papillon nocturne concentre sa plus grosse population dans les vallées de la Somme !

Encore timide en ce début de mois de juillet, une haute tige, parsemée de feuilles vertes ressemblant à celle du cannabis, porte en son sommet une inflorescence en corymbes prête à exploser de petites fleurs allant des tons rougeâtres à blanchâtres. L’Eupatoire chanvrine est aussi nommée “Pantagruélion aquatique”, héritant ainsi du nom donné par Rabelais à une plante proche du chanvre, citée à la fin du Tiers Livre. C’est une plante emblématique des zones humides et particulièrement appréciée des papillons. Approchez… vous observerez sûrement le Tabac d’Espagne ou l’Écaille chinée !

Texte : Clémence Divry / Illustrations : Alexander Hiley

En vous baladant sur les chemins du Parc et en regardant en bord de talus, peut-être êtes-vous tombés sur des étoiles… Oui, oui, des étoiles. Bon, rien à voir avec des corps célestes ardents à plusieurs milliards de kilomètres de nous dans l’espace (sinon il y aurait vraiment un problème) mais plutôt de drôles de champignons à la forme intrigante.

De la famille des Geastraceae, aussi appelés géastres, on peut les retrouver dans de nombreux habitats, tels la forêt, la plaine, et les milieux plus secs, comme les dunes de sable. L’espèce trouvée ici peut pousser dans les milieux sableux.

Le mycélium grandit et se développe toute l’année dans le sol et une fois par an il fait sortir son sporophore, ‘’le chapeau’’.

Mais pourquoi faire pousser ce drôle de chapeau ? Eh bien pour se reproduire !

Quand le chapeau sort, la première couche va rapidement se craqueler et s’ouvrir, donnant cette forme étoilée si caractéristique de cette famille de champignons, laissant apparaître une mystérieuse petite sphère. Celle-ci contient plusieurs millions de spores ; au moindre contact avec une goutte d’eau, un animal ou un visiteur du Parc, les spores sont éjectées sous forme de petits nuages, ce qui permettra au champignon de se reproduire.

Ce champignon n’est pas comestible ; à chaque cueillette, déterminez toujours bien les espèces avant de les consommer, sinon vous risquez de réellement voir des étoiles… mais pas dans de très bonnes conditions !

Texte et illustration : Théo Le Barbanchon

Aujourd’hui, nous vous proposons de vous plier en quatre pour admirer une modeste petite fleur qui pousse au ras du sol : la Saxifrage à trois doigts (Saxifraga tridactylites). Pour cela, rendez-vous dans les dunes grises bien ensoleillées du Marquenterre. Allez, on s’agenouille – en prenant soin de ne pas écraser notre merveille – on sort sa loupe de botaniste, et c’est parti pour un voyage féérique au pays des minuscules !

La Saxifrage à trois doigts est une adorable plante annuelle à la racine mince et fluette, mesurant entre 2 et 12 cm… lorsqu’elle est au sommet de son art. Au bout de sa tige grêle, solitaire et souvent rougissante – toutes les caractéristiques d’une grande timide ! – s’épanouit une corolle de petits pétales blancs au coeur de laquelle on distingue les étamines jaunes. Si ses premières feuilles sont spatulées, les suivantes possèdent généralement trois lobes, d’où son épithète « tridactyle ». Toutefois ce nombre peut varier, sans cela la botanique serait trop simple ! Leur aspect charnu, succulent, voire – disons-le franchement – potelé, nous rappelle que la Saxifrage doit faire des réserves pour survivre en terrain hostile. 

En effet, cette courageuse pionnière apprécie les décors minéraux : elle s’épanouit en milieu ouvert sur des sols pauvres, secs et calcaires, et n’hésite pas à conquérir les substrats sablonneux ou à escalader les falaises et les murs, s’insinuant dans la moindre brèche. Elle aime la pierre, que voulez-vous ! Une vraie rupicole. Cette caractéristique lui a valu son petit nom, puisqu’elle est littéralement la “briseuse de rochers” (du latin saxum = rocher, et frangere = briser). Avec de rares lichens et quelques mousses, telle la jolie Tortule des sables, elle constitue donc la première strate végétale des dunes qui, en mourant, enrichira le sol et permettra l’installation de plantes plus gourmandes. Ainsi recule le désert… 

Outre son allure crassulescente, la Saxifrage possède une autre particularité qui ne laissa pas de marbre le grand Charles Darwin en personne : ses feuilles sont couvertes de poils glanduleux riquiquis qui les rendent visqueuses et collantes… Un attribut original, pas si éloigné des pièges des droséras dans lesquels s’engluent les insectes ! Et si notre frugale « perce-pierre » était une plante proto-carnivore, pas encore capable de digérer la nourriture carnée, mais déjà équipée pour l’attraper ? Cette hypothèse reste à vérifier ; mais quoi qu’il en soit, ces petits poils semblent bien efficaces pour décourager les herbivores gloutons !

Les anciens, eux, virent dans sa faculté à « casser la pierre » un remède contre les calculs rénaux, et elle fut longtemps utilisée pour dissoudre les « cailloux » des reins malades. Une belle illustration de la théorie des signatures, ce mode de compréhension du monde selon lequel l’apparence des végétaux est censée révéler leur pouvoir thérapeutique… 

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier