Son petit nom latin, Parnassia palustris, est une référence au Mont Parnasse (en Grèce centrale), autrefois vénéré et dédié au Dieu Apollon et ses 9 Muses ; palustris étant lié directement aux marécages (palus en latin).

Seule représentante du genre Parnassia en France, la Parnassie des marais est une plante des zones humides et tourbeuses de l’hémisphère nord. Plutôt répandue dans la première moitié nord de la France, on la retrouve aussi en altitude, notamment dans les Alpes. Les populations en déclin depuis l’intensification du drainage des sols, isolent certaines stations (groupe d’individus), qui à terme disparaîtront par la faible diversité génétique existante. Ce déclin des populations a amené une protection de l’espèce sur de nombreux territoires.

Mesurant entre 10 et 30 cm, la plante nous offre une des dernières fleurs de l’année, blanche et composée de 5 pétales nervurés de vert, observable de juin à octobre.

C’est une plante principalement pollinisée par les diptères et hyménoptères, aussi capable d’autofécondation, mais les observations sur le terrain suggèrent un caractère carnivore (comme de nombreuses plantes des milieux pauvres en azote). C’est en effet à travers les staminodes (étamines stériles ou avortées, ne produisant pas de pollen) visqueuses que les insectes se font piéger. À ce jour, aucune étude scientifique ne permet d’attester le caractère carnivore de la plante, malgré de nombreuses observations sur le terrain.

Alors à vos loupes !

Texte : Clémence Divry / Illustrations : Alexander Hiley

Un sympathique visiteur, féru d’orchidées, a eu la gentillesse de partager une trouvaille qu’il a faite sur le Parc : à la fin du parcours, lorsque le chemin quitte la dune grise pour rejoindre la pinède, une petite station d’Epipactis des Pays-Bas (Epipactis helleborine subsp. neerlandica) s’est fait une place sur le sable chaud, entre la subtile mousse Tortule et quelques Troènes en fruit. 

Classée sur la liste rouge de la flore vasculaire de Picardie, cette jolie rareté n’est guère présente en France que dans les massifs dunaires du Pas-de-Calais, de la Somme, du Cotentin ainsi que dans le Nord Finistère. Pour voir sa carte de répartition, c’est ici : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/134145 !

D’une hauteur variant entre 30 et 80 centimètres, cette orchidée se reconnaît à ses feuilles engainantes regroupées à la base de sa tige robuste. Sa floraison est plutôt tardive – début septembre chez nous ; les fleurs délicates, vert rosâtre, poussent en grappe. Un moyen de protéger cette beauté vulnérable ? Préserver et restaurer les dunes littorales qu’elle affectionne ! 

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

Le soleil stagne sur les zones humides du Parc, et la végétation se colore telle une pluie de confettis ! Zoom sur quelques-unes de ces plantes…

Les derniers Lychnis fleur de coucou se fanent alors que la Salicaire commune pointe ses nombreuses petites fleurs roses. Avez-vous déjà observé de près les différentes fleurs que peuvent avoir les Salicaires ? Au fil de son évolution, l’espèce à développer une stratégie empêchant l’autofécondation en ayant 3 tailles de styles et d’étamines différentes, c’est la tristylie. Son petit nom latin Lythrum salicaria vient du grec lytron, désignant le sang souillé, en lien avec la couleur de ses fleurs, et salicaria venant de salix donc du saule, qui a en commun la forme lancéolée des feuilles.

Au bord du chemin ou dans les prairies, l’Onagre bisannuelle entame sa floraison et attire notre œil sur ses grandes fleurs jaunes arrivées d’Amérique du Nord au XVIIe siècle. Elle était, d’ailleurs, utilisée par les Amérindiens pour soulager les démangeaisons des peaux sèches. C’est à la tombée de la nuit qu’une fleur par pied va s’ouvrir pour se faner le lendemain, un paradis éclair pour les insectes nocturnes. Cette Belle de nuit produit de nombreuses graines noires, utilisées en cosmétique sous forme d’huile.

Une autre fleur jaune mais sur un ton pastel, le Pigamon jaune. Pouvant dépasser 1m50 de hauteur, le Thalictrum flavum a une croissance rapide expliquant son nom tiré du grec thallo et ictar, autrement dit : “je pousse vite”. Un lépidoptère, la Phalène sagittée visite les fleurs du Pigamon jaune. Cette espèce de papillon nocturne concentre sa plus grosse population dans les vallées de la Somme !

Encore timide en ce début de mois de juillet, une haute tige, parsemée de feuilles vertes ressemblant à celle du cannabis, porte en son sommet une inflorescence en corymbes prête à exploser de petites fleurs allant des tons rougeâtres à blanchâtres. L’Eupatoire chanvrine est aussi nommée “Pantagruélion aquatique”, héritant ainsi du nom donné par Rabelais à une plante proche du chanvre, citée à la fin du Tiers Livre. C’est une plante emblématique des zones humides et particulièrement appréciée des papillons. Approchez… vous observerez sûrement le Tabac d’Espagne ou l’Écaille chinée !

Texte : Clémence Divry / Illustrations : Alexander Hiley

En vous baladant sur les chemins du Parc et en regardant en bord de talus, peut-être êtes-vous tombés sur des étoiles… Oui, oui, des étoiles. Bon, rien à voir avec des corps célestes ardents à plusieurs milliards de kilomètres de nous dans l’espace (sinon il y aurait vraiment un problème) mais plutôt de drôles de champignons à la forme intrigante.

De la famille des Geastraceae, aussi appelés géastres, on peut les retrouver dans de nombreux habitats, tels la forêt, la plaine, et les milieux plus secs, comme les dunes de sable. L’espèce trouvée ici peut pousser dans les milieux sableux.

Le mycélium grandit et se développe toute l’année dans le sol et une fois par an il fait sortir son sporophore, ‘’le chapeau’’.

Mais pourquoi faire pousser ce drôle de chapeau ? Eh bien pour se reproduire !

Quand le chapeau sort, la première couche va rapidement se craqueler et s’ouvrir, donnant cette forme étoilée si caractéristique de cette famille de champignons, laissant apparaître une mystérieuse petite sphère. Celle-ci contient plusieurs millions de spores ; au moindre contact avec une goutte d’eau, un animal ou un visiteur du Parc, les spores sont éjectées sous forme de petits nuages, ce qui permettra au champignon de se reproduire.

Ce champignon n’est pas comestible ; à chaque cueillette, déterminez toujours bien les espèces avant de les consommer, sinon vous risquez de réellement voir des étoiles… mais pas dans de très bonnes conditions !

Texte et illustration : Théo Le Barbanchon

Aujourd’hui, nous vous proposons de vous plier en quatre pour admirer une modeste petite fleur qui pousse au ras du sol : la Saxifrage à trois doigts (Saxifraga tridactylites). Pour cela, rendez-vous dans les dunes grises bien ensoleillées du Marquenterre. Allez, on s’agenouille – en prenant soin de ne pas écraser notre merveille – on sort sa loupe de botaniste, et c’est parti pour un voyage féérique au pays des minuscules !

La Saxifrage à trois doigts est une adorable plante annuelle à la racine mince et fluette, mesurant entre 2 et 12 cm… lorsqu’elle est au sommet de son art. Au bout de sa tige grêle, solitaire et souvent rougissante – toutes les caractéristiques d’une grande timide ! – s’épanouit une corolle de petits pétales blancs au coeur de laquelle on distingue les étamines jaunes. Si ses premières feuilles sont spatulées, les suivantes possèdent généralement trois lobes, d’où son épithète « tridactyle ». Toutefois ce nombre peut varier, sans cela la botanique serait trop simple ! Leur aspect charnu, succulent, voire – disons-le franchement – potelé, nous rappelle que la Saxifrage doit faire des réserves pour survivre en terrain hostile. 

En effet, cette courageuse pionnière apprécie les décors minéraux : elle s’épanouit en milieu ouvert sur des sols pauvres, secs et calcaires, et n’hésite pas à conquérir les substrats sablonneux ou à escalader les falaises et les murs, s’insinuant dans la moindre brèche. Elle aime la pierre, que voulez-vous ! Une vraie rupicole. Cette caractéristique lui a valu son petit nom, puisqu’elle est littéralement la “briseuse de rochers” (du latin saxum = rocher, et frangere = briser). Avec de rares lichens et quelques mousses, telle la jolie Tortule des sables, elle constitue donc la première strate végétale des dunes qui, en mourant, enrichira le sol et permettra l’installation de plantes plus gourmandes. Ainsi recule le désert… 

Outre son allure crassulescente, la Saxifrage possède une autre particularité qui ne laissa pas de marbre le grand Charles Darwin en personne : ses feuilles sont couvertes de poils glanduleux riquiquis qui les rendent visqueuses et collantes… Un attribut original, pas si éloigné des pièges des droséras dans lesquels s’engluent les insectes ! Et si notre frugale « perce-pierre » était une plante proto-carnivore, pas encore capable de digérer la nourriture carnée, mais déjà équipée pour l’attraper ? Cette hypothèse reste à vérifier ; mais quoi qu’il en soit, ces petits poils semblent bien efficaces pour décourager les herbivores gloutons !

Les anciens, eux, virent dans sa faculté à « casser la pierre » un remède contre les calculs rénaux, et elle fut longtemps utilisée pour dissoudre les « cailloux » des reins malades. Une belle illustration de la théorie des signatures, ce mode de compréhension du monde selon lequel l’apparence des végétaux est censée révéler leur pouvoir thérapeutique… 

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier 

Depuis quelques semaines, de drôles de formes gélatineuses en forme d’oreilles poussent dans les sous-bois du Parc. Vous aurez peut-être la chance d’en observer sur des branches mortes ou de vieux arbres.

Mais qu’est-ce que cela peut bien être ? Une nouvelle mutation aurait atteint les arbres du Marquenterre ? Non rien de tout ça. Il s’agit d’un champignon plus qu’intriguant.

L’Oreille-de-Judas, c’est son nom, est un champignon à la texture cartilagineuse et élastique, qui deviendra de plus en plus dur en vieillissant. Son sporophore – ‘’le chapeau’’ – ressemble énormément à… une oreille, vous l’aurez compris.

N’ayez pas peur de le toucher, cela en amusera plus d’un ! Il s’agit d’un champignon totalement inoffensif pour l’homme ; cuit il peut être consommé sans souci (néanmoins attention, cru il peut présenter une très légère toxicité).

Dans la casserole, vous aurez la surprise d’avoir à faire à un champignon sauteur ! Une pression se crée lors de la cuisson, ce qui peut le faire sauter comme un pop-corn.

Légèrement parasite de certains arbres tel le sureau ou le frêne, il est surtout un saprophyte, c’est-à-dire qu’il se nourrit de bois mort et participe donc à sa décomposition.

Contrairement à la grande majorité des champignons qui vont faire sortir leur sporophore en automne, saison tant attendue des cueilleurs, notre intrigante Oreille-de-Judas poussera toute l’année, l’hiver sera la meilleure période pour l’observer.

Texte et illustrations : Théo Le Barbanchon 

Ce soir, monstres et sorcières s’amuseront à se faire peur… mais les habitants du Parc échapperont aux mauvais sorts, en échange de leurs meilleurs bonbons : les cynorhodons. Ces jolies friandises toutes rouges sont en réalité le fruit – ou, pour être tout à fait exact, le faux-fruit des églantiers, ces rosiers sauvages du genre Rosa qui s’épanouissent sur les dunes ensoleillées du Marquenterre. 

Au printemps, leurs rameaux dressés, robustes et légèrement arqués, mesurant jusqu’à 3 mètres de haut, se parent de fleurs délicatement parfumées, souvent solitaires, parfois disposées en corymbe. Leur corolle est composée de 5 pétales rose pâle ou blancs. Mais gare à l’imprudent qui tenterait d’en faire un bouquet : les tiges sont équipées d’aiguillons crochus très piquants, véritable défense contre les cueilleurs et les gourmands. 

Commence alors le ballet des pollinisateurs, qui volètent d’étamine (l’organe mâle de la fleur produisant le pollen) en pistil (l’organe femelle à la base duquel sont blottis les ovules, protégés par les carpelles) et participent ainsi à la fécondation de notre rose.

Au cours de l’été, le réceptacle floral se métamorphose ; il prend la forme d’une petite urne ovoïde rouge orangé, toute lisse et charnue, de la taille d’une olive : le fameux cynorhodon ! À son sommet, on devine les restes desséchés des sépales, ces petites pièces foliacées qui se cachent sous les pétales de la fleur et composent son calice. Chaque faux-fruit renferme 20 à 30 akènes, les vrais fruits de l’églantier issus de la transformation des carpelles, mesurant à peine 2 millimètres et contenant chacun une unique graine

En octobre, notre bonbon arrive à maturité. Et quel régal ! La pulpe légèrement acidulée et astringente, très riche en vitamine C, se déguste en sirop ou en confiture. Outre ses qualités alimentaires, le cynorhodon possèderait des vertus médicinales qui en feraient un précieux remède contre les morsures des roquets, toutous et autres cabots. D’où cet étrange nom : il est littéralement la “rose des chiens” (kunos = chien, et rhodon = rose en grec ancien).

Mais attention ! Là encore, notre buisson épineux sait se montrer espiègle : les akènes sont munis de minuscules poils irritants, qui provoquent des démangeaisons insoutenables aux gloutons insouciants qui oublient de les ôter. Le majestueux rosier sauvage, symbole d’amour et de poésie, mérite alors son surnom plus trivial de… “gratte-cul” ! 

Texte : Cécile Carbonnier / Illustration : Alexander Hiley

L’automne s’est installé au Parc du Marquenterre, ouvrant officiellement la saison des champignons. Avec la douceur et l’humidité ambiantes, ces drôles d’organismes s’épanouissent çà et là, ouvrant l’appétit à plus d’un gourmet. Mais pas question ici de vous délivrer la recette de la plus succulente des fricassées ; nous n’établirons pas non plus la liste des petits veinards que les champignons peuvent sustenter. Non. Une fois n’est pas coutume, nous nous intéresserons à ce que “mangent” ces êtres passionnants. 

Car contrairement aux végétaux, les champignons ne sont pas capables de réaliser la photosynthèse, ce processus fascinant qui permet aux plantes de générer leur propre matière en utilisant l’énergie lumineuse, l’eau et le dioxyde de carbone. Comme nous, ils sont hétérotrophes, c’est-à-dire qu’ils sont contraints d’absorber des molécules organiques directement dans leur milieu. Et les stratégies ne manquent pas. Petit tour d’horizon des modes de nutrition de nos amis les champignons…

Champignons parasites : les malpolis

Ces sans-gêne ne demandent l’autorisation à personne : ils s’installent où bon leur semble sur le végétal ou l’animal hôte – bien malgré lui… – pour lui pomper sa matière organique sans aucun scrupule ! Ils se nourrissent ainsi de l’organisme parasité, et l’affaiblissent grandement, conduisant fatalement à sa perte si rien n’est fait pour déloger les squatteurs. Heureusement, ce sont aussi les moins nombreux !  

Un exemple : les champignons responsables des “rouilles”, ces maladies qui touchent certaines plantes vasculaires, laissant sur la face supérieure des feuilles de petites auréoles orange, et des pustules poudreuses sur le revers.

Champignons saprophytes : les alchimistes

C’est le gros du cortège fongique, à qui nous pouvons dire un grand merci ! En effet, ces champignons dégradent et transforment la matière organique morte ou en décomposition. Sans eux, nous serions entourés de cadavres et d’excréments et “la vie deviendrait impossible, parce que l’œuvre de la mort serait incomplète”, comme le formulait si justement Louis Pasteur. 

Un exemple : les coprins, qui se développent préférentiellement, voire exclusivement sur… les crottes ! D’où leur petit nom, copros signifiant fumier en grec.

Champignons symbiotiques : les amoureux

Symbiose mycorhizienne (mykes = champignon ; rhiza = racine) :  voici un exemple de relation qui ne peut laisser insensible.  Il s’agit de l’association intime que nouent un organisme chlorophyllien et un champignon. Le premier fournit au second les sucres dont il a besoin pour vivre ; en échange, celui-ci puise en profondeur l’eau et les nutriments indispensables à sa plante-hôte grâce au mycélium, ce réseau souterrain de fins filaments dont il est équipé, qui prolonge et densifie si ingénieusement le système racinaire de sa “moitié”. Les deux êtres retirent de cette union un bénéfice mutuel indéniable… Quelle belle histoire d’amour.

Un exemple : la truffe, le cèpe, la chanterelle, la girolle, la trompette de la mort… Allez, bon appétit !

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier