Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

À la fin de l’année 2023, 4 Martins-pêcheurs au moins étaient bien présents sur le Parc. Il est très probable qu’un couple ait niché au poste 1, et les oiseaux ont été très facilement observés tout au long de l’année. Le 28 novembre, un mâle adulte et une femelle juvénile sont bagués à la mangeoire, puis une femelle adulte le 1er décembre. 

Mais c’était  sans compter sur le coup de froid de mi-janvier où les plans d’eau du Parc ont été gelés à 80% sur une douzaine de jours… Les Martins se sont localisés alors surtout le long du fossé d’eau courante en fin de parcours. 

Les derniers jours de gel, leur envol était beaucoup moins rapide, on sentait que le temps de la disette devenait bien long. Il est fort probable que certains oiseaux n’aient pas survécu, notamment les juvéniles moins expérimentés. Toutefois le 31 janvier un oiseau au moins est revu au poste 10, inaugurant aussitôt les nouveaux perchoirs de pêche disposés à son intention ! 

Espérons que 2024 soit comme 2023 l’année des Martins, pour lui donner des couleurs aussi rutilantes que celle de l’oiseau.  

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Les premiers Garrots à œil d’or sont de retour en hivernage sur le Parc le 7 octobre 2023, avec un juvénile : c’est la date la plus précoce depuis 1973. Le précédent « record de précocité » était le 13 octobre 2020, toujours avec un juvénile. 

Un maximum de 5 mâles, 7 femelles adultes et 1 immature sont observés les 5 et 29 janvier 2024. Alors que généralement les mâles adultes étaient nettement minoritaires voire rares, cela n’est presque plus le cas ces dernières années. Le faible nombre de jeunes oiseaux s’accentue aussi, soit du fait d’une faible reproduction, soit d’un stationnement plus nordique de ces oiseaux. 

Les oiseaux adultes sont alors probablement dans ce cas des oiseaux ayant mémorisé au fil des années l’hivernage sur le site. Ce qui implique qu’à la disparition de ces individus fidèles, les stationnements sont appelés à diminuer dans les prochaines années… 

Ce canard plongeur se reproduit surtout en Russie, au bord de la Baltique, avec de petites populations en Allemagne et en Ecosse. Il a la particularité de nicher dans les arbres, notamment dans les anciennes loges de Pic noir. Ces populations nordiques sont en lente extension vers le sud, et depuis 1999 quelques rares couples nichent en France, notamment dans l’Oise.  

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Les premiers Harles piettes sont de retour cet hiver le 28 novembre 2023 – 2 mâles et 2 femelles -, une date somme toute assez précoce (la plus précoce étant le 4 novembre 2011 !), l’espèce très nordique arrivant surtout en décembre. Malgré ce début d’hiver très doux, ils viennent tout de même séjourner sur le site. Les mâles adultes sont plus casaniers et descendent moins vers le sud que les jeunes et les femelles. Ils arrivent très rarement les premiers, laissant ces « dames » passer devant ! Actuellement, 3 mâles et 4 femelles sont présents.

Je me souviens, enfant, d’un article sur cet oiseau dans le Courrier de la Nature en 1978, la revue de la Société Nationale de Protection de la Nature. Il était présenté comme l’oiseau des glaces qui, venant de la lointaine Russie ou de la Finlande à peine plus proche, n’atteignait notre région que lors des vagues de froid sévères, comme en 1979 ou 1985 où des oiseaux ont été bien présents sur le canal de la Somme et les gravières encore libres d’eau à l’intérieur des terres. Pour moi, avec les photos des superbes mâles dans les yeux, il devient l’oiseau mythique, l’oiseau du froid, que je n’aurais jamais l’occasion de croiser du regard… 

Or maintenant on a la chance appréciable de l’observer chaque hiver sur le Parc, quelles que soient les températures. Profitons-en, les derniers oiseaux resteront jusqu’à fin mars voire exceptionnellement jusque fin avril ! On les voit surtout des postes 4 au 6 où ils trouvent en plongée invertébrés et petits poissons (grémilles, épinoches…). 

Moins de 200 hivernent en moyenne en France, hors vague de froid (entre 1000 et 2000 oiseaux lors des gros coups de froid… dans le passé !) principalement sur les grands lacs de l’est de la France et le cours du Rhin.

Les oiseaux ont su mémoriser ce site d’hivernage complet sur lequel ils trouvent des conditions favorables… à l’inverse d’autres espèces comme le Cygne chanteur, le Harle bièvre ou la Corneille mantelée, qui ont perdu cette tradition (conditions peu favorables, disparition des oiseaux… ?) et, avec le changement climatique, ont de plus en plus tendance à hiverner plus au nord.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Lundi 19 février 2024, une nouvelle espèce de canard a été vue sur le Parc du Marquenterre. Il s’agit d’un mâle de Fuligule à tête noire (Aythya affinis) originaire d’Amérique du Nord. Cette espèce n’avait jamais été observée sur le site depuis sa création en 1973. Sa première mention en France ne date que de 1993, du fait du développement des connaissances ornithologiques.

Depuis, une trentaine d’observations ont eu lieu en France d’octobre à avril. Il est vrai que ce petit canard plongeur n’est pas très aisé à déterminer. Avec son dos clair, pas de confusion possible avec son cousin européen le Fuligule morillon qui niche et, surtout, hiverne dans notre région. On peut en revanche le confondre avec le Fuligule milouinan, canard plongeur nicheur en Scandinavie et en Russie et hivernant en très petit nombre sur les côtes françaises. Les différences sont très subtiles, avec une tête à reflets violets plus oblongue, avec une ébauche de petite houppe, et une pointe noire de petite taille au bout du bec chez le Fuligule à tête noire.

Il niche en Alaska et à l’ouest des Etats-Unis sur les lacs forestiers des Rocheuses, et hiverne au sud des USA jusqu’au Vénézuela et en Colombie. Il est relativement commun, avec une population estimée à 7 millions d’individus. Comme notre Fuligule morillon européen il se nourrit en plongée de mollusques, crustacés, mais avec une part plus importante de végétaux. 

L’automne 2023, avec ces multiples dépressions, tempêtes et coups de vents d’ouest, a été favorable à l’observation d’oiseaux américains en Europe, déportés à travers l’Atlantique lors de leurs déplacements migratoires. De petits groupes ont même été vus en Irlande et en Angleterre et les observations se sont multipliées en Bretagne et sur la côte atlantique ces six derniers mois. Un Fuligule à tête noire avait aussi été observé dans la Somme depuis quelques mois en vallée de la Bresle.

Que vont devenir ces oiseaux américains ? Pour la majeure partie d’entre eux, il est bien peu probable qu’ils retournent sur le continent américain. Peut-être vont-ils suivre les Fuligules milouinans et morillons dans leurs migrations, et s’hybrider avec eux sur les zones de reproduction ? 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Les Bernaches cravants fréquentent régulièrement la baie de Somme lors des deux périodes migratoires, en septembre-octobre et en février-mars. Leur vol en ligne au-dessus de la mer est spectaculaire. Faute de stations de zostères, graminées marines servant de base à leur alimentation, seuls quelques oiseaux isolés, parfois quelques dizaines, stationnent sur de courtes périodes, avec une quasi inexistence d’un hivernage complet. 

Un groupe de 27 individus est noté pour la première fois sur le Parc le 26 décembre ; elles sont 19 les 8 et 12 janvier, 23 le 24 janvier. Elles se nourrissent surtout sur la prairie du poste 1 à proximité des Oies cendrées, tout en restant toujours ensemble. C’est certainement le même groupe qui est présent depuis novembre sur le schorre du Cap Hornu à Saint-Valery-sur-Somme. La moyenne de l’effectif de la mi-janvier en baie de Somme pour la période 1991-2005 n’est que de 1,6 oiseau

On se réjouit de voir ainsi ce groupe prendre ses quartiers d’hiver chez nous. D’autant plus que, ne l’oublions pas, cette petite oie protégée vient de bien loin, nichant à l’ouest de la Sibérie, de la Nouvelle Zemble à la presqu’île de Taïmyr – soit une migration annuelle aller-retour  de 10 à 15.000 km ! La France joue un rôle essentiel pour l’hivernage de cette espèce avec jusqu’à 165.000 hivernants (75% de la population biogéographique) répartis sur les estuaires de la Manche au Bassin d’Arcachon, avec de gros effectifs en Bretagne, sur les îles de Vendée et en Charente-Maritime.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Le Cygne de Bewick, originaire de Sibérie arctique, est devenu rare en Picardie. Avec les changements climatiques, ces oiseaux hivernent de plus en plus au nord de l’Europe et descendent de moins en moins vers la France.  

Mais depuis la vague de froid de 2013, le Cygne de Bewick a retrouvé une véritable tradition d’hivernage sur le Parc du Marquenterre. Cette même année, jusqu’à 19 oiseaux avaient été observés, un record historique pour la Picardie ! En 2014, un couple revient avec ses deux juvéniles ; en 2015 ce sont 6 adultes et 2 immatures qui sont présents en hivernage, et pour l’hiver 2016-2017, un groupe de 6 avec un seul immature. Un couple d’adultes, probablement le même (le mâle est identifiable aux taches caractéristiques sur le bec) est présent maintenant chaque hiver depuis 2019. Hélas il n’est pas accompagné de juvéniles.

C’est avec plaisir que l’on retrouve un couple d’adultes en cette fin d’année 2023. Il est arrivé le 26 décembre. Mais un oiseau isolé avait survolé le Parc le 6 décembre, ne restant que quelques instants en se posant au milieu d’un groupe de… Spatules blanches ! Ce couple est présent sur le Parc du Marquenterre une grande partie de la journée, partant se nourrir le soir dans les champs aux environs, souvent dans une prairie partiellement inondée proche de Quend. Un deuxième couple les rejoint le 12 janvier 2024, et un oiseau seul (a priori un mâle vue la taille) le 29 janvier. Le 31 janvier les deux couples sont à l’extérieur du site alors que l’oiseau seul se nourrit sur les prairies du poste 7.

À peine 400 individus de ce joli petit cygne de Sibérie arctique au bec jaune hivernent en France (Camargue, étangs champenois et lorrains) sur 21000 en Europe de l’Ouest. Cette population européenne est plutôt en déclin avec un report de l’hivernage vers les sites plus orientaux (mer Caspienne et Méditerranée). On ne sait pas s’ils sont venus en terres picardes en rennes… mais c’est toujours un beau cadeau de début  d’année ! Avec les Harles piettes originaires de Norvège ou de la Baltique, le Parc du Marquenterre, même sans la neige et les gelées, prend des airs de Grand Nord…  

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley

Plusieurs espèces de passereaux attaquant ensemble un prédateur, ça vous étonne ? Et pourtant, ce comportement étonnant existe bel et bien. Nous savons depuis peu que les passereaux sont capables de comprendre des cris entre les espèces. Cela vaut notamment pour les cris de harcèlement, qui visent à rallier ses congénères pour houspiller le prédateur et le faire fuir. 

C’est ainsi que des Mésanges charbonnières peuvent rallier des Mésanges bleues ou encore des Chardonnerets élégants pour repousser un Epervier d’Europe. Encore plus extraordinaire, il a récemment été prouvé que la Mésange charbonnière pouvait répondre à une Mésange à tête noire nord-américaine (Poecile atricapillus) qu’elle n’a pourtant jamais rencontrée !

Texte : Jean Capelle / Illustration : Alexander Hiley

Le suivi régulier de la migration au point de vue permet – par beau temps et vent favorable – d’observer la migration active de nombreux passereaux. A cette période, les vacances vers l’Afrique ne sont plus vraiment d’actualité, mais plutôt des séjours à moindre frais (sobriété énergétique oblige…) vers la France et la péninsule ibérique, pour des oiseaux venant du Benelux à la Scandinavie en passant par les pays de la Baltique. Mais c’est aussi l’occasion de voir que toutes les espèces sont potentiellement migratrices (sauf notre cher Faisan, chargé de l’accueil au point de vue ou devant le pavillon d’accueil, qui ne doit pas se sentir concerné… fut- il de Colchide !).

Cette année sera celle des Tarins des aulnes. Les premiers groupes migrateurs sont observés le 23 septembre. Ensuite, chaque matinée, de petites bandes bruyantes en vol compact et chaloupé ont survolé le Parc par tous les temps et tous les vents, même défavorables. Leur stratégie de migration diurne est plutôt basée sur des distances courtes avec des haltes fréquentes. On peut ainsi les voir sur les aulnaies heureusement préservées avant le poste-mangeoire en fin de parcours. 

Ces petits saltimbanques joyeux sont à cette période granivores et cherchent les petites graines de strobiles d’aulnes. Les comptages donnent un record de 2620 observés en une matinée au point au point de vue le 13 octobre ; plusieurs milliers ont été dénombrés aussi les matinées d’octobre au banc de l’Ilette, à la pointe de Routhiauville en baie d’Authie ou en baie de Canche. 

Les dernières irruptions récentes datent des années 2007, 2010, 2017, et 2019. Ces phénomènes sont liés à des conditions de reproduction favorables en Scandinavie et dans le nord de l’Europe, augmentant les effectifs qui peuvent se voir en fin d’été confrontés à une année de disette (faible productivité en graines de conifères et de bouleaux) obligeant à un véritable exode alimentaire vers le sud-ouest de l’Europe, particulièrement pour les juvéniles. Ce sera l’occasion de pouvoir baguer des oiseaux à la mangeoire ou à la station de baguage pour le suivi de la migration postnuptiale. Le 16 mars 2013, un oiseau âgé de 3 ans, bagué à Trondheim en Norvège, avait été contrôlé sur le Parc. Il semble que chaque année, quelques couples nichent également dans le massif dunaire du Marquenterre.

Texte et illustration : Philippe Carruette