Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite
Les tempêtes et coups de vent qui s’enchaînent sans arrêt sur notre littoral depuis plus de quinze jours sur notre littoral n’avaient pas encore donné lieu à des oiseaux pélagiques venant s’abriter sur le parc. Il faut dire que plus de la moitié des vents ont été de direction du sud ouest ou du sud plutôt favorables à la remontée des oiseaux marins en ce mois de février.
Ce fut la bonne surprise de voir pendant quelques minutes un Grand Labbe se poser sur l’eau au poste 3 au milieu des tadornes. Cet oiseau imposant à la masse comparable au Goéland marin (1200 à 1600 grammes) niche en Norvège, dans le nord de l’Ecosse et sur le littoral russe et hiverne en mer. Il se nourrit de poissons, d’oiseaux marins et comme les autres labbes il harcèle les oiseaux piscivores en vol pour leur dérober leur pêche (« kleptoparasitisme« ) Il est observé presque annuellement sur le parc d’août à février avec une rare observation en juin. En 2007 sur le parc, là encore lors de forts coups de vent, 4 oiseaux ont été observés se nourrissant d’un cadavre de Tadorne de Belon le 6 janvier.
Le samedi 22 février une femelle adulte de Faucon pèlerin entame un piqué sur un groupe de Sarcelles d’hiver. Gênée par le vent, elle n’arrive pas à redresser sa trajectoire pour capturer un des oiseaux. Finalement, elle se pose sur le cadavre ancien d’un Goéland marin adulte et commence à le plumer avant de s’en désintéresser. Elle reviendra quelques minutes plus tard en entamant cette fois ci la chair.
En consultant la littérature abondante sur le Faucon pélerin, on ne mentionne jamais le côté charognard chez cette espèce que l’on retrouve chez de nombreuses autres espèces de rapace (buses, milans, busard des roseaux, aigles…). Le Faucon pèlerin se nourrit en effet presque exclusivement d’oiseaux capturés envol, les observations de captures de mammifères ou de batraciens restent bien rares. Il se peut que la longue période de vent très handicapante par la chasse des rapaces diurnes et surtout nocturnes, a obligé le rapace à se reporter sur un repas bien moins noble…
Déjà l’année dernière, une femelle de Pèlerin de deux ans avait, par grand vent, en un vol rasant capturé au sol une Foulque. Autre surprise, cet oiseau est porteur d’une bague couleur qui va nous permettre de connaître son origine dans un contexte d’expansion de l’espèce notamment dans les milieux urbanisés permettant le baguage des poussins au nid.
Photos: Armelle et Jean Claude Guillo
Les premières Mésanges noires sont observées et baguées au Parc du Marquenterre. Cette petite (9 grammes) au dessous chamois et à la tache blanche derrière sa grosse tête noire est tributaire des forêts de conifères ; elle est souvent associée au Roitelet huppé.
Sont-ce les prémices d’une nouvelle irruption d’ampleur nationale ? Comme les geais, les populations nordiques de Mésanges noires, notamment celles de la taïga russe et des bords de la Baltique, subissent des exodes dus à la combinaison d’un manque de graines d’épicéas et, localement, d’une forte densité de ces passereaux. Est-ce aussi une conséquence des vastes incendies de cet été dans la forêt boréale orientale ?
Alors que depuis les années 1988 ces invasions en nombre se produisaient tous les 3 à 5 ans, elles se déclenchent maintenant tous les 2 ans, montrant une dégradation brutale des sites de reproduction. La dernière en date a eu lieu en 2017 : en deux mois 605 oiseaux avaient été bagués au Parc du Marquenterre, avec des contrôles d’oiseaux bagués début septembre sur la station de Ventes Ragas en Lituanie près de la ville russe de Kaliningrad. À ce rythme les populations risquent de ne pas pouvoir se maintenir sur le long terme. En effet on estime qu’à peine 10% de ces dizaines de milliers (millions ?) d’oiseaux (en majorité des juvéniles) arrivant vers l’ouest de l’Europe remonteront sur leur site d’origine de reproduction au printemps suivant.
Texte : Philippe Carruette
Illustration : Alexander Hiley
Depuis début septembre, on remarque des Geais des chênes isolés ou en petits groupes, avançant assez haut dans le ciel de leur vol malhabile, aussi bien dans les vallées que sur les plateaux dénudés. Ces mouvements n’ont fait que s’accentuer vers la fin du mois : on en a dénombré parfois plusieurs centaines en une matinée sur les sites de migration privilégiés de l’intérieur des terres, dans l’Oise ou dans l’Aisne. Une nouvelle invasion se dessine nettement déjà, très perceptible en Belgique et aux Pays Bas.
Ce véritable exode concerne des geais venant sûrement d’Europe du nord et de l’est – hélas peu d’oiseaux pourront être bagués sur nos stations de baguage ; après plusieurs années de reproduction favorable, ils se retrouvent en “surnombre” à une saison où la richesse en nourriture n’est pas au rendez-vous du fait d’une mauvaise fructification des arbres et arbustes. Une seule solution, notamment pour les juvéniles moins casaniers et territoriaux : partir en masse vers le sud-ouest.
Le geai est un oiseau forestier. Son vol est généralement bas, lent, ses ailes rondes sont mieux adaptées à la circulation entre les arbres qu’à un vol au long court… Passer au-dessus de grands espaces ouverts comme la baie de Somme va profondément stresser ces petits corvidés vulnérables alors à la prédation du Faucon pèlerin ou de l’Autour. Ainsi sur le littoral, où cette irruption commence à se faire sentir, les geais venant du nord et passant au-dessus du point de vue du Parc ont soudain une véritable répulsion marine, notamment à marée haute ! Marche arrière toute, pour contourner ces espaces infinis, en passant par les zones arrière littorales plus végétalisées et bocagères… du moins l’espèrent-ils !
La dernière irruption importante de geais a eu lieu en 2012 ; les plus spectaculaires et remarquées par tous au quotidien ont été celles de 1977, 1996 et 2005. Elles avaient d’ailleurs concerné toutes les espèces forestières comme les pics, sitelles, bec-croisés, grimpereaux et mésanges.
Texte : Philippe Carruette
Illustrations : Eric Penet