Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

Le Phalarope à bec étroit est un petit échassier nichant en Scandinavie et en Russie, avec quelques rares couples en Ecosse. Cet oiseau part en migration en haute mer pour ensuite traverser l’Europe par les terres en direction de la mer Noire et de la mer Caspienne et aller hiverner en groupe le long des côtes du Golfe persique (Mer d’Oman, golfe arabique…) et dans l’Océan Indien. C’est un sacré et étrange périple migratoire en boucle !! Ce Phalarope a la particularité rare que le mâle soit moins coloré que la femelle puisque celle-ci parade et, est polyandre, laissant au mâle le soin de s’occuper seul de la couvée et de l’élevage rapide des poussins.

Un juvénile en plumage d’hiver (déjà) est observé du 27 au 30 août 2020 après les journées consécutives de fort vent, profitant, avec les niveaux d’eau bas et la chaleur, de la manne d’insectes en surface au poste 9 avec les barges et les chevaliers.

Il a aussi une autre particularité, celle de nager activement en rond comme une toupie en provoquant des tourbillons pour faire remonter les petits invertébrés en surface. Un comportement étonnant à observer et qui nous a régalés durant ces 3 jours.

Observé tous les ans et demi de 1973 à 1993, ce phalarope est observé maintenant quasiment chaque année depuis 1994 au parc. Comme au niveau national, la majorité des données concerne la migration postnuptiale. Mais les observations de printemps augmentent aussi (8) s’étalant du 28 avril (1986) à la mi-juin.

Avec le réchauffement climatique les périodes de forts vents augmentent obligeant les oiseaux à fréquenter de plus en plus le parc comme zone refuge. Le Parc du Marquenterre est devenu un des lieux les plus réguliers en France (environ une cinquantaine d’oiseaux observés par an) pour l’observation de ce petit limicole.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Eugénie Liberelle

Chez les canards, les oies et les cygnes, la mue postnuptiale complète a lieu en été.

Une des particularités chez les anatidés est de former leurs couples en automne et en hiver. Chez la majorité des espèces, la saison des amours débute au printemps.

L’hiver sur le parc nous pouvons observer les jolies couleurs que les canards nous dévoilent afin de séduire leurs femelles pour la reproduction prochaine. Le vert brillant des colverts, le rouge et le rose des siffleurs, le bleu des ailes du souchet et bien d’autres, la palette est complète !

A la fin de leur reproduction, les canards entrent dans la période la plus discrète et sensible de l’année, la mue !

Ce phénomène complexe leur permet ainsi de renouveler l’ensemble du plumage usé.

Durant la formation de ces nouvelles plumes, et surtout au moment de la repousse des rémiges (les plumes des ailes) les oiseaux sont incapables de voler et donc très vulnérables. Cette étape dur quelques semaines, et peut varier selon les individus et les espèces.

Nous pouvons ainsi les observer en été dans la végétation des îlots, sur les berges des plans d’eau, mais beaucoup se cachent dans les roselières. A cette période, le moment le plus crucial pour eux c’est la nuit. Mais pourquoi ? Les canards sont très actifs de nuit, afin de satisfaire leurs besoins alimentaires intensifiés par la dépense énergétique due à la croissance des plumes.

Chez les mâles, la chute des régimes accompagne la perte de leur livrée nuptiale pour ressembler au maximum aux femelles et leurs teintes marron. Hé oui, camouflage = survie !

Les différentes espèces ont alors toutes le même plumage terne et deviennent difficiles à identifier. Vous l’aurez compris, le fait d’avoir un plumage terne à ce moment précis de l’année les rend moins repérables par les éventuels prédateurs !

Les canards sont alors en « éclipse » jusqu’à fin août et courant septembre en général, avant de retrouver leurs belles couleurs grâce à une mue partielle chez les mâles au vue des parades qui arrivent à grands pas !

 

Texte : Léa Coftier / Illustration : Alexander Hiley

Après la Pie grièche écorcheur il y a quelques jours, une nouvelle espèce est nicheuse certaine sur le Parc du Marquenterre : la Sarcelle d’hiver. Depuis 1991 l’espèce est présumée nicheuse quasiment chaque année avec des cantonnements de couples, des femelles supposées sur le nid mais jamais l’observation de poussins. La donnée la plus probable est l’observation d’une canne avec 7 juvéniles volants le 27 juin 2003, mais on ne pouvait être certain qu’ils soient nés sur le site.

Le 16 juin, un couple est noté avec 4 gros jeunes d’environ quatre semaines entre le poste 6 et le poste 7, emplacement idéal puisque l’espèce apprécie les milieux très fermés.

Ce petit canard est extrêmement discret en période de nidification et on ne dispose en Picardie que peu de données de reproduction « certaine » (Hâble d’Ault, basse vallée de l’Authie, Thiérache, marais d’Isle à Saint Quentin…). Faute aussi de prospections spécifiques notamment en soirée dans des milieux souvent privés et inabordables.

 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Le mardi 21 juillet, par une belle fin d’après midi ensoleillée et un léger vent de Nord Ouest, quatre jeunes cigognes noires survolent le parc. Profitant de ces bonnes conditions, elles filent plein Sud, sans s’arrêter, direction le nord du Burkina ou le Niger (destination finale d’hivernage). 

Les oiseaux ont tendance à passer de plus en plus tôt en migration postnuptiale, avec un pic d’observation se décalant fin juillet (au lieu de mi août dans les années 90) et maintenant une quasi absence de données en septembre.

Les cigognes noires remontent de plus en plus tôt sur leur site de reproduction dans le Nord Est de la France (elles nichent dans l’Aisne), les Ardennes belges et l’Allemagne. En effet, les juvéniles, qui sont majoritaires à l’ouest de notre couloir de migration, s’émancipent donc plus tôt.

Il sera peut être encore possible d’observer des individus à la traîne, car les données les plus tardives sur le parc sont le 17 octobre 2016 et le 10 novembre 2014 ! Ouvrons l’œil !

Finalement trois de ces jeunes (non bagués) ont choisi de passer la nuit sur le parc entourés de vastes vasières et de prairies. Le matin du 22 juillet à 10h, elles ont survolé le pavillon d’accueil et la file d’attente des premiers visiteurs, un spectacle magique ! 

Bon voyage !

Photo du 21 juillet en fin de journée

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Nicolas Deledicq (22 juillet en fin de journée) et Eugénie Liberelle

C’est parti, les jeunes cigognes après s’être bien entraînés sur le nid en faisant du « trampoline » ont pour la plupart quitté le nid. L’atterrissage n’est pas encore parfait et la maîtrise du vol plané pas encore optimale mais le résultat est prometteur.

Posé au sol, si se nourrir est inné pour les juvéniles, il faut quand même apprendre (on peut bien être doué mais si on ne travaille pas…). Il est intéressant de voir ainsi les cigogneaux au pied de la héronnière harponnant une écorce de pin, une tige de graminée qui bouge au vent, ou s’énerver sur une branchette feuillue d’argousier. Eh oui quand on niche à 25 mètres du sol tout est nouveau sur le plancher…des cigognes ! Et je ne vous dis pas quand on arrive dans le marais au contact de l’eau !

Profitons de les observer au maximum ; ces juvéniles au bec sombre et au plumage neuf, dans quinze jours elles seront sur la route de l’Espagne et du Portugal. Seuls, sans les parents qui eux vont migrer en août-septembre après avoir fait leur mue. Certaines cigognes passeront peut être Gibraltar et gagneront le Mali, le Niger ou la Mauritanie. Et bien peu hélas reviendront dans notre région !

 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Si les colonies de Laridés des postes 2 et 6 ont été en partie détruites, la colonie du poste 1 prospère notamment avec les 254 couples de Mouettes mélanocéphales. Cette espèce a la particularité de laisser se réunir ses grands poussins en crèche sans aucune agressivité des adultes. Ces dernières semaines ce sont ainsi plus de 200 grands poussins et juvéniles gris-argentés qui sortent de la végétation de l’îlot principal pour se baigner ou se dégourdir les pattes sur les plages de sable et les vasières (fini le confinement, c’est l’été!!!). Profitons bien de leurs observations, car ces juvéniles vont partir très vite en groupe, direction Le Portel près de Boulogne sur Mer qui sera leur premier regroupement postnuptial. Ensuite elles prendront la route de la Manche, du Finistère et pour certaines jusque dans les Asturies espagnoles ou le sud du Portugal. A l’inverse les jeunes Mouettes rieuses plus « rouquines » se regroupent peu, restant seules entre jeunes de la même famille, évitant le contact avec les adultes agressifs de l’entourage de la colonie.

 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : 

Le fait a vraiment le mérite d’être mentionné puisque le site âgé de 47 ans avec 308 espèces d’oiseaux observées (n’oublions pas, que sur 200 hectares !) n’a pas souvent l’occasion de vivre des nouveautés ! Un mâle de Pie-grièche écorcheur est repéré le matin du 22 juin 2020 par l’équipe de la Réserve Naturelle lors de son passage pour gagner le littoral. L’après midi une observation plus longue permet de repérer un couple de pie-grièche qui fait le va et vient entre une zone d’argousiers et un sureau où le nid avec des jeunes est sûrement présent, le pic des éclosions se situant dans les deux dernières décades de juin.

Le mâle est observé en train d ’empaler  une cétoine sur une épine d’argousier! Comportement « mythique » vu dans les livres que nous savourons ! Un abdomen de hanneton est aussi accroché un peu plus loin. Ce comportement de lardoire montre que les proies sont abondantes. Le territoire n’est pas choisi au hasard…. Une zone très ensoleillée et sèche, un vaste massif d’argousiers, une prairie et une friche à talus enherbé sont caractéristiques de l’habitat avec de nombreux insectes. Les études de trois anciens guides du parc (Alexandre Laubin, Guillaume Canova et Matthieu Robert ) qui ont découvert et suivi une population relicte dans la Somme d’une quinzaine de couples en « micro colonie » au sud de la baie de Somme. Ces observations ont bien ciblé ces milieux toujours secs et bien ensoleillés avec des buissons épineux, en majorité des aubépines, en basse vallée de la Somme. Malgré nos prospections dans des milieux jugés favorables à cette époque aucun couple n’avait été noté dans le Marquenterre, et à priori la dernière mention dans notre secteur est un couple nicheur à Saint Quentin en Tourmont en 1997.

Cette espèce n’avait été notée que 3 fois sur le parc depuis 1973 à des dates de migration postnuptiale de plus très tardives pour les deux premières : le 2 octobre 1994 et le 2 octobre 2011 et un juvénile le 7 août 2018.

La Picardie est en limite nord ouest de son aire de répartition. Ce n’est vraiment que dans l’Aisne, notamment en Thiérache, qu’elle est encore bien présente mais fortement menacé par le déclin de l’élevage…

 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Léa Coftier

Le Circaète Jean le Blanc se reproduit dans le Sud de l’Europe surtout en Espagne, le nord de l’Afrique, la Turquie et de la Pologne à la Sibérie. 2500 à 3300 nichent en France en 2012 avec une tendance à l’augmentation. L’hivernage est en Afrique dans la zone sahélienne.

Ce petit aigle mangeur de serpents était déjà noté au 19ème siècle sur notre littoral  » l’Aigle Jean le Blanc, excessivement rare, se tue quelque fois dans les garennes de Saint Quentin en Tourmont, embouchure de la Somme  » (Cocu 1933).  » Le Jean le Blanc paraît en automne au-dessus des garennes allant rapidement au sud et au printemps se dirigeant vers le nord, ce qui ne l’empêche pas de manger quelques lapins…  » (Labille, 1858)

De 1973 à 1990 une seule observation exceptionnelle a lieu sur le parc  (la première contemporaine pour notre littoral) de ce rapace mangeur de reptiles : 1 le 25 septembre 1990 en vol stationnaire au-dessus de la pinède avant de partir plein sud. Il ne sera pas revu les jours suivants.

En 2013 un oiseau à la tête sombre est photographié le 13 juillet et, est revu le lendemain. Le 21 juillet un deuxième individu à la tête claire est photographié, la mue et le pattern montrent bien qu’il est différent du premier. Ils seront alors identifiés comme des oiseaux immatures.

Une observation remarquable pour sa date tardive même très tardive d’un individu photographié le 6 novembre 2014.

Le 23 juillet 2016 un oiseau est observé chassant sur les prairies du parc sans suite les jours suivants.

Un individu en phase claire (pattern représenté seulement chez 10% de la population) est observé au moins du 16 juin au 17 juillet sur le parc chassant sur les prairies et surtout vers le nord du massif dunaire. C’est la première observation sur les lieux, d’un stationnement prolongé. Quel est le régime alimentaire de l’espèce sur un littoral où les reptiles sont quasi absents (arrivée récente de la Couleuvre à collier sur la basse vallée de la Maye à Rue), et le Lézard vivipare s’il n’est pas rare reste localisé sans forte densité?

Le 23 juin 2020 a lieu une nouvelle observation d’un oiseau de pattern clair photographié par Denis Atinault, avec une photo très intéressante en compagnie d’une Buse variable. L’oiseau présente un début de mue des rectrices.

On constate que les observations se concentrent en été concernant des oiseaux immatures (l’espèce niche à 3 ou 4 ans). La tendance à l’expansion sensible vers le nord (nidification en forêt de Fontainebleau), la tendance à des périodes estivales chaudes, l’arrivée des reptiles et les travaux d’ouverture des milieux dunaires par le Syndicat Mixte Baie de Somme pourraient favoriser l’espèce et multiplier la régularité des observations dans notre région. 

 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Denis Atinault