Un plongeur américain au Marquenterre

Lors du comptage matinal au Parc du Marquenterre, un Fuligule à bec cerclé mâle en mue est observé le 31 août, puis le 1er septembre. Ce canard plongeur est originaire d’Amérique du Nord où il niche du centre de l’Alaska au nord-est des Etats-Unis en passant par le Canada. Il hiverne le long des zones humides du Pacifique et de l’Atlantique jusqu’au Panama. Il n’est pas menacé dans son pays, voire en extension, ce qui a dû favoriser l’augmentation des observations en Europe. 

Il ressemble fortement au Fuligule morillon, canard européen présent toute l’année sur nos grands plans picards. Cette espèce américaine s’en distingue facilement à sa tête plus pointue et à son long bec fuyant, décoré à son extrémité d’une bande blanche plus ou moins large. Il a, comme le morillon, un œil très jaune lui donnant toujours un air “étonné”, mais contrairement à son cousin européen, il ne possède pas de huppe. 

Grand plongeur, il apprécie les gravières et les étangs, évitant les marais peu profonds ou les grands lacs à forte turbidité. Son régime surtout végétarien (graines, tubercules, laîches et autres plantes aquatiques…) fait qu’on l’observe souvent en compagnie des Fuligules milouins.

Les rares données sur notre littoral (Hâble d’Ault et vallée de la Bresle où sont observés des rassemblements de canards plongeurs) sont surtout en avril, correspondant à la migration de printemps sur le continent américain, où ils remontent du sud des Etats-Unis et du Mexique pour nicher en Amérique du Nord. Il est aussi parfois observé dans les grandes vallées de l’Oise, cette fois en hivernage (Pontpoint, Verneuil en Halatte…).

C’est le canard américain le plus observé en Europe (50 à 100 observations par an), avec 10 à 20 données chaque année en France, surtout dans le nord-est, où de nombreux canards plongeurs stationnent. Le Finistère est le département où l’oiseau est le plus vu lors des deux migrations, montrant l’origine sauvage de la grande majorité des individus qui, déportés par les vents, traversent l’Atlantique. Des Fuligules à bec cerclé ont ainsi été observés aux Açores et au Maghreb. C’est la seconde observation sur le Parc du Marquenterre depuis sa création en 1973, en faisant la 316ème espèce d’oiseaux sauvages vue sur le site.

Le devenir de ces individus égarés en Europe est incertain. On sait que des oiseaux bagués sont fidèles à leur lieu d’hivernage (Lac de Grand-Lieu en Loire-Atlantique, gravières de Poses dans l’Eure…). Il effectue aussi d’importants déplacements en lien avec les mouvements des fuligules européens avec qui il vit. Un mâle, porteur d’une bague nasale en 2006 au Lac de Grand-Lieu, a été contrôlé en Essonne en 2007, en Pologne en 2008, dans la Marne en 2009 et 2010 ! Par contre, il est peu probable que des oiseaux puissent repartir en Amérique du Nord, mais un oiseau bagué en Angleterre en mars est repris au Groenland en mai suivant.

En cette période de grandes marées, de nombreux visiteurs tant néophytes qu’ornithologues ou photographes ont profité de cette belle observation, partageant la joie des guides naturalistes toujours prompts à transmettre les surprises du vivant et de la migration.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Gérard Longbien