Avertissement : certaines scènes décrites dans cet article sont susceptibles de heurter la sensibilité des lecteurs (surtout ceux passionnés de libellules) !

Le Parc du Marquenterre a été le théâtre d’une effroyable scène de crime. Mercredi dernier, alors que le soleil dardait ses rayons sur les plans d’eau douce où batifolaient libellules et demoiselles, contentes de profiter enfin d’une fenêtre de beau temps pour s’accoupler joyeusement, une grosse mouche grilla la priorité aux odonates dans un vrombissement détonant. D’abord offusqués par ce comportement d’une rare incivilité, nous fûmes ensuite tétanisés par l’effroi : le chauffard tenait prisonnier entre ses pattes un pauvre Leste vert (Chalcolestes viridis). Nous le suivîmes jusqu’à ce qu’il se gare sur une tige de bouleau, afin de l’intercepter. Amer constat : la victime était déjà décédée…

Le coupable, dont nous tairons le nom afin de préserver la tranquillité de ses proches*, était lourdement armé : son appareil buccal robuste, enfoncé dans sa face poilue, était muni d’un rostre puissant capable de perforer la chitine la plus dure. Nous tenions l’arme du crime. 

Asilidé attendant sa proie...

L’assassin avoua rapidement appartenir au « Gang des Mouches à toison » – ou Asilidae dans le jargon de la scientifique -, ces diptères prédateurs bien connus des autres insectes volants, qu’ils persécutent sans relâche. Lorsqu’ils décident de passer à l’action, leur mode opératoire est toujours le même : ils se postent, l’air de rien, sur une roche ou une branche dégagée, faisant mine de prendre un bain de soleil… Mais ne soyez pas dupes ! En réalité, ils surveillent de leurs gros yeux à facettes le trafic alentour. Dès qu’ils repèrent une proie appétissante, ils décollent sur-le-champ et s’élancent à sa poursuite ! La traque ne dure jamais bien longtemps. Grâce à leurs trois paires de pattes longues et épineuses, solidement attachées à leur corps massif, ils capturent la malheureuse victime en vol, et peuvent ainsi la maintenir contre leur abdomen trapu sans difficulté. Leur moustache épaisse – un autre trait de caractère du clan, qu’ils arborent fièrement – les protège des mouvements défensifs de leur futur repas. Impossible alors d’échapper à cette horrifique cage de griffes. Lorsqu’ils portent le coup fatal, ces voyous injectent dans le corps de la proie leur salive chargée d’enzymes neurotoxiques et protéolytiques. De retour sur leur poste de guet, ils n’ont plus qu’à siroter peinardement le cadavre prédigéré…

Prends garde demoiselle !

Une bonne nouvelle toutefois, parce que la Nature en offre toujours : ces fous furieux ne piquent pas l’Homme ! Au contraire, ils s’avèrent être de vaillants alliés du genre humain, puisqu’il leur arrive parfois de s’attaquer aux taons quelque peu embêtants.

Mais déjà le cycle de la vie reprend au Parc du Marquenterre. On nous apprend à l’instant qu’un Leste vert aurait été l’auteur, à son tour, d’un crime odieux sur un moucheron innocent…

* En réalité, son identification n’est pas évidente sans une analyse détaillée de sa pilosité… Un portrait-robot est en cours d’élaboration par nos services.  

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

Été pluvieux, oiseaux heureux…? Les chiffres du dernier comptage nous le diront peut-être. Pour les consulter, c’est ici : Comptage du 26 juillet 2021.

 

 

17 000 kilomètres : c’est la distance parcourue par un oiseau d’environ 250 grammes !

Début juillet, une Sterne caugek portant à la patte une bague jaune numérotée HC7 a été observée sur le Parc du Marquenterre. Avec ce code, l’équipe des guides a pu mener sa petite enquête et contacter le coordinateur du programme de baguage, via le site European colour-ring birding. En retour, ils ont pu obtenir des informations sur cet oiseau.

Née aux Pays-Bas et baguée poussin le 14 juin 2018 sur la colonie de Slijkplaat à Haringvliet au sud de Rotterdam, elle a été aperçue deux jours de suite en Namibie au sud-ouest du continent africain en février 2020, soit au minimum 17 000 km de chemin parcouru en longeant les côtes ! Elle a dû passer l’hiver le long de la côte atlantique à Luderitz – la Namibie est une ancienne colonie allemande, et le pays est indépendant depuis mars 1990 – proche de la frontière de l’Afrique du Sud.

Évidemment un tel trajet ne s’effectue pas sans haltes, les pauses sont régulières lors de cette migration au long cours pour se reposer la nuit. La pêche de petits poissons (lançon, sprats…) se fait durant le voyage et les jeunes sont ravitaillés en vol tout en apprenant le complexe métier de pêcheur en mer. Lors des coups de vents et tempêtes il n’est en effet pas simple de pêcher en surface de l’eau au milieu des flots démontés ! Néanmoins, malgré tant de grâce et de finesse, ne vous détrompez pas, ces oiseaux sont puissants et capables de faire plusieurs centaines de kilomètres par jour.

Vue de fin mai jusqu’au 19 juin 2021 à Slijkplaat, la Sterne caugek HC7 se serait donc reproduite à 3 ans aux Pays-Bas, avant de faire une halte en couple avec son jeune au Parc du Marquenterre, “aire de repos” bien connue des oiseaux migrateurs, afin de le nourrir de poissons pêchés en baie de Somme.

On la surnomme “hirondelle de mer” du fait de sa silhouette fine et de sa queue échancrée rappelant celle de l’hirondelle. Son bec est long et noir, avec le bout jaune. Oiseau grégaire, elle nidifie souvent sur des îlots en colonie, comme au Parc du Marquenterre – 44 couples cette année – ou au Hâble d’Ault, d’avril à juin. L’espèce reste peu abondante comme nicheuse en France avec chaque année en moyenne 6800 couples très localisés, la majorité étant regroupés en quatre ou cinq grandes colonies au Banc d’Arguin dans le bassin d’Arcachon, sur le polder Sébastopol à Noirmoutier, ou encore dans les lagunes de l’Hérault et de Camargue.

Texte : Laëtitia Bordier, Philippe Carruette / Illustrations : Nathanaël Herrmann

 

En compagnie de l’école d’Hesdin, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir dans un fossé d’eau douce claire une superbe Sangsue médicinale (Hirudo medicinalis) ! Cet invertébré du groupe des annélides – vers segmentés – peut mesurer jusqu’à 15 centimètres. Elle se reconnaît à son dos sombre avec des lignes orangées pigmentées de noire. En la retournant, nous constatons que le ventre est clair avec des taches sombres. Cet individu est particulièrement grand (12,5 centimètres) mais rétracté il perd toute sa longueur et prend la forme d’une limace “contrariée”, voire d’une grosse olive… ! Elle est amphibie et nage parfaitement bien par ondulation, mais peut aussi se déplacer sur le sol par reptation à la manière des chenilles arpenteuses, s’aidant de ses ventouses. La respiration se fait à travers la peau.

La sangsue possède deux ventouses : une buccale, qui constitue l’organe de succion, et une à l’arrière, plus importante, qui sert de fixation. L’espèce adulte est en effet hématophage. Elle possède de remarquables récepteurs sensoriels pour repérer ses proies. Elle parasite en milieu aquatique batraciens, tritons, poissons mais aussi mammifères sauvages ou domestiques. La ventouse antérieure a en son centre trois mâchoires chitineuses de 100 à 150 dents permettant de faire une petite incision indolore en Y sur la peau. Elle aspire durant quelques dizaines de minutes entre 10 à 15 centimètre cubes de sang, avant de se décrocher. Cela va lui faire un repas à digérer pendant plusieurs mois ! Les glandes salivaires émettent une molécule, l’hirudine, anticoagulante et anti-inflammatoire, permettant de siroter le précieux liquide en toute tranquillité. 

 

Comme pour les escargots, toutes les sangsues sont hermaphrodites avec une fécondation interne entre individus, mais un seul des partenaires est inséminé. Elle pond une sorte de poche spongieuse contenant 6 à 18 œufs, dans laquelle se développent les embryons. Les jeunes sangsues, au départ carnivores, ne seront adultes qu’à partir de 5 ans. On parle pour cette espèce de longévité étonnante, pour un invertébré, de 15 à 40 ans ! C’est a priori la première observation de cette espèce sur le Parc. Seule la Sangsue de cheval (Haemopis sanguisuga), qui ne se nourrit pas de sang, avait été notée de manière régulière sur le site.

De par son habitat en eau claire et de bonne qualité, la Sangsue médicinale est relativement peu abondante et est considérée comme quasi menacée sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.

Texte : Philippe Carruette / Vidéo : Léa Coftier

Pour consulter le dernier comptage, c’est ici : Comptage du 14 juillet 2021 !

Les Tadornes de Belon colorent encore la baie de Somme, même si beaucoup nous quittent pour aller muer en mer des Wadden. Petite surprise, 9 Eiders à duvet ont été aperçus ! Et cherchez bien, parmi les Goélands argentés, des « intrus » aux pattes jaunes : ce sont les Goélands leucophées…

À la croisée des chemins, nous sommes obligés de laisser la priorité à un longicorne bien lourdaud : le Lamie tisserand (Lamia textor). On ne peut pas dire qu’il soit stressé, se déplaçant lentement à un “train de sénateur”. Même s’il a des ailes sous sa solide carapace granuleuse, il ne semble guère les utiliser et je crois ne l’avoir jamais vu voler ! Finalement, il est du genre tranquille le matin, et pas du tout pressé le soir, ou au crépuscule. S’il peut être observé dès mars avril, au Parc nous le croisons surtout en juin ou juillet, notamment lors des sorties nature estivales en soirée, au grand plaisir des enfants !

Les adultes, grâce à leurs fortes mandibules – mais ils ne mordent pas ! – se nourrissent de l’écorce des jeunes rameaux de saules ou de peupliers. Les larves se développent durant 3 à 4 ans dans le bois mort de ces mêmes arbres des marais. Ce capricorne reste peu commun en Picardie ; comme tous les membres des Cérambycidés (230 espèces en France) il est particulièrement menacé par le manque de vieux bois dans des forêts surexploitées ou gérées à rotation courte. Il est même classé comme espèce protégée en Wallonie belge.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Cécile Carbonnier

Le Grimpereau des jardins est certes localisé, mais assez commun sur le Parc en période de nidification, où la ponte commence fin avril, souvent dans un nid bien dissimulé entre le tronc et son écorce décollée. Des couples peuvent aussi occuper les nichoirs adaptés à l’espèce, ou bien s’installer dans la charpente du toit de certains postes d’observation. Ils sont surtout présents autour du pavillon d’accueil, au fond des parkings et à la héronnière, où se trouvent les arbres les plus gros sur le tronc desquels les petits passereaux aux pattes courtes et aux doigts longs et griffus peuvent grimper en colimaçon. Le bec arqué du Grimpereau est particulièrement fonctionnel pour capturer petites araignées, chenilles et larves logés dans les crevasses des écorces

C’est en mars, avec le chant, et fin juin début juillet, quand les jeunes quittent le nid, qu’il est le plus remarqué sur les secteurs forestiers. Son dos a d’ailleurs la couleur de l’écorce des arbres et les rectrices rousses de sa queue sont rigides, pour assurer une plus grande adhérence au support. Un vrai passionné des arbres !

Texte et illustration : Philippe Carruette

Voici le dernier comptage : 10 juillet 2021

Sur le Parc, de jolis groupes d’Aigrettes garzettes se rassemblent devant le poste n°5 pour pêcher dans les herbiers aquatiques. Quant à leur grande cousine, c’est officiel, elle est bien nicheuse ici, puisqu’une jeune Grande Aigrette volante a été aperçue dans la héronnière !