De 2010 à 2017, des opérations de baguage de poussins de Mouettes mélanocéphales et de Mouettes rieuses ont eu lieu sur les colonies du Parc et de la Maison de la baie de Somme (programme du Centre de Recherches sur le Baguage des Populations d’Oiseaux – Muséum Paris). Et des oiseaux porteurs de ces bagues couleur vertes nous apportent toujours de précieuses informations ! 

Durant 5 jours, Jean Roger Perrot et Alain le Dreff ont effectué une opération de contrôle des bagues à la longue-vue sur la grande colonie du polder de Sebastopol à Noirmoutiers (Vendée). 252 bagues ont été lues dont 218 oiseaux bagués en France… et deux “Picardes” dont nous n’avions plus de nouvelles depuis bien longtemps !

  • Bague verte RE60 : Baguée à la Maison de la Baie de Somme le 24 juin 2014, elle est notée les 21 et 22 avril 2025 sur la colonie de Noirmoutiers. Elle n’avait donné lieu à aucun contrôle depuis plus de 10 ans, ce qui est étonnant vue la pression de lecture de bagues sur cette espèce “populaire”. Elle a su se faire bien discrète, probablement sur des lieux à faibles densités d’observateurs.
  • Bague verte RR4U : Baguée poussin à la Maison de la Baie de Somme le 28 juin 2016., elle est notée le 17 septembre 2016 à Lampaul Ploudalnézeau (Finistère) et le  19 avril 2025 à Noirmoutiers.
  • Un oiseau bagué poussin le 23 juin 2018 au polder Sébastopol, a été observé au Parc du Marquenterre le 18 avril 2022 ; il est le 26 avril 2022 sur la colonie de Blois sur la Loire et retour à Noirmoutiers le 29 avril 2022 et le 19 avril 2025. 

La colonie de Mouette rieuse étant faible (maximum de 242 couples au poste 1 pour l’instant), il est peu probable que des Mouettes mélanocéphales nichent cette année sur le Parc. On sait dès son arrivée en Europe de l’ouest depuis l’Ukraine que encore aujourd’hui seules les grandes colonies de Mouettes rieuses – plus de 300 couples – sont attractives pour l’installation de cette espèce. Espérons que lors des dispersions post-nuptiales, nous ayons des stationnements pour contrôler des oiseaux bagués et vous (nous) raconter de belles histoires…

Merci à Jean Roger Perrot, Alain Le Dreff et à tous les observateurs de cette passionnante espèce  de jouer le facteur de la Poste, apportant les nouvelles de cette incroyable globe-trotteuse ailée !

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

On sait grâce aux opérations de baguage sur les colonies nicheuses européennes que l’Avocette élégante est une espèce à fort comportement philopatrique : chaque année, quel que soit le résultat de la reproduction, les oiseaux reviennent sur leur site de nidification. 

Il faut dire que les milieux pionniers favorables à l’espèce sont très limités ; 70% des colonies d’Avocettes françaises sont sur des sites protégés avec des milieux plus ou moins gérés par l’Homme. Il faut vraiment que les échecs lors de la couvaison ou de l’élevage des poussins se multiplient – prédation, submersion des nids, stress alimentaire… – durant de nombreuses années pour que la colonie disparaisse totalement. 

Heureusement (la nature est bien faite !) les adultes ont une longévité forte atteignant jusqu’à plus de 25 ans. De plus, ils peuvent faire une couvée de remplacement quand la première est détruite au stade de l’incubation.

Grâce au baguage couleur des poussins sur certaines colonies, on sait que de nombreux oiseaux adultes remontent précocément en été (dispersion postnuptiale) depuis les colonies de Loire-Atlantique. Un oiseau bagué poussin le 20 juin 2008 à Saint Molf tente ainsi de nicher sur le parc le 8 juillet 2012 !

À une autre extrémité dont le centre est le Parc, des oiseaux nicheurs sont originaires des Pays-Bas. Un oiseau bagué poussin à Wommeles (Groningen) niche au Marquenterre le 2 juin 2021. Un mâle bagué poussin le 7 juin 2019 à Lihoijen au sud d’Utrecht et nicheur en 2022 aux Pays-Bas, se reproduit au Parc en 2024 et 2025.

Le baguage couleur permet aussi de savoir que des oiseaux nicheurs au Parc vont hiverner en Espagne en Andalousie à Veta de Palma.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Depuis le 24 février, de nombreuses Cigognes blanches sont revenues sur le Parc. Avec la fermeture du centre d’enfouissement de Boismont, peu d’individus hivernent en permanence sur le site. Ceux qui fréquentaient en nombre ce lieu de nourriture facile se sont reportés sur le centre de Dannes dans le Pas-de-Calais, celui de Valembray dans le Calvados, ou les grandes décharges espagnoles autour de Madrid. 

Des oiseaux peuvent revenir de migration jusque début mai. On remarque que ce sont souvent des mâles ayant des difficultés à trouver un partenaire, les femelles ayant plutôt tendance à s’éloigner de leur lieu de naissance. Cela produit des conflits réguliers, parfois violents, pour s’emparer de nid déjà occupés. Quelques oiseaux bagués furent contrôlés durant ce retour. On ne bague plus de cigogneaux en France, mais nous continuons à le faire dans le cadre d’un programme régional Hauts-de-France accepté par le Centre de Recherches sur le Baguage des Oiseaux (Muséum de Paris) du fait que la population du nord de France est encore en pleine expansion.  

  • FMIY baguée le 12/06/2023 sur la plateforme après le poste 11 : c’est un mâle célibataire noté à la héronnière les 30/03/2025 et le 08/04/2025.
  • FHXA baguée le 31/05/2017 à Merlimont (62) : le 08/10/2024 ce mâle est à Valembray (Calvados) ; il revient sur le Parc le 24/02/2025 et le 31/03/2025 il niche à la héronnière.
  • BRZS baguée à Groffliers le 09/07/13 : elle est à Valembray le 07/01/2025 ; le 01/04/2025 elle est notée au Parc.
  • FMIC baguée le 30/05/2019 à Merlimont (62) : le 21/01/2022 elle hiverne dans le Calvados à Notre Dame d’Estrées ; elle est le 31/03/25 au Parc.
  • FMIM bagué au Parc le 21/06/2022 (plateforme du poste 11) : elle est le 01/03/2025 au Parc.
  • AERY – la doyenne ! – baguée à Saint Victor d’Ymonville (Seine-maritime) en 2005 : elle niche depuis 2007 à la héronnière, elle a connu au moins trois mâles différents sur trois nids différents dont AFFG bagué le 21/06/2005 au Parc.
  • FMIW baguée au Parc le 12/06/2023 : elle est le 05/03/2025 à Trignac en Loire Atlantique.
  • FMIT baguée à Boismont le 10/06/2023 : elle est notée sur le centre d’enfouissement de Dannes (62) le 09/08/2023 et le 20/06/2024 sur le marais communal de Lairoux en Vendée.

Et puis il y a des nouvelles plus lointaines comme FMIX que nous avons bagué le 10/06/2023 à Boismont qui hiverne du 16/01/2024 au 20/03/2024 à Kenitra sur la côte marocaine au nord de Rabat. C’est notre premier contrôle marocain. Elle a été revue au Parc le 17/04/2024…

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Le baguage des espèces communes, notamment à la mangeoire, peut paraître inutile. “On connaît déjà tout, bien entendu, sur ces espèces que l’on voit tous les jours dans son jardin !” “Ce sont toujours les mêmes, qui ne méritent pas (plus) un regard !” Combien de fois avons-nous entendu ces propos lors de nos visites… 

Et pourtant, bien des Mésanges bleues nous viennent de très loin lors de phénomènes d’irruptions ; le Pouillot véloce hiverne de plus en plus chez nous ; la Tourterelle turque passe en migration à l’automne au-dessus du point de vue ; et les Troglodytes mignons de novembre peuvent venir… de Suède ou de Finlande !

Ainsi une Mésange charbonnière baguée comme femelle d’un an le 23 octobre 2021 est contrôlée par un bagueur balte le 20 mars 2025 à Klaipeda sur la côte lituanienne, soit à 1442 kilomètres en ligne droite ! Déjà une belle longévité. 

Le biologiste hollandais Kluijver a montré que 87% des individus de cette espèce n’atteignent pas l’âge d’un an et que par la suite 49% des adultes meurent chaque année. Ce constat est le même dans un jardin de Rue où 53% des adultes ne sont pas recontactés chaque année, et les mâles semblent avoir une espérance de vie plus importante que les femelles (cela change d’une autre espèce…) ! Le record en Europe pour la Mésange charbonnière est tout de même de 15 ans et 5 mois, et de 11 ans et 3 mois pour un oiseau « français ». C’est chez les populations baltes et russes que la population est la plus migratrice, effectuant notamment des irruptions lors des périodes de disette et de fortes densités d’effectifs.

Plus modestement – on ne peut pas payer des vacances en Baltique à tout le monde – un mâle d’un an de Fauvette à tête noire bagué au fond des parkings le 8 septembre 2023 est contrôlé le 29 avril 2024 à Bois de Lessines (Bos del Sinne en picard puisque l’on est dans cette zone linguistique) dans  dans le Hainaut belge entre Roubaix et Bruxelles.

Alors prenons le temps d’observer toutes les espèces : chaque individu est différent, les comportements ne sont pas uniquement innés, loin de là, et nous avons encore tant à apprendre ! 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Au point de vue en matinée du 6 mars 2025 résonnent des miaulements dans le ciel… C’est parti, voilà revenues les Mouettes mélanocéphales ! Certaines remontent vers le nord – normal, on est en migration prénuptiale -, d’autres descendent étonnement vers le sud ! Sur la grande colonie nicheuse future du poste 2, les effectifs changent tous les jours, avec des pics en soirée. Bref, ces oiseaux ont la bougeotte en permanence. 

Il y a quelques années, on pensait qu’elles cherchaient à s’installer sur les colonies les plus productives, celles à gros effectifs comme la zone industrielle d’Anvers en Belgique (plus de 4000 couples), mais les oiseaux bagués et leurs comportements ont éclairé nos lanternes et nous ont permis de “penser mouettes”. 

Nos Mouettes rieuses nicheuses arrivent du centre de l’Espagne, pour beaucoup déjà en couple, surtout si elles ont réussi l’année dernière leur reproduction sur les îlots. Tout est immédiatement “bien rangé”, avec les distances de tolérance entre chaque idylle, même si les cris grinçants résonnent de partout, notamment lors de différends entre voisins (toute ressemblance avec une espèce bien connue et indépendante de notre volonté…). 

Pour la Mouette mélanocéphale, c’est bien différent : on arrive en solo, en groupe disparate, de partout, c’est-à-dire de toute l’Europe, en mode nomade et dispersé. Le but : se poser sur des endroits où il y a des collègues déjà en stationnement et retrouver… son compagnon ou sa compagne de l’année dernière ! Et pour cela, au diable la sobriété énergétique, on va parcourir des centaines de kilomètres pour arriver à ses fins et visiter en mars avril les meilleurs spots de rencontres d’Europe.

Et le Marquenterre – au centre des grandes colonies belges, hollandaises mais aussi françaises (Noirmoutier, lagune de Bouin en Vendée, Seine-et-Marne ou encore Blois) – est un must à ne pas rater pour trouver l’âme sœur ; un véritable meeting spot pour Mouette mélanocéphale ! 

Ce sont les oiseaux bagués qui nous ont progressivement révélé leurs secrets intimes. Généralement se sont des mâles belges et hollandais qui arrivent les premiers chez nous. Mais on en apprend aussi tous les jours grâce aux discussions entre passionnés de ces oiseaux étonnants – merci Camille Duponchel, Alain Le Dreff, Renaud Flament, Régis Marty… et tant d’autres ! 

Quelques exemples concrets de curriculum vitae de Mouettes mélanocéphales globe-trotteuses qui viennent tout juste d’arriver en 2025 :

 

  • 3VT7 : Une première visite sur le Parc, où elle n’avait jamais été observée, le 20 mars 2025. Baguée adulte le 17 mai 2021 aux Pays-Bas à Den Bommel (Zuid Holland). C’est une adepte de la villégiature à Wissant (Pas-de-Calais) d’août à novembre. Elle est notée en hivernage le 15 décembre 2023 à Portland dans le Dorset anglais et le 06 avril 2023 sur la réserve RSPB de Elms dans l’East Sussex. 
  • 3154 : Baguée adulte le 12 mai 2018 sur la colonie Total du port d’Anvers en Belgique. Elle connaît déjà le Marquenterre avec sa présence le 19 mars 2021, le 18 mars 2022, et elle y revient le 12 mars 2025. Elle hiverne au Portugal en février 2021 (à Lisbonne) en décembre 2020 (à Beja) et le 18 février 2024 elle est notée sur la plage de Saint-Nic dans le Finistère. Elle est aussi une adepte de Wissant d’août à novembre (ah, les petits bistros du Pas de Calais en bord de mer…!).
  • 3FH5 : Baguée adulte le 11 mai 2019 sur la colonie d’Anvers. Elle hiverne tous les ans en Bretagne (c’est bien aussi !)  dans le Finistère de 2019 à 2024 (Plestin, Le Conquet, Plougasnou, Pormoguer, Sainte-Anne-la-Palud..). Elle connaît bien le Marquenterre où elle stationne du 20 mars au 12 avril 2021 et les 9 et 10 mars 2022 pour aller nicher ensuite en Zélande hollandaise. Le 6 décembre 2024 elle est sur la plage de Kervel (Porzay, Finistère) et revient au Marquenterre les 9 et 12 mars 2025.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

PHENO : un diminutif de phénologie de la migration, un programme de baguage du CRBPO (Centre de recherches sur la biologie des populations d’oiseaux, Muséum de Paris) mis en place pour étudier la migration postnuptiale en matinée durant près de 4 mois, d’août à mi-novembre. 

En effet, c’est en plein été que nombre de passereaux nous quittent : rousserolles, phragmites, locustelles dans les roselières au fond du poste 6 ; fauvettes et pouillots dans les dunes buissonnantes ou forestières. Rouges-gorges, roitelets, merles et grives prennent le relais en septembre et octobre au fond des parkings. En forêt, le baguage en août concerne surtout des nicheurs locaux. Les Fauvettes à tête noire et des jardins atteignent leur pic de passage migratoire à partir du 15 septembre. 

Malgré son « look », le Troglodyte mignon peut être aussi un grand migrateur tardif en novembre !

Outre l’étude de la phénologie de la migration pour chaque espèce, cela permet de montrer l’importance de certains habitats pour celles-ci. Ainsi la zone boisée dunaire à l’entrée du Parc jusqu’aux parkings est une indispensable trame verte entre les terres agricoles intérieures, le village et le Parc, tant pour des espèces forestières plutôt sédentaires comme la Sittelle torchepot ou la Mésange nonnette, que pour les migrateurs rampants comme la Mésange noire et les roitelets. 

Belle surprise avec le baguage en début septembre d’un juvénile de Gobemouche noir en provenance d’Europe du nord. La population nicheuse française est estimée entre 2000 et 4000 couples pour la période 2009-2012, principalement en Alsace, en Lorraine et dans les forêts du sud-est de L’Oise et du centre de l’Aisne. L’espèce est en régression majeure en France comme dans d’autres pays européens (-23% entre 1980 et 2012). C’est un grand migrateur qui va hiverner dans les savanes d’Afrique occidentale de la Guinée au Cameroun.

Ces derniers jours, pluies et vents limitent fortement les possibilités de baguage pour la totale sécurité des oiseaux. On espère de meilleures conditions en octobre, et que ce mois s’inscrive dans une année d’irruption des Mésanges noires ou des Roitelets huppés, deux espèces  fortement suivies sur ce site depuis août 2014, date de mise en place de cette station de baguage au fond des parkings. 

Chaque année, un bilan et une interprétation de ce programme de baguage sont effectués pour valoriser localement ces données, et ce travail est intégré aux niveaux national et international par le CRBPO au sein de l’ensemble des stations PHENO françaises. 

Texte et illustrations : Philippe Carruette

Il est des oiseaux que l’on a bien du plaisir à revoir. Pas en tant qu’espèce rare et exceptionnelle, mais en tant qu’individu. Un peu comme une vieille connaissance que l’on ne voit qu’une fois par an lors d’une fête de famille ou une réunion de club… naturaliste bien entendu ! Grâce à son cortège de bagues couleur, RW-LO (bague rouge et  blanche à la patte gauche et vert pistache et orange à la patte droite, bague métal Muséum sur le tarse), on reconnaît bien “notre” Barge à queue noire  grande habituée du Parc en migration postnuptiale

C’est un superbe mâle bagué adulte sur son site de reproduction dans le comté de Arnessysla à Grimsnes au sud de l’Islande le 13 juillet 2011. Lieu grandiose de chutes d’eau, volcans et landes au sud-est de Reykjavik.  Chaque année, sans aucune exception,  elle est revue au Parc du Marquenterre en migration postnuptiale. Elle est contactée généralement en juillet (le 11 en 2022, le 12 en 2017 et 2023, le 19 en 2014, le 25 en 2021, le 27 en 2016, le 29 en 2020) en août (le 3 en 2018, le 10 en 2019, le 20 en 2011, le 18 en 2013, le 30 en 2015)  voire septembre (le 2 en 2012). 

En 2024, nous la retrouvons pour la première fois le 8 juillet, date la plus précoce de retour. A-t-il échoué dans sa reproduction ? Cette précocité se retrouve toutefois ces toutes dernières années, conséquence possible des changements climatiques qui, peut-être, avancent les dates de nidification, et font migrer l’oiseau plus tôt. 

Son séjour estival sur le Parc se prolonge jusqu’en fin d’automne, montrant la qualité nutritionnelle du lieu pour l’espèce ; puis elle nous quitte au plus tard le 26 novembre 2011 et le 17 novembre 2013, mais le plus souvent début octobre. On ignore totalement où elle passe l’hiver sauf dans deux cas : le 31 décembre 2015 elle est présente sur le Parc et le 9 janvier 2023 dans la baie du Mont-Saint-Michel dans la Manche.

En migration de printemps, l’oiseau est observé uniquement aux Pays-Bas, surtout dans la région d’Ouderkerk (Noord Holland). Ce trajet est le plus fréquenté en matière de haltes migratoires avant de gagner l’Angleterre, l’Ecosse puis l’Islande. Il arrive aux Pays-Bas au plus tôt le 1er février 2023 et repart au plus tard le 8 avril 2023, soit deux mois de halte nourricière indispensable pour gagner le site de reproduction en pleine forme. 

On constate que plus cet oiseau arrive tôt aux Pays-Bas, plus il repart tard. Les dates de retour de printemps en Islande sont peu nombreuses mais montrent tout de même une grande régularité : 21 avril 2012, 15 avril 2018 et 2019, 14 avril 2022. 2013 fait exception avec un contact le 5 juin, mais cette année le printemps fut particulièrement froid et pluvieux dans toute l’Europe !  

Au delà de tout le remarquable intérêt scientifique du baguage, il y aussi ce fort côté émotionnel de connaître et reconnaître un individu, et de partager ce plaisir avec tant d’autres yeux européens qui ont cette passion du vivant migrateur au-delà des frontières, offrant une image de l’Islande que je ne connaîtrai jamais. Alors à bientôt LO, ici ou ailleurs !  

Et pour consulter le CV de “notre” RW-LO, c’est ici… RW-LO

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Fin juin a débuté la période de baguage des jeunes Cigognes blanches pour les guides naturalistes du Parc du Marquenterre. Un programme personnel du Muséum de Paris (Centre de recherches sur le baguage des Oiseaux) est mis en place pour suivre la population en expansion de ce grand échassier en Hauts-de-France et en Seine-Maritime. En Picardie, une centaine de couples nichent ou sont cantonnés cette année dans la région. La quasi-totalité de ces couples est localisée sur notre littoral et surtout en basses vallées de la Somme et de l’Authie. Des couples s’installent aussi maintenant aussi de plus en plus dans le Pas-de-Calais, et même dans le Nord (10 couples). Un camping du littoral berckois accueille même 18 nids sur des arbres étêtés devenant l’attraction des vacanciers ! Les Hauts-de-France, terres de Cigognes… !

Naturellement dans notre région les couples de Cigognes blanches installent leur nid au sommet des grands arbres fourchus souvent morts, beaucoup plus rarement sur les pylônes électriques au grand soulagement de RTE. Il n’y a pas de tradition de nidification sur les bâtiments. Ces nids, très hauts, sont inaccessibles au baguage, comme bien entendu les 12 nids de la héronnière du Parc Marquenterre. La plupart des poussins de cigognes sont ainsi bagués sur les nids construits sur des plateformes artificielles disposées à leur intention… mais surtout pour faciliter le travail des ornithologues bagueurs. Ils sont bien accessibles avec une échelle ou un engin élévateur. 

Les jeunes à l’arrivée du bagueur font les morts au fond du nid. Leurs yeux, sombres, révulsés,  accentuent encore le stratagème face à ce prédateur potentiel (comme sait le faire la Couleuvre à collier !). L’immobilisme évite bien souvent le risque d’attaque du prédateur qui est déclenchée par le mouvement. Les poussins sont bagués entre 6 et 7 semaines. Rondouillards (parfois plus de 3,4 kilos !), les plumes noires des rémiges ont bien poussé et les plus âgés se mettent bien debout et bougent ces ailerons encore courts et flasques. Les jeunes sont descendus du nid pour être bagués au sol en toute sécurité. Ils sont munis obligatoirement d’une bague métal du Muséum de Paris (Centre de recherches sur le baguage des populations d’oiseaux) avec un numéro unique pour chaque oiseau. Les guides du Parc posent également une bague plastique verte avec 4 grosses lettres blanches en majuscule. Les quatre jeunes sur la plateforme entre le poste 11 et 12 sont maintenant porteurs des bagues : FRWD, FRWE, FRWH et FRWI.

On sait grâce à ces bagues que tous les jeunes nés dans notre région partent hiverner en Espagne (notamment autour de Madrid et en Andalousie ), au Portugal (région de Faro) mais aussi jusqu’en en Afrique (Mauritanie, Mali, Niger…). On connaît  aussi parfaitement la route empruntée par nos oiseaux qui évitent la Bretagne et trouvent des arrêts favorables en Mayenne ou dans les Deux-Sèvres. Certains rares oiseaux passent aussi par le sud-est (Champagne, Var) regagnant l’Espagne par le Languedoc Roussillon. C’est généralement au bout de deux ans qu’ils reviennent en Europe, mais de plus en plus de cigognes rentrent maintenant dès le printemps suivant. Quelques-unes vont revenir dans leur secteur proche de naissance, notamment dans le Pas-de-Calais,  mais la grande majorité va nicher bien loin de leur lieu de naissance. Des jeunes nés au Parc du Marquenterre nichent maintenant en Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Vendée, Loire Atlantique et même… à Colmar pour un individu  !

À l’inverse, sur le même site protégé du Marquenterre nichent des cigognes nées en Belgique, aux Pays-Bas et surtout originaires de Normandie où les effectifs atteignent aujourd’hui plus de 300 couples notamment dans la Manche, l’Orne et le Calvados !

Les cigogneaux sont pesés, mesurés (bec, ailes, tarses…). Deux plumes sont prélevées pour des analyses génétiques en laboratoire, permettant de connaître le sexe pour déterminer des orientations migratoires et de fixation entre mâles et femelles. En 2022 et 2023 la sexe ratio des jeunes était parfaitement équilibré.

La Cigogne blanche se porte maintenant tout de même très bien dans notre région. Mais n’ayons pas la mémoire courte. En 1979, seulement 11 couples nichaient encore dans toute  la France (7000 aujourd’hui !) où l’espèce a failli s’éteindre ! Les conditions atmosphériques notamment printanières, la chute des nids sur les arbres morts, le manque de nourriture sont des causes naturelles de régulation de l’espèce. Bien des sites sont encore potentiellement favorables à l’espèce, notamment dans les grandes vallées intérieures picardes. Michel Jeanson, fondateur du parc du Marquenterre, qui a voué une grande partie de sa vie à la réintroduction locale de cette espèce, serait sans nul doute bien heureux de ce résultat. 

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Sophie Oberbach, Eugénie Liberelle