En 2023, un beau groupe de Spatules blanches commence son hivernage sur le Parc. Elles sont 44 le 28 décembre (dont 2 adultes et 3 juvéniles nés en 2023, bagués aux Pays-Bas et en Allemagne du Nord) et 35 le 31 décembre. Mais malgré l’hiver très doux, petit à petit, les oiseaux quittent les lieux sans finir leur hivernage. Elles ne sont plus que 22 le 6 janvier, 15 le 7, 2 le 10. 

Au fil des jours, on voit que les oiseaux ont un plumage moins entretenu, et des attitudes plus prostrées. On peut mettre ces conséquences sur les conditions météorologiques très dures avec perpétuellement du vent et de la pluie, perturbant les oiseaux dans leur recherche de nourriture nocturne en baie de Somme. Toutefois, le 30 janvier, 22 individus sont notés sur le site de Conchil-le-Temple, proche de la baie d’Authie dans le Pas-de-Calais, qui a pourtant les mêmes conditions météorologiques que les nôtres. Est-ce que les oiseaux se rapprochent de ressources alimentaires en plus forte densité ?

Le 8 avril 2024, aRR/GfNN, bagué le 14 juillet 2021 au Schleswig Holstein (Allemagne) est revu sur le Parc où il était présent du 9 octobre au 28 décembre 2023. En 2021, il était resté du 24 octobre au 20 novembre et en 2022 du 10 octobre au 7 novembre. Hélas, on n’a pas de contact en janvier février sur son lieu de fin d’hivernage…

NBC7, bagué le 18 juin 2021 à Inlaag aux Pays-Bas, est lui aussi revu au Parc le 8 avril 2024 où il était présent du 28 octobre au 28 décembre 2023. Malheureusement, pas de contact non plus en janvier 2024 sur d’autres secteurs de fin d’hivernage… En 2021, il est resté sur le site du 7 octobre au 20 novembre. En 2022, il est vu le 9 février, et du 9 mai au 6 octobre. Le 21 octobre 2022, il est dans le Kent à Dungeness (Angleterre) et le 5 mai 2023 à Oye Plage et au Parc du Zwin en Belgique en remontée vers les Pays-Bas, où il passera l’été. 

C’est grâce à ces différents déplacements de « repérage » que les immatures formeront de nouvelles colonies de nidification lorsqu’ils seront adultes.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Avec la migration de printemps, les Cigognes blanches reviennent à la héronnière, fidèles à leur nid (mais pas forcément à leur partenaire…!) ; de nouveaux couples en quête de sites de nidification pointent également le bout de leur bec…

Tout d’abord des données anciennes que nous venons de recevoir du Muséum de Paris, puis des oiseaux bagués au Parc ou dans le Pas-de-Calais qui reviennent nicher dans la héronnière en 2024 ; on voit que certaines baguées en 2004 atteignent les 20 ans !

  • P2474 : Baguée le 04/06/1998 au Parc. Électrocutée à Léglise, province du Luxembourg, Wallonie, Belgique le 04/08/1998.
  • P2475 : Baguée aussi le 04/06/1998. Observée le 18/06/2008 à Pagney dans le Jura.
  • P2109 : Baguée le 04/06/1995 à Hiers Brouage (Charente-Maritime). Observée le 15/08/2004 au Parc.
  • APXA : Baguée dans l’Eure au marais de Bouquelon le 25/05/2011. Elle est notée en hivernage le 19/01/2018 2018 à Madrid. Elle niche dans la héronnière en 2015, mais ensuite elle n’est notée qu’en passage prénuptial le 09/03/2019, le 12/03/2021, le 22/03/2022, le 24/03/2023 et le 20/03/2024, on voit la remarquable régularité de ces observations. Le 06/07/2023 elle est en baie de Canche (62).
  • AFFA : Une habituée du site où elle fut baguée le 11/06/2004. Elle est de nouveau dans la héronnière le 15/03/2024. Elle fut notée en Gironde chez nos amis du Parc ornitho du Teich le 01/12/2007, elle a hiverné en décembre 2018 à Valembray, sinon les autres données concernent la plaine maritime picarde, la baie de Canche et le Parc du Marquenterre.
  • BRZS : Baguée le 09/07/2013 à Groffliers (62). Dernière observation sur la décharge de Valembray (Calvados) le 28/01/2023. En couple sur un nid à la héronnière le 12/02/2024.
  • AERY : Femelle nicheuse à la héronnière accouplée avec mâle P6294. Baguée le 08/06/2005 à Saint Vigor d’Ymonville (76).
  • P6294 : Mâle bagué au Parc le 01/07/2004 (a perdu sa bague blanche AFFG). Sur le nid avec AERY dans la héronnière dès le 12/02/2024.
  • FHXA : Baguée à Merlimont (62) le 31/05/2017. Le 08/01/2024 sur la décharge de Valemenbray (Calvados). Le 13/02/2024 sur un nid à la héronnière avec un individu non bagué.
  • FMIC : Bagué le 30/05/19 à Merlimont. Hiverne sur les décharges en banlieue de Madrid en 2020 et sur la décharge de Valembray en 2021. Présent en 2023 au Parc mais probable échec de la nidification. Mâle avec une femelle non baguée sur un pin cassé à l’extrême gauche de la héronnière le 16/02/2024.

Texte et illustration : Philippe Carruette

En ces premiers jours de mars, un miaulement retentit à l’approche du poste 1 et nous donne le sourire ! Les premières Mouettes mélanocéphales sont revenues sur leur colonie. Ce sont en majorité des mâles et ils sont à la recherche de leur âme sœur de l’année dernière… Les appels en vol et les contacts permanents sur les ilôts (elles ont sans cesse la bougeotte !) sont autant de rapprochements sociaux pour préparer l’avenir. 

Si on ne trouve pas « palme à sa patte », on va vite quitter le Marquenterre pour gagner une colonie belge plus au nord, partir à l’intérieur des terres vers la vallée de la Loire… ou redescendre plein sud vers la belle colonie du polder Sébastopol à Noirmoutier, où nos collègues vendéens ont déjà compté plus de 3000 oiseaux. Et si l’heureux et idéal partenaire n’est toujours pas trouvé, il est toujours possible de revenir au Parc quelques jours plus tard ! Pour une globe-trotteuse comme la mélanocéphale, la sobriété énergétique n’est absolument pas la préoccupation première, amour oblige ! 

Double sourire pour nous le 4 mars 2024, deux oiseaux étaient bagués et ce sont des habitués du Parc. Les ingrates ne nous ont pas envoyé de cartes postales, mais heureusement le fidèle Camille Duponchel, figure majeure et « ancestrale » du baguage dans le nord de la France et responsable du programme du baguage couleur de cette espèce (programme du Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux), nous a aussitôt transmis  leurs CV, dévoilant leurs pérégrinations ! Car le baguage est aussi une grande histoire de complicité humaine…

  • Bague verte RU7P baguée le 01/07/2017 au Polder Sébastopol (Vendée). En 2020 elle est restée du 22/03 au 07/04 au port de Langstone dans le Hampshire (Angleterre). Elle est au Marquenterre le 27/06/2020 et le 17/03/2021, et le 12/03/2022 en recherche de partenaire. Elle est à Noirmoutier le 02/07/21. En 2023 elle est sur la saline de Lasné dans le Morbihan du 20/07 au 14/09. On ne sait donc pas (encore) où elle niche ni où elle passe l’hiver…
  • Bague blanche 3HN8 baguée le 15/05/2019 au marais d’Harchies en Belgique. Notée le 13/03/2021 à Outreau (62). Elle est probablement nicheuse sur le Parc cette année-là avec sa présence du 14/03 au 16/06. Le 11 juin 2023 elle est au Parc.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

De novembre à mars a lieu, trois fois par mois, une opération de baguage des oiseaux venant se nourrir de graines de tournesol sur les mangeoires proches de la héronnière. Cela s’inscrit dans le programme de Suivi Permanent des Oiseaux Locaux du Muséum de Paris (Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux). Les données obtenues au parc sont intégrées par le CRBPO dans un bilan national et dans un suivi européen des populations de passereaux à la mangeoire, dont certains sont en net déclin comme le Verdier ou le Pinson du Nord. 

En 6 ans, de 2018 à 2023, 27 espèces ont été baguées, totalisant 1055 oiseaux. 325 oiseaux ont été contrôlés l’année ou les années suivantes (à la mangeoire pour la plupart ou sur le Parc sur la deuxième station au fond des parkings, mais aussi des oiseaux bagués ou contrôlés ailleurs par d’autres bagueurs français et étrangers). Cela donne un bon taux de contrôle (30,83%), nettement supérieur à un site de mangeoire suivi depuis 20 ans sur un jardin à 10 km du Parc (20,2%). De rares oiseaux ont été aussi contrôlés sur les deux sites ! 

Cela apporte de nombreuses informations notamment éthologiques sur les espèces et l’utilisation du lieu. On peut retenir parmi bien d’autres :

  • Une faible fréquentation des Verdiers en hivernage, en augmentation avec l’apport d’oiseaux en halte migratoire prénuptiale en mars ;
  • Une présence en nombre (jusqu’à 9 oiseaux différents) de Mésanges nonettes pour un oiseau strictement sédentaire souvent seul ou en couple en hiver ;
  • La présence cyclique en hivernage du Pinson du Nord originaire de la population norvégienne (un mâle d’un an contrôlé, bagué à Stavanger) ;
  • Une période de net déclin de la Mésange charbonnière (confirmée sur la station de migration postnuptiale au fond des parkings du Parc et sur le jardin de Rue) avec un redressement progressif à partir de 2022 ;
  • La présence régulière d’au moins 5 Rougegorges sur le même lieu sans conflit majeur pour une espèce jugée très territoriale ;
  • Les irruptions de Mésanges noires, qui sont bien suivies par baguage à l’automne sur la station à l’entrée du Parc ;
  • La dominance nette de la Mésange bleue (plus d’un tiers des oiseaux bagués) avec de nombreux oiseaux contrôlés bagués en Flandres belges et en région bruxelloise, et un fort erratisme des jeunes oiseaux : un jeune mâle d’un an bagué le 28 octobre 2021 au Parc, remontant vers le nord, a été contrôlé le 1er novembre 2021 entre Gand et Anvers (!) ;
  • Même s’il ne se nourrit pas à la mangeoire, la faible présence du Roitelet huppé en hivernage alors qu’il est abondant en passage postnuptial.

Un bilan complet très détaillé, espèce par espèce, a été rédigé sur ces 6 ans de suivi particulièrement captivant sur le long terme.

En janvier 2024 de nombreux oiseaux ont déjà été bagués, dont deux nouvelles espèces pour la station : l‘Épervier et le Sizerin cabaret. Merci à tous les guides aides bagueurs qui ont permis la réalisation de ce suivi sur le long terme !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Philippe Carruette

Depuis quelques semaines, nous sommes au premières loges pour observer les Spatules blanches migrer. C’est l’occasion de regarder si elles sont baguées et, pour celles qui le sont, lire les bagues. Nous pouvons ensuite retrouver le bagueur grâce au type de code utilisé (bagues colorées, code alphanumérique…) et lui transmettre l’observation. Il l’intègre alors au registre de l’oiseau, son “CV”, qu’il nous transmet en retour. Nous pouvons alors savoir où est né l’oiseau, en quelle année et par où il est passé…

Prenons l’exemple de GGfa/LGL. Ce nom (très glamour) est en fait le code constitué par les bagues colorées. Les majuscules correspondent aux couleurs : G pour Green (vert), L pour Lime (vert clair). Le « f » minuscule signifie flag (drapeau) ; collé au G qui le précède, cela signifie que la deuxième bague verte a un drapeau, un bout de bague qui dépasse nettement (comme la bague vert clair de la spatule en photo ici). Le « a » correspond à la bague métal sur laquelle sont inscrits l’identifiant numérique de l’oiseau (ici, 268857) et le nom du muséum du pays où l’oiseau est bagué (ici, muséum Berlin).

Grâce au retour du CV par le bagueur, nous savons que l’oiseau a été bagué poussin le 03/06/2011 sur l’île allemande d’Oland, près de la frontière avec le Danemark. Après les informations sur le baguage en lui-même, le CV contient la liste de tous les endroits où la spatule a été observée. Cela permet de retracer les grandes lignes de ses voyages, au fil des observations.

Ainsi, nous savons qu’au début du mois du juillet, GGfa/LGL a quitté l’île qui l’a vue naître pour rejoindre le continent. Elle est restée là-bas pendant au moins 1 mois. En octobre de la même année, elle est vue dans le Morbihan soit environ 1 100 km plus loin. Encore jeune, elle ne ressent pas le besoin de se reproduire. Elle y reste donc environ 1 an.

Pendant les quelques mois du printemps 2013, elle n’a pas été observée. Elle est certainement partie prospecter pour un éventuel futur nid. Peut-être même qu’elle s’est reproduite. Ce qui est sûr, c’est qu’en juillet 2013, elle est observée de nouveau en Allemagne, sur le même site que lorsqu’elle a quitté son île natale. Elle y reste au moins jusqu’en septembre.

Le 28 mars 2014, elle est de nouveau observée dans le Morbihan. Y a-t-elle passé l’hiver ou est-elle seulement passée en migration ? Difficile à dire. Le 17 avril, elle est observée 1 000 km plus loin en Allemagne. Elle répète ce schéma pendant plusieurs années, alternant entre des passages dans le Morbihan et le nord de l’Allemagne où elle s’arrête chaque année.

En 2017, son site de reproduction est enfin trouvé ! Elle est observée sur son nid sur l’île Hoje Sande, située dans un fjord à l’ouest du Danemark. Cette île se situe 130 km plus au nord du site où elle est née. On voit bien le grand rayon de dispersion des jeunes. Cela évite entre autres les problèmes de consanguinité et de surpopulation. En juillet, elle est retrouvée sur son site de halte en Allemagne. On peut alors supposer que les printemps précédents, elle nichait déjà sur le même site.

En novembre 2017, elle est observée en Espagne, près de Séville ! Cela fait environ 2 400 km depuis son site de reproduction.

Durant les années suivantes, elle poursuit ses aller-retour. Elle est souvent observée aux mêmes endroits. On peut noter une grande fidélité (ou une tradition ?) à certains sites propices pour les haltes ou l’hivernage.

En septembre 2019, elle est vue au Parc pour la première fois où elle passe quelques jours avant de repartir.

Cette année à nouveau, elle est observée au Parc. Nous avons hâte de recevoir son CV actualisé et de voir les voyages qu’elle a faits depuis la dernière fois !

Récemment, nous avons aussi eu le retour d’une autre spatule baguée en Espagne en… 1996 ! En revanche, c’est une grande timide. Elle n’a été observée que 10 fois, dont 8 fois en Espagne (entre février et mars) et une fois en Mauritanie (en décembre), où elle passe probablement l’hiver. Son observation au Parc durant la période de migration indique qu’elle niche plus au nord, sans que nous puissions toutefois être plus précis.

En retraçant ainsi les parcours des oiseaux, on peut en apprendre beaucoup sur leurs déplacements et les dynamiques de populations. On peut aussi identifier les zones propices aux haltes, hivernages et reproductions.

Texte : Quentin Libert / Illustration : Gabriel Le Du

Lors des grandes marées, outre de nombreux limicoles, des milliers d’Huîtriers pie se réfugient sur le Parc qu’ils utilisent comme reposoir. Les vasières de la baie de Somme sont recouvertes par la mer et ne sont plus accessibles comme réservoir de nourriture riche en vers marins et coquillages. Posés sur les bancs, ils attendent patiemment le reflux. 

Mais point de temps perdu, c’est le moment indispensable pour faire sa toilette et entretenir le plumage en pleine mue pour les adultes, ou bien dormir d’un sommeil partiel, toujours un œil en éveil pour repérer un prédateur potentiel venant de la terre ou des airs. Les reposoirs de marée haute sont rares et doivent assurer une totale tranquillité durant ces quelques heures de repos. À marée basse, la quasi-totalité du temps sera alors consacrée à la recherche de nourriture. 

C’est alors l’occasion pour les guides naturalistes de noter la proportion de juvéniles et d’adultes pour avoir une impression du succès de la reproduction des populations plus au nord, mais aussi de repérer les oiseaux bagués. En effet, quelques individus sont munis de bagues de couleur bien visibles à la longue-vue portant souvent des lettres et des chiffres. Lors du dernier épisode de grandes marées du 2 au 5 août 2023, 6 oiseaux bagués ont été observés. Tous viennent des Pays-Bas.

  • RB-WCCP bagué plus de 3 ans à Middelburg (Oude) en Zélande le 19 juin 2013. Il avait déjà été observé le 3 août 2015 et le 12 août 2018 sur le reposoir du Parc. Tous les autres contacts ont eu lieu en Zélande, dans sa région de reproduction.
  • BLP-C90A bagué poussin le 3 juin 2021 à Bunschoten. Il avait déjà été observé le 25 juillet 2021 sur le reposoir du Parc et non noté ailleurs.
  • RB-WECZ bagué plus de 3 ans le 30 mai 2021 à Zoetermeere, et observé en août 2022 et mars 2023 sur sa zone de nidification.
  • BRY-W4RT bagué poussin le 9 juin 2018 au polder de Nieuwe Driemans. Le 1er et 5 avril et du 19 décembre 2021 au 28 janvier 2022, il est noté en baie de Saint-Brieuc, tout comme du 15 août au 28 novembre 2022.
  • LG-BJOS bagué poussin le 11 juin 2010 à Neeltje en Zélande. Toutes les autres observations de cet oiseau ont été faites aux Pays-Bas aussi bien en période de reproduction qu’en hivernage.
  • BRY-W4R3 bagué plus de 3 ans le 27 mai 2017 à Nieuwe Driemanspolder, Zuid Holland. Toutes les autres observations de cet oiseau ont été faites aux Pays-Bas de mi-février à fin juin.

Les observations d’oiseaux de plus de 10 ans ne sont pas rares puisqu’un Huîtrier pie peut vivre plus de 35 ans.

Les Hollandais ont intensifié les opérations de baguage de cette espèce qui connaît une baisse drastique de sa population nicheuse depuis 2000, due tant à la diminution de la ressource alimentaire dans les estuaires, qu’à l’intensification des pratiques agricoles sur les polders, provoquant une baisse de la productivité en poussins ; à cela s’ajoute la dégradation des conditions des oiseaux en hivernage, notamment en France, où on note une forte mortalité. Cette tendance s’inscrit dans un contexte global en Europe (-20% entre 1997 et 2007).

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Pierre Aghetti

Une mystérieuse machine a fait son apparition sur une digue du Parc, entre les postes n°10 et n°11. Mesurant près de 2 mètres de hauteur pour 150 kg, elle ne passe pas inaperçue. Mais que fait donc cette installation en pleine Réserve naturelle ? Il s’agit tout simplement d’un radar ! Pour flasher les visiteurs trop pressés pris en excès de vitesse ? Pas exactement, même si, rappelons-le, la lenteur est une qualité grandement conseillée pour observer la nature… 

Cet appareil est en fait un radar ornithologique installé dans le cadre de MIGRATLANE, un programme financé par le Ministère de la Transition Écologique et porté par l’Office Français de la Biodiversité. Il a pour objectif de mieux comprendre la migration des oiseaux terrestres et la répartition des oiseaux marins à l’échelle des façades Atlantique et Manche. Le programme, qui se déroulera entre 2022 et 2027, est basé sur l’acquisition et l’analyse de données à l’aide de techniques complémentaires : suivis télémétriques (balises GPS/GLS installées sur les oiseaux), suivis acoustiques et visuels (enregistreurs acoustiques et réseau d’observateurs), suivis aériens (observations visuelles depuis un avion) et enfin suivis par radars (ornithologiques et météorologiques). Il est mis en œuvre par différentes structures dont le MNHN (Muséum National d’Histoire Naturelle), le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), le GISOM (Groupement d’Intérêt Scientifique Oiseaux Marins), Météo-France, ou encore Biotope. 

La Baie de Somme est l’un des 4 sites choisis pour mettre en place ce radar, du fait de son intérêt pour les oiseaux migrateurs. L’étude, menée durant 1 à 3 ans en fonction de la pertinence des données recueillies, permettra de suivre les migrations avifaunistiques. Des données sur les chauves-souris ou les mouvements d’insectes pourront également être récoltées et transmises aux responsables d’autres programmes de suivis. 

Comment ça marche ? Le radar, autonome, fonctionne en continu : il mesure la fréquence des battements d’ailes, l’altitude, la vitesse et la direction de vol, ce qui permet non seulement de décrire au mieux les mouvements migratoires des oiseaux, mais aussi de classer les cibles détectées en grands groupes : passereaux de petite taille, passereaux de grande taille, oiseaux d’eau, oiseau de grande taille, etc.

À l’issue du programme, les équipes scientifiques de la Réserve naturelle et du Syndicat mixte Baie de Somme récupéreront les données, ce qui devrait permettre de mieux adapter les mesures de gestion.

Texte : Marion Mao, Cécile Carbonnier / Illustration : Benjamin Blondel

Fin juin a débuté la période de baguage des jeunes Cigognes blanches par les guides naturalistes du Parc du Marquenterre. Un programme du Muséum de Paris (Centre de recherches par le baguage sur la biologie des populations d’oiseaux) est mis en place pour suivre la population en expansion de ce grand échassier en Hauts-de-France et en Seine-Maritime. En Picardie, une soixantaine de couples nichent cette année. La quasi-totalité d’entre eux est localisée sur notre littoral et en basse vallée de la Somme (30 couples) et de l’Authie (18 couples). Des couples s’installent aussi maintenant de plus en plus dans le Pas-de-Calais, et même dans le Nord (10 couples). Les Hauts-de-France, terre de Cigognes !

Naturellement dans notre région les couples de Cigognes blanches installent leur nid au sommet des grands arbres fourchus souvent morts, voire parfois sur les pylônes électriques. Il n’y a pas de tradition de nidification sur les bâtiments. Ces nids, très hauts, sont inaccessibles au baguage, comme bien entendu les 11 nids de la héronnière. La plupart des poussins de cigognes sont ainsi bagués sur les nids construits sur les plateformes disposées à leur intention… mais aussi pour faciliter le travail des ornithologues bagueurs. Ils sont bien accessibles avec une échelle ou un engin élévateur. À l’arrivée du bagueur, les jeunes font les morts au fond du nid. Leurs yeux sombres, révulsés, accentuent encore le stratagème face à ce prédateur potentiel. L’immobilisme évite en effet bien souvent le risque d’attaque déclenchée par le mouvement. 

Les poussins rondouillards (parfois plus de 3,5 Kg !) sont bagués entre 6 et 7 semaines. Les plumes noires des rémiges ont bien poussé, et les plus âgés se mettent debout et bougent ces ailerons encore courts et flasques. Les jeunes sont descendus du nid pour être bagués au sol en toute sécurité. Ils sont munis obligatoirement d’une bague métal du Muséum de Paris avec un numéro unique pour chaque oiseau. Les guides du Parc posent également une grosse bague plastique verte avec 4 grosses lettres en majuscule. Les trois jeunes sur la plateforme entre le poste 11 et 12 sont porteurs de ces bagues.

On sait grâce à ces bagues que tous les jeunes nés dans notre région partent hiverner en Espagne (notamment autour de Madrid), au Portugal (région de Faro) mais aussi jusqu’en en Afrique (Mauritanie, Mali, Niger…). On connaît aussi parfaitement la route empruntée par nos oiseaux qui évitent la Bretagne et trouvent des arrêts favorables en Mayenne ou dans les Deux-Sèvres. Certains rares oiseaux passent aussi par le sud-est (Champagne, Var) regagnant l’Espagne par le Languedoc-Roussillon. C’est généralement au bout de deux ans qu’ils reviennent en Europe mais de plus en plus de cigognes reviennent le printemps suivant. Quelques-uns rejoignent leur secteur de naissance mais la majorité part nicher bien loin de leur lieu de naissance. Des jeunes nés au Parc du Marquenterre nichent maintenant en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, Vendée, Loire-Atlantique et même… à Colmar pour un individu !

A l’inverse, sur le même site protégé du Marquenterre nichent des cigognes nées en Belgique, aux Pays-Bas et surtout originaires de Normandie où les effectifs atteignent aujourd’hui plus de 200 couples notamment dans la Manche, l’Orne et le Calvados !

Les cigogneaux sont pesés, mesurés (bec, ailes, tarses…). Deux plumes sont prélevées pour des analyses génétiques en laboratoire, permettant de connaître le sexe, pour déterminer des orientations migratoires et de fixation entre mâles et femelles. En 2022, la sexe ratio des jeunes était équilibré.

La Cigogne blanche se porte maintenant tout de même bien dans notre région. Mais n’ayons pas la mémoire courte. En 1979, seulement 11 couples nichaient encore dans toute la France (contre 7000 aujourd’hui !) où l’espèce a failli s’éteindre ! Les conditions atmosphériques notamment printanières, la chute des nids sur les arbres morts, le manque de nourriture sont des causes naturelles de régulation de l’espèce. Bien des sites sont encore potentiellement favorables à l’espèce, notamment dans les grandes vallées intérieures picardes. Michel Jeanson, fondateur du parc du Marquenterre, qui a voué une grande partie de sa vie à la réintroduction de cette espèce, serait sans nul doute bien heureux de ce résultat.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Eugénie Liberelle, Raphaële Thilliez