L’automne s’accompagne d’un changement de menu chez de nombreux oiseaux. Merles, grives et rouges-gorges diversifient leur régime alimentaire, afin de pallier la raréfaction progressive des insectes et de leurs larves. Sur le Parc du Marquenterre, le choix proposé à la carte demeure varié : baies juteuses et fruits charnus garnissent l’assiette de nos amis à plumes. 

Parmi eux, un mets est particulièrement apprécié : la cenelle de l’Aubépine (Crataegus monogyna). Elle ressemble à une pomme rouge miniature, et renferme un noyau unique. Bien qu’insipide et farineuse, on lui prête de nombreuses vertus médicinales : véritable alliée du cœur, elle renforcerait sa capacité de pompage et calmerait les palpitations. De quoi permettre aux turdidés qui la consomment d’affronter l’hiver bravement !

Arbuste de légendes et de croyances, l’Aubépine doit son nom à la blancheur de son bois et de ses fleurs, qui s’épanouissent en mai, ainsi qu’aux nombreuses épines qui garnissent ses rameaux (alba = blanc, spina = épine). Ces armes défensives sont d’ailleurs estimées des pies-grièches, qui y empalent volontiers leurs proies, avant de les déguster sans autre condiment. Surnommée également “poire d’oiseau” ou “poire de oui-oui”, elle peut aisément atteindre 500 ans. C’est donc un arbre de choix pour garnir une haie, et offrir un restaurant pérenne à l’avifaune sauvage !

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

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En bref: 786 Vanneaux huppés, 675 Sarcelles hiver, 246 Canards pilet, 52 Spatules blanches…

De nombreuses Cigognes blanches baguées poussins au Parc du Marquenterre séjournent en Espagne, soit en passage de migration, soit en hivernage. Nous recevons souvent des contrôles d’oiseaux aperçus notamment dans les décharges autour de Madrid. Mais cette fois la nouvelle n’est pas bonne : un individu bagué AFFS le 10 juin 2005 a été retrouvé mort électrocuté à Anoeta, dans la région de Guipuzcoa au Pays Basque espagnol. Grâce à sa bague couleur, on connaît avec précision une partie de sa vie migratrice et nicheuse depuis de nombreuses années. 

Le 31 mars et le 2 juin 2007, il est de retour de migration sur le Parc. Il niche en basse vallée de la Somme à Boismont en avril 2010. Le 2 septembre 2014, il est observé sur le centre d’enfouissement de Mons-Boubert près de Saint-Valery. Le 12 février 2015 il est sur sa route de migration avec deux autres oiseaux (dont BIXL bagué dans le Calvados en 2011) à Saint-Soulaire dans le Maine-et-Loire. Le 8 octobre de la même année, on le retrouve à Mons-Boubert. On le voit accouplé à ATWP (baguée au Parc le 27 juin 2008) sur un nid à Saigneville le 12 mars 2017. Il y nichera de nouveau en juin 2018 sans a priori avoir de petits.

Heureusement ces derniers jours nous ont donné aussi de bonnes nouvelles de cette “vieille génération” de cigognes. AFFA et AFFX (bagués respectivement en 2004 et 2005) étaient dans les prairies du Parc le 1er octobre 2019. Ces deux oiseaux n’ont jamais été contrôlés en Espagne mais connaissent nos collègues ornithologues et amis de Gironde qui les ont observés au Parc du Teich et à Naujac, ainsi que sur le centre d’enfouissement de Valembray dans le Calvados.

Texte : Philippe Carruette

Illustration : Alexander Hiley

Pluies diluviennes, vent fripon, feuilles mortes qui tourbillonnent… L’automne est bien là, escortée de son cortège de champignons qui profitent des températures douces pour sortir de terre. Aux abords des chemins du Parc, de petits cylindres blanchâtres ont ainsi fait leur apparition. Il s’agit du Coprin chevelu (Coprinus comatus), dont le chapeau, tel un fourreau, enveloppe le pied long et délicat. On le reconnaît facilement à sa cuticule méchuleuse : la peau mince le recouvrant est garnie de fines écailles, comme autant de petites mèches molles qui lui donnent un aspect échevelé, d’où son épithète capillaire… D’ailleurs, les Anglais le surnomment “lawyer’s wig”, littéralement “perruque d’avocat » ! À mesure qu’il vieillira, il prendra la forme d’une cloche. Ses lamelles, roses d’abord, noirciront peu à peu, jusqu’à se liquéfier totalement lorsqu’il sera parvenu à maturité. Cette “goutte d’encre” sera chargée des spores transportés ensuite par le ruissellement des eaux, et non par le vent. 

Ce champignon aime les sols sableux, riches en azote. Comme tous les êtres saprophytes, il est capable de décomposer la matière organique non vivante afin de se nourrir de certaines des substances résultant de cette dégradation. Véritable professionnel du recyclage, il participe ainsi à la formation de l’humus. L’un de ses substrats préférés ? Le crottin de cheval. Son étymologie ne s’y trompe pas, puisqu’en Grec, copros signifie… ‘’fumier’’ ! À chacun ses goûts. Celui du Coprin, frit ou poêlé, est d’ailleurs légèrement sucré, et certains grands chefs en font un mets d’exception !

Attention toutefois, il faut le cueillir très jeune et frais, et le consommer dans l’heure. Ses propriétés déliquescentes en font un champignon fragile qui se détériore très vite ; dès qu’il noircit, il peut devenir toxique ! D’autre part, il accumule les métaux lourds ; il ne faut pas le récolter sur des zones polluées. Enfin, ne le confondez pas avec son cousin, le Coprin noir d’encre (Coprinopsis atramentaria). Ce dernier est comestible, certes, à condition de ne pas boire une goutte d’alcool pendant 72h ! En effet, la coprine empêche la métabolisation de l’éthanol par le foie ; alors, c’est l’effet Antabuse assuré : rougeurs, nausées, palpitations, confusion mentale, collapsus… Le plus sûr reste donc de le dévorer… des yeux !

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

Qu’est-ce que la migration ? Pourquoi cette stratégie de survie est-elle quasiment omniprésente chez les oiseaux ? Quels sont les facteurs qui la déclenchent ?… Autant de questions dont vous découvrirez les réponses grâce à l’exposition consacrée à cet incroyable déplacement saisonnier, dont le Parc du Marquenterre est chaque année le théâtre.

À travers différents portraits de voyageurs, vous apprendrez quel vol est le mieux adapté : battu ou plané… en formation ou en solo… Vous vous mettrez dans la peau – ou plutôt dans les plumes de ces courageux voiliers, et devrez faire le plein d’énergie afin de regagner votre site d’hivernage. Vous devrez échapper aux multiples dangers qui jalonneront votre parcours (pollutions, accidents climatiques, prédateurs naturels…) et trouver le meilleur moyen de vous orienter : magnétisme et carte des étoiles n’auront plus de secret pour vous ! Enfin des ateliers ludiques vous apprendront à suivre et à compter ces fascinants migrateurs !

Alors n’hésitez plus, prenez votre envol, et partez à la découverte de ce phénomène… mondial !

Exposition du 20 au 28 octobre 2019, dans le cadre de la Semaine de la Migration

Il pleut, il mouille, c’est la fête à la… Tout le monde connaît la chanson, en témoignent les Rainettes vertes, dont la joyeuse chorale a accompagné les premières pluies d’automne ! En effet, les précipitations, couplées aux températures douces des mois de septembre et octobre, ont relancé l’activité des batraciens. Sur les sentiers du Parc, les visiteurs ont été nombreux à croiser Crapauds communs ou calamites, avançant de leur démarche pataude sous les gouttes bienfaitrices.

Rainette verte (Hyla arborea)

Il est déjà temps pour eux de rejoindre leurs quartiers d’hiver. Si elle est moins spectaculaire et plus diffuse que la migration prénuptiale, la migration automnale des amphibiens demeure cependant bien visible. Rappelons au passage que ces animaux mènent une “double vie”, comme leur nom l’indique (amphi = double ; bios = vie). Rien de moralement blâmable néanmoins : il s’agit plutôt d’une vie entre deux mondes, l’aquatique et le terrestre. Les larves se développent dans l’eau, mais une fois la métamorphose achevée, ces vertébrés poursuivent leur croissance sur terre. Ils ne retourneront en milieu aquatique que pour se reproduire, et toute leur vie sera rythmée par ces allers-retours annuels. 

Crapaud commun (Bufo bufo)

Bêtes à sang froid – on dit qu’ils sont poïkilothermes –  leur température corporelle varie avec celle de leur environnement ; ainsi, quand le temps se fait frisquet, toute activité devient impossible, d’où la nécessité d’hiberner. 

Crapaud calamite (Epidalea calamita)

Pour l’heure, durant les journées pluvieuses, anoures et urodèles ont un seul objectif : atteindre leur zone d’hivernage. On peut ainsi observer de jeunes Grenouilles rousses ou vertes, bondissantes, qui profitent de l’humidité ambiante pour se disperser ; parfois, ce sont les Tritons alpestres et ponctués qui regagnent en rampant une souche protectrice ; enfin, les crapauds quittent leurs gîtes estivaux pour rejoindre une anfractuosité au sol détrempé, située parfois à plus d’un kilomètre. 

Grenouille rousse (Rana temporaria)

Beaucoup de mâles préfèreront passer l’hiver au fond de l’eau, enfouis dans la vase. C’est leur peau, fine et fragile, qui leur permettra de respirer. Ainsi blottis dans leur cachette, ils traverseront la mauvaise saison dans un état de léthargie… et seront les premiers présents sur le site de reproduction, où ils recommenceront à chanter dès que le printemps frémira !

Triton alpestre (Ichthyosaura alpestris)

Texte : Cécile Carbonnier

Illustrations : Benjamin Blondel, Marion Dauvergne, Alexander Hiley, Amaury Peyrot

Les premières Mésanges noires sont observées et baguées au Parc du Marquenterre. Cette petite (9 grammes) au dessous chamois et à la tache blanche derrière sa grosse tête noire est tributaire des forêts de conifères ; elle est souvent associée au Roitelet huppé. 

Sont-ce les prémices d’une nouvelle irruption d’ampleur nationale ? Comme les geais, les populations nordiques de Mésanges noires, notamment celles de la taïga russe et des bords de la Baltique, subissent des exodes dus à la combinaison d’un manque de graines d’épicéas et, localement, d’une forte densité de ces passereaux. Est-ce aussi une conséquence des vastes incendies de cet été dans la forêt boréale orientale ?

Alors que depuis les années 1988 ces invasions en nombre se produisaient tous les 3 à 5 ans, elles se déclenchent maintenant tous les 2 ans, montrant une dégradation brutale des sites de reproduction. La dernière en date a eu lieu en 2017 : en deux mois 605 oiseaux avaient été bagués au Parc du Marquenterre, avec des contrôles d’oiseaux bagués début septembre sur la station de Ventes Ragas en Lituanie près de la ville russe de Kaliningrad. À ce rythme les populations risquent de ne pas pouvoir se maintenir sur le long terme. En effet on estime qu’à peine 10% de ces dizaines de milliers (millions ?) d’oiseaux (en majorité des juvéniles) arrivant vers l’ouest de l’Europe remonteront sur leur site d’origine de reproduction au printemps suivant.

Texte : Philippe Carruette

Illustration : Alexander Hiley

Profitant des périodes de niveau d’eau bas avec la sécheresse de l’été, les berges du poste 9 intérieur ont été remodelées pour favoriser la recherche de lanourriture pour les limicoles. Plusieurs îlots ont été refaits, servant selon les saisons à la nidification des Avocettes élégantes – notamment en couvée de remplacement en juin – ou au stationnement estival des échassiers, grands ou petits.

Les oiseaux, principaux bénéficiaires et “juges”, ne se sont pas trompés quant à la qualité des travaux : à peine la grue (jaune celle-ci !) repartie, Barges à queue noire et Spatules blanches (jusqu’à 256 le 1er octobre) se reposaient sur les ilôts. Chevaliers gambettes et arlequins, Sarcelles d’hiver et derniers guignettes de l’année arpentaient les berges comme une véritable piste d’athlétisme alimentaire !

Merci à Cédric Jolibois, technicien du Parc, d’avoir manié la pelle avec dextérité pour le confort des oiseaux ; il a pu apprécier aussitôt la réponse positive de son travail, et nous aussi !

Texte et illustrations : Philippe Carruette