Harle piette : une tradition d’hivernage

Les premiers Harles piettes sont de retour cet hiver le 28 novembre 2023 – 2 mâles et 2 femelles -, une date somme toute assez précoce (la plus précoce étant le 4 novembre 2011 !), l’espèce très nordique arrivant surtout en décembre. Malgré ce début d’hiver très doux, ils viennent tout de même séjourner sur le site. Les mâles adultes sont plus casaniers et descendent moins vers le sud que les jeunes et les femelles. Ils arrivent très rarement les premiers, laissant ces « dames » passer devant ! Actuellement, 3 mâles et 4 femelles sont présents.

Je me souviens, enfant, d’un article sur cet oiseau dans le Courrier de la Nature en 1978, la revue de la Société Nationale de Protection de la Nature. Il était présenté comme l’oiseau des glaces qui, venant de la lointaine Russie ou de la Finlande à peine plus proche, n’atteignait notre région que lors des vagues de froid sévères, comme en 1979 ou 1985 où des oiseaux ont été bien présents sur le canal de la Somme et les gravières encore libres d’eau à l’intérieur des terres. Pour moi, avec les photos des superbes mâles dans les yeux, il devient l’oiseau mythique, l’oiseau du froid, que je n’aurais jamais l’occasion de croiser du regard… 

Or maintenant on a la chance appréciable de l’observer chaque hiver sur le Parc, quelles que soient les températures. Profitons-en, les derniers oiseaux resteront jusqu’à fin mars voire exceptionnellement jusque fin avril ! On les voit surtout des postes 4 au 6 où ils trouvent en plongée invertébrés et petits poissons (grémilles, épinoches…). 

Moins de 200 hivernent en moyenne en France, hors vague de froid (entre 1000 et 2000 oiseaux lors des gros coups de froid… dans le passé !) principalement sur les grands lacs de l’est de la France et le cours du Rhin.

Les oiseaux ont su mémoriser ce site d’hivernage complet sur lequel ils trouvent des conditions favorables… à l’inverse d’autres espèces comme le Cygne chanteur, le Harle bièvre ou la Corneille mantelée, qui ont perdu cette tradition (conditions peu favorables, disparition des oiseaux… ?) et, avec le changement climatique, ont de plus en plus tendance à hiverner plus au nord.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley