Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

Depuis quelques semaines au Parc du Marquenterre, quelques Mouettes pygmées (Hydrocoloeus minutus) font de courtes escales migratoires, notamment en se posant aux postes 1 ou 3 en compagnie de la colonie de Mouette rieuses (Chroicocephalus ridibundus) et de Mouettes mélanocéphales (Ichthyaetus melanocephalus).

Comme son nom l’indique, c’est la plus petite des mouettes. Elle est caractérisée par un court bec étroit de couleur noire et le dessous des ailes noir. Elle est principalement blanche avec le manteau gris (dessus des ailes). Elle est dotée de pattes rouges. En plumage nuptial, un capuchon noir orne sa tête. Sa taille n’excède pas les trente centimètres, son envergure est comprise entre 70 et 78 cm, et elle pèse entre 90 à 150 g.

La Mouette pygmée niche sur les côtes de la mer Baltique, ainsi qu’au sud de la Suède, mais également en Europe de l’est jusqu’en Russie. Elle apprécie les grandes zones marécageuses dans les terres. Les colonies assez petites peuvent aller de 2 à 50 couples en compagnies d’autres laridés (familles des mouettes, goélands et sternes). Les deux partenaires s’attellent ensemble à la construction du nid. Il est garni de végétaux verts et construit dans une simple dépression au sol. C’est fin mai ou début juin que trois œufs sont pondus, couvés tour à tour par les deux adultes durant une vingtaine de jours. Les juvéniles s’émancipent à vingt-cinq jours.

De nombreux individus hivernent aux abords de la mer Méditerranée. En escale migratoires, les estuaires comme la baie de Somme sont grandement appréciés. Les individus isolés suivant des colonies d’autres laridés comme les sternes sont assez fréquents. 

La Mouette pygmée se nourrit essentiellement d’insectes, de mollusques et de petits poissons. En ce qui concerne sa méthode de chasse, elle peut attraper ses proies en vol ou juste à la surface de l’eau

Sur la photo, on constate bien la différence flagrante de taille entre la Mouette pygmée et la Mouette rieuse volant à côté d’elle.

Texte et illustration : Foucauld Bouriez

Le Butor étoilé (Botaurus stellaris) fait partie de la famille des Ardéidés. Il est doté d’un plumage brun jaunâtre avec des taches dorées et striées de noir. Les rémiges primaires (plume des ailes) sont roux orangé. Il en est de même pour la queue. La base du bec est munie de moustaches noires. Ses pattes sont brun jaunâtre et les yeux rouge orangé. Ce qui le rend si particulier, c’est son cou massif qui lui donne une silhouette assez singulière. En effet, il paraît disproportionné par rapport au reste de son corps.

Présent au Parc en plein cœur de l’hiver, cet oiseau est assez difficile à observer grâce à son mimétisme. En effet, il s’immobilise immédiatement et se balance au gré du vent comme un roseau en cas de danger. Au printemps, il signale également sa présence par un puissant mugissement, entendu à l’aube et au crépuscule. 

Pour vivre, il a besoin de roselières étendues situées dans des marais d’eau douce et saumâtre. Il se nourrit de poissons et d’amphibiens, qu’il pêche à l ’affût dans des eaux peu profondes, se déplaçant lentement et faisant des arrêts fréquents.

Le nid est une plateforme constituée de roseaux où la femelle pondra 4 à 6 œufs verdâtres tachetés de brun, couvés durant une période de 26 jours. Les jeunes sont nourris par régurgitation. Ils quitteront le nid au bout de trois semaines. Le tout est assuré uniquement par la femelle.

Le butor est notamment menacé par la raréfaction des zones humides. Ce drôle d’oiseau si discret fait partie des pépites que l’on peut observer au Parc, où il a été vu à plusieurs reprises cet hiver : 2 individus ont été dérangés au poste 6 par trois Busards des roseaux le 8 janvier ; plus récemment, le 3 mars, c’était la surprise en arrivant au poste 11, où un butor était bien visible ; il a été revu 7 mars.

Texte et illustrations : Foucauld Bouriez

En ces premiers jours de mars, un miaulement retentit à l’approche du poste 1 et nous donne le sourire ! Les premières Mouettes mélanocéphales sont revenues sur leur colonie. Ce sont en majorité des mâles et ils sont à la recherche de leur âme sœur de l’année dernière… Les appels en vol et les contacts permanents sur les ilôts (elles ont sans cesse la bougeotte !) sont autant de rapprochements sociaux pour préparer l’avenir. 

Si on ne trouve pas « palme à sa patte », on va vite quitter le Marquenterre pour gagner une colonie belge plus au nord, partir à l’intérieur des terres vers la vallée de la Loire… ou redescendre plein sud vers la belle colonie du polder Sébastopol à Noirmoutier, où nos collègues vendéens ont déjà compté plus de 3000 oiseaux. Et si l’heureux et idéal partenaire n’est toujours pas trouvé, il est toujours possible de revenir au Parc quelques jours plus tard ! Pour une globe-trotteuse comme la mélanocéphale, la sobriété énergétique n’est absolument pas la préoccupation première, amour oblige ! 

Double sourire pour nous le 4 mars 2024, deux oiseaux étaient bagués et ce sont des habitués du Parc. Les ingrates ne nous ont pas envoyé de cartes postales, mais heureusement le fidèle Camille Duponchel, figure majeure et « ancestrale » du baguage dans le nord de la France et responsable du programme du baguage couleur de cette espèce (programme du Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux), nous a aussitôt transmis  leurs CV, dévoilant leurs pérégrinations ! Car le baguage est aussi une grande histoire de complicité humaine…

  • Bague verte RU7P baguée le 01/07/2017 au Polder Sébastopol (Vendée). En 2020 elle est restée du 22/03 au 07/04 au port de Langstone dans le Hampshire (Angleterre). Elle est au Marquenterre le 27/06/2020 et le 17/03/2021, et le 12/03/2022 en recherche de partenaire. Elle est à Noirmoutier le 02/07/21. En 2023 elle est sur la saline de Lasné dans le Morbihan du 20/07 au 14/09. On ne sait donc pas (encore) où elle niche ni où elle passe l’hiver…
  • Bague blanche 3HN8 baguée le 15/05/2019 au marais d’Harchies en Belgique. Notée le 13/03/2021 à Outreau (62). Elle est probablement nicheuse sur le Parc cette année-là avec sa présence du 14/03 au 16/06. Le 11 juin 2023 elle est au Parc.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Les effets du changement climatique sont nettement perceptibles et analysés sur les êtres vivants du Parc depuis les années 1990. Décalages dans les dates de migration, hivernage de nouvelles espèces ou disparition d’autres à cette période, apparitions d’espèces à tendance méditerranéenne et régression de celles à tendance boréale… Les exemples sont légions, bien chiffrés et documentés. N’oublions pas que le Parc  mémorise, interprète et diffuse auprès du public depuis 1973 cinquante ans de suivis, comptages, et observations comportementales.

Un des (nombreux) comportements qui évolue est le chant, symbole annonciateur de la défense du territoire pour la période nuptiale. Nombre d’espèces – ou en tout cas d’individus – ont avancé fortement leur date de chant printanier… qui n’est vraiment plus annonciateur de cette saison ! 

Tel est le cas pour la Grive musicienne : dans les années 1990, le premier chant était entendu généralement fin janvier début février. Désormais on l’entend dès début janvier (6 janvier 2019, 8 janvier 2021)… mais aussi, pendant les hivers très doux, lors de journées claires et ensoleillées, à des dates encore bien plus aberrantes : 4 décembre 2011, 19 décembre 2021, du 16 au 18 novembre 2018, 8 décembre 2023. Idem mais en moins net pour le Merle noir qui par le passé poussait la première chansonnette mi-février… mais maintenant dès fin décembre (30 décembre 2015 avec 12°C de température, 4 janvier 2020, 10 janvier 2022…).. On constate aussi cette avancée des concerts chez la Mésange charbonnière avec parfois des chanteurs dès fin décembre début janvier ces dernières années (12 janvier 2024). Même le Grèbe castagneux émet ses trilles de plus en plus tôt. Habituellement on l’entend à partir de mi-février  début mars. Ces dernières années aux hivers très doux le cri de parade est bien hivernal : le 6 décembre 2017, les 28 et 30 janvier 2018 avec parades d’un couple, le 21 novembre 2021, les 5 et 13 janvier 2020, le 2 janvier 2024… 

Et on ne parle pas des sorties de Tritons ponctués et alpestres début janvier 2024, ou de ce Crapaud commun en balade sur les sentiers le 30 janvier 2024 par 12°C, quelques jours après le (petit) coup de froid ! Les températures de 10 à 16°C en décembre ou janvier ne sont plus des exceptions ces dernières années.

Il n’y a guère que le Coucou gris qui reste à peu près constant dans son chant (précision et rigueur suisse obligent !) avec le premier “Coucou !” émis en moyenne le 8 avril. 

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley

À la fin de l’année 2023, 4 Martins-pêcheurs au moins étaient bien présents sur le Parc. Il est très probable qu’un couple ait niché au poste 1, et les oiseaux ont été très facilement observés tout au long de l’année. Le 28 novembre, un mâle adulte et une femelle juvénile sont bagués à la mangeoire, puis une femelle adulte le 1er décembre. 

Mais c’était  sans compter sur le coup de froid de mi-janvier où les plans d’eau du Parc ont été gelés à 80% sur une douzaine de jours… Les Martins se sont localisés alors surtout le long du fossé d’eau courante en fin de parcours. 

Les derniers jours de gel, leur envol était beaucoup moins rapide, on sentait que le temps de la disette devenait bien long. Il est fort probable que certains oiseaux n’aient pas survécu, notamment les juvéniles moins expérimentés. Toutefois le 31 janvier un oiseau au moins est revu au poste 10, inaugurant aussitôt les nouveaux perchoirs de pêche disposés à son intention ! 

Espérons que 2024 soit comme 2023 l’année des Martins, pour lui donner des couleurs aussi rutilantes que celle de l’oiseau.  

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Les premiers Garrots à œil d’or sont de retour en hivernage sur le Parc le 7 octobre 2023, avec un juvénile : c’est la date la plus précoce depuis 1973. Le précédent « record de précocité » était le 13 octobre 2020, toujours avec un juvénile. 

Un maximum de 5 mâles, 7 femelles adultes et 1 immature sont observés les 5 et 29 janvier 2024. Alors que généralement les mâles adultes étaient nettement minoritaires voire rares, cela n’est presque plus le cas ces dernières années. Le faible nombre de jeunes oiseaux s’accentue aussi, soit du fait d’une faible reproduction, soit d’un stationnement plus nordique de ces oiseaux. 

Les oiseaux adultes sont alors probablement dans ce cas des oiseaux ayant mémorisé au fil des années l’hivernage sur le site. Ce qui implique qu’à la disparition de ces individus fidèles, les stationnements sont appelés à diminuer dans les prochaines années… 

Ce canard plongeur se reproduit surtout en Russie, au bord de la Baltique, avec de petites populations en Allemagne et en Ecosse. Il a la particularité de nicher dans les arbres, notamment dans les anciennes loges de Pic noir. Ces populations nordiques sont en lente extension vers le sud, et depuis 1999 quelques rares couples nichent en France, notamment dans l’Oise.  

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Les premiers Harles piettes sont de retour cet hiver le 28 novembre 2023 – 2 mâles et 2 femelles -, une date somme toute assez précoce (la plus précoce étant le 4 novembre 2011 !), l’espèce très nordique arrivant surtout en décembre. Malgré ce début d’hiver très doux, ils viennent tout de même séjourner sur le site. Les mâles adultes sont plus casaniers et descendent moins vers le sud que les jeunes et les femelles. Ils arrivent très rarement les premiers, laissant ces « dames » passer devant ! Actuellement, 3 mâles et 4 femelles sont présents.

Je me souviens, enfant, d’un article sur cet oiseau dans le Courrier de la Nature en 1978, la revue de la Société Nationale de Protection de la Nature. Il était présenté comme l’oiseau des glaces qui, venant de la lointaine Russie ou de la Finlande à peine plus proche, n’atteignait notre région que lors des vagues de froid sévères, comme en 1979 ou 1985 où des oiseaux ont été bien présents sur le canal de la Somme et les gravières encore libres d’eau à l’intérieur des terres. Pour moi, avec les photos des superbes mâles dans les yeux, il devient l’oiseau mythique, l’oiseau du froid, que je n’aurais jamais l’occasion de croiser du regard… 

Or maintenant on a la chance appréciable de l’observer chaque hiver sur le Parc, quelles que soient les températures. Profitons-en, les derniers oiseaux resteront jusqu’à fin mars voire exceptionnellement jusque fin avril ! On les voit surtout des postes 4 au 6 où ils trouvent en plongée invertébrés et petits poissons (grémilles, épinoches…). 

Moins de 200 hivernent en moyenne en France, hors vague de froid (entre 1000 et 2000 oiseaux lors des gros coups de froid… dans le passé !) principalement sur les grands lacs de l’est de la France et le cours du Rhin.

Les oiseaux ont su mémoriser ce site d’hivernage complet sur lequel ils trouvent des conditions favorables… à l’inverse d’autres espèces comme le Cygne chanteur, le Harle bièvre ou la Corneille mantelée, qui ont perdu cette tradition (conditions peu favorables, disparition des oiseaux… ?) et, avec le changement climatique, ont de plus en plus tendance à hiverner plus au nord.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Lundi 19 février 2024, une nouvelle espèce de canard a été vue sur le Parc du Marquenterre. Il s’agit d’un mâle de Fuligule à tête noire (Aythya affinis) originaire d’Amérique du Nord. Cette espèce n’avait jamais été observée sur le site depuis sa création en 1973. Sa première mention en France ne date que de 1993, du fait du développement des connaissances ornithologiques.

Depuis, une trentaine d’observations ont eu lieu en France d’octobre à avril. Il est vrai que ce petit canard plongeur n’est pas très aisé à déterminer. Avec son dos clair, pas de confusion possible avec son cousin européen le Fuligule morillon qui niche et, surtout, hiverne dans notre région. On peut en revanche le confondre avec le Fuligule milouinan, canard plongeur nicheur en Scandinavie et en Russie et hivernant en très petit nombre sur les côtes françaises. Les différences sont très subtiles, avec une tête à reflets violets plus oblongue, avec une ébauche de petite houppe, et une pointe noire de petite taille au bout du bec chez le Fuligule à tête noire.

Il niche en Alaska et à l’ouest des Etats-Unis sur les lacs forestiers des Rocheuses, et hiverne au sud des USA jusqu’au Vénézuela et en Colombie. Il est relativement commun, avec une population estimée à 7 millions d’individus. Comme notre Fuligule morillon européen il se nourrit en plongée de mollusques, crustacés, mais avec une part plus importante de végétaux. 

L’automne 2023, avec ces multiples dépressions, tempêtes et coups de vents d’ouest, a été favorable à l’observation d’oiseaux américains en Europe, déportés à travers l’Atlantique lors de leurs déplacements migratoires. De petits groupes ont même été vus en Irlande et en Angleterre et les observations se sont multipliées en Bretagne et sur la côte atlantique ces six derniers mois. Un Fuligule à tête noire avait aussi été observé dans la Somme depuis quelques mois en vallée de la Bresle.

Que vont devenir ces oiseaux américains ? Pour la majeure partie d’entre eux, il est bien peu probable qu’ils retournent sur le continent américain. Peut-être vont-ils suivre les Fuligules milouinans et morillons dans leurs migrations, et s’hybrider avec eux sur les zones de reproduction ? 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley