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La dune grise – ou fixée – n’est plus en contact direct avec la mer et les embruns, à l’inverse de la dune blanche mobile. Elle est caractérisée par une végétation rase formant une pelouse grise en période estivale, d’où son nom. 

Sur le Parc, 80% des espèces de mousses et lichens – la strate bryo-lichénique – sont adaptés à ce milieu aride, quasi désertique. La plus connue est la Tortule des dunes (Syntrichia ruralis var. ruraliformis). Elle peut se laisser dessécher totalement pendant des mois, ne profitant que de l’humidité de l’air. Mais dès l’apparition d’une averse, elle reverdit comme par magie et déploie ses feuilles fluorescentes en forme d’étoile !

Tortule des dunes

Empêchant le sable de voler, c’est la base de la production d’humus qui va permettre l’installation de plantes pionnières, comme la rare Pensée de Curtis (Viola tricolor subsp. curtisii), le Poivre des murailles (Sedum acre) aux feuilles charnues, qui sont autant de réserves d’eau, ou l’Erodium des dunes (Erodium cicutarium subsp. dunense) aux racines profondes captant l’humidité. Le Myosotis hérissé (Myosotis ramosissima), quant à lui, profite des zones ensoleillées enrichies par les déjections des lapins. Pour la petite histoire, Myosotis vient du grec myos (souris) et otos (oreille), allusion aux feuilles poilues rappelant les oreilles des rongeurs. Sur les secteurs les plus stables et anciens, la dune peut se colorer en jaune par la présence du Gaillet jaune (Galium verum) à l’odeur discrète de miel, souvent associé à la Canche blanchâtre (Corynephorus canescens) ou à la Fléole des sables (Phleum arenarium). On y retrouve aussi l’Asperge sauvage (Asparagus officinalis) qui était autrefois cultivée dans les dunes.

Myosotis hérissé

C’est sur cet habitat rare que des passereaux, comme le Traquet motteux, vont nicher dans les terriers de lapins, ou que les Linottes mélodieuses vont se gaver de graines d’Erodium. Ce milieu est particulièrement fragile et ne supporte aucun piétinement humain ou équin, mais se maintient en état grâce à la présence de fortes densités de lapins de garenne. Sa stabilité a facilité la plantation, entre les deux guerres, de Pins laricios qui ont conduit à sa quasi-disparition.

À la mort de toutes ces plantes à l’automne, le sol va encore s’enrichir en humus et laissera naître progressivement un nouvel habitat : la dune arbustive avec l’Argousier, le Troène des dunes et l’Églantier. À l’arrière, en descente de dune, va se développer une dépression : c’est la panne que l’on retrouve juste devant le pavillon d’accueil et qui se charge en eau lors de la montée de la nappe phréatique en hiver.

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Alexander Hiley, Nathanaël Herrmann


Durant les journées ensoleillées de juin à septembre, le longicorne ou capricorne Aromie musquée (Aromia moschata) est visible sur le Parc. On peut l’apercevoir sur les saules, les érables, les bouleaux mais aussi sur les ombellifères et les chardons. Cette espèce porte ce nom car elle produit une agréable odeur de musc.

Les imagos (formes adultes) ont une taille comprise entre 15 et 32 mm de long. Ils ont un corps aux couleurs métalliques, allant du vert au violet en passant par le cuivré ou le bleu. Les antennes des mâles sont plus grandes que leur corps, alors que celles des femelles sont plus courtes.

La reproduction de cette espèce se déroule en été. Les femelles vont ensuite pondre à l’aide d’un ovipositeur dans l’écorce d’un vieux saule. Les larves vivent dans l’arbre pendant 3 à 4 ans et se nourrissent de bois avant leur nymphose. Une fois métamorphosés en imagos, ces longicornes sortent de l’écorce et consomment alors la sève des saules, des érables et des bouleaux.

Texte et illustration : Romane Sauleau

Guides et visiteurs attendent chaque année ce spectacle avec impatience : les grandes marées estivales ont tenu toutes leurs promesses. Les 2, 3 et 4 août, peu après midi, des milliers de Courlis cendrés et corlieux, d’Huîtriers pies, de Barges à queue noire, de Bécasseaux variables, cocorlis et maubèches sont entrés dans le Parc. Chassés par la mer, ces grands voyageurs se sont posés quelques instants sur les bancs de sable disponibles, le temps de l’étale… 

Serrés les uns contre les autres, ils ont sagement attendu que la marée redescende, avant de retourner se nourrir dans les vasières de la Baie de Somme. Le tout dans une ambiance étrangement calme et silencieuse, au vu du nombre impressionnant d’oiseaux présents.

Fraîchement arrivés de Scandinavie, voire de Sibérie où ils ont niché, ces “aoûtiens” globe-trotteurs ne s’arrêtent parfois que quelques heures avant de reprendre le voyage vers leur zone d’hivernage européenne ou africaine. Adultes et jeunes profitent alors de cette pause salvatrice pour s’alimenter et se reposer, bien sûr, mais aussi pour s’adonner à toutes sortes de comportements de confort indispensables à leur survie : étirements, bâillements, toilette, graissage et lissage des plumes… Les soins corporels sont tout aussi importants que la nourriture et le sommeil pour achever la migration. À nous d’observer ces courageux limicoles le plus discrètement possible, pour ne pas les déranger lors de leur escale !

À vos agendas : les prochaines grandes marées auront lieu du vendredi 30 août au mardi 3 septembre (coefficient 113) ! 

Texte : Cécile Carbonnier

Illustrations : Pierre Aghetti

Dans la végétation herbacée et les lisières arbustives du Parc se cache un petit être jaune citron à pois noirs : il s’agit de la Coccinelle à 22 points (Psyllobora vigintiduopunctata), aussi appelée Coccinelle… marsupilami ! Ce sont ses couleurs caractéristiques qui lui ont valu ce joli sobriquet rappelant le célèbre personnage de Franquin. Le coléoptère, d’allure hémisphérique, mesure 3 à 5 mm ; il possède 11 points sur chaque élytre, et 4 autres positionnés en arc de cercle sur le pronotum, autour d’un triangle noir prolongeant l’écusson. 

Pas question de manger des piranhas comme son homonyme de Palombie : notre petit insecte est mycétophage, et se nourrit exclusivement de minuscules champignons de la famille des Erysiphaceae, responsables de la “maladie du blanc”, ou oïdium, dont souffrent certains végétaux ; on reconnaît les plantes malades à leur aspect pustuleux, ainsi qu’au feutrage “farineux” qui recouvre les feuilles et les fruits. Avoir un Marsupilami chez soi, c’est donc se prémunir contre ce cauchemar du jardinier !

En plus, cette coccinelle est indigène en Europe, c’est-à-dire qu’elle y est présente naturellement, contrairement à ses nombreuses cousines asiatiques, elles-mêmes introduites pour la lutte biologique… au détriment, malheureusement, des coléoptères autochtones. 

A noter que quand elle se sent en danger, la petite “bête à bon Dieu” est une excellente comédienne : elle fait la morte ! On dit alors qu’elle tombe en thanatose (du grec thanatos, la mort). Immobile, elle replie ses antennes, rentre ses pattes et se laisse tomber dans la végétation. Pas besoin de la force herculéenne ni de la queue démesurée du héros de BD : cette technique suffit à dissuader ses prédateurs, qui, généralement, ne raffolent pas d’insectes morts. Houba houba !

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

Point de sortie en ce moment sur le Parc sans rencontrer un Faisan de Colchide en train de défendre son territoire ou de se “promener” avec quelques poules – s’il est un coq dominant – au plumage bien plus discret. Familier des champs et des lisières de bois, visible surtout à l’automne, on oublie alors de le regarder, le considérant comme un oiseau “banal”. Pourtant en tant qu’espèce introduite, son histoire est bien plus longue que beaucoup d’autres… même s’il y a des chances qu’il provienne d’un relâcher d’élevage tout récent.

À l’origine le Faisan de Colchide – la Colchide est une région d’Arménie à l’est de la Mer Noire – niche naturellement du Caucase à la Corée, en passant par le Japon et la Chine. Les 52 espèces de faisans sont en effet tous asiatiques. Il fut introduit en France, en Italie et en Allemagne dès l’époque romaine comme oiseau d’ornement… et “invité” de marque aux fameuses orgies ! Mais c’est vraiment à partir du Moyen Âge et de la Renaissance qu’il s’est répandu en Europe.

Sa grande plasticité écologique lui a permis de coloniser tout le continent hormis les zones d’altitude et l’Europe du Nord et méridionale. Il sait tout aussi bien s’adapter aux milieux forestiers, qu’au bocage ou aux zones humides. Les adultes se nourrissent essentiellement de végétaux, mais on les a déjà vu capturer des batraciens comme le Crapaud commun.

Les dunes et marais du Marquenterre semblent parfaitement lui convenir et plusieurs couples nichent chaque année naturellement sur le Parc. C’est une des rares espèces que l’on peut considérer comme vraiment sédentaire.

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Alexander Hiley, Philippe Carruette

Au détour d’un regard entre les postes 1 et 2, on distingue des sortes de bogues sur les branches d’un églantier. Cet amas de tissu est bel et bien fabriqué par cet arbuste, tel un bouclier pour se protéger d’un petit hyménoptère, le Cynips du rosier (Diplolepis rosae) à la couleur noirâtre.

La femelle pond sur les bourgeons de la plante hôte, véritable pompe à sève. Les larves se développent dans une galle ou bédégar – « souffle de rose » en persan – décorée par des fils végétaux collants et chevelus lui valant aussi le nom de « barbe de Saint-Pierre ». Les larves se muent ensuite en nymphe, et c’est au printemps suivant qu’elles vont perforer le bois qui s’est formé, afin de sortir sous forme de petites abeilles.

À noter que cette espèce se reproduit par parthénogenèse, stratégie qui repose sur le développement d’individus issus de gamètes non fertilisés ; donc pas besoin de fécondation ! L’effet parasitaire de cet insecte est assez faible et n’entrave pas complètement la croissance de l’églantier.

Texte et illustrations : Florent Creignou

Tous les matins, en passant sur le sentier près de la héronnière, une Rainette arboricole a pris l’habitude de se reposer sur la tige d’une ronce morte. L’après-midi, avec la chaleur revenue, elle y est absente, vaquant à ses occupations alimentaires d’amphibien dans la végétation riche en invertébrés. Lors de nos sorties guidées en soirée, on la retrouve de nouveau reprenant son bain de soleil. 

Un point de repère pris sur la ronce montre qu’elle est fidèle à son emplacement au centimètre près, et cela depuis plusieurs semaines ! La mémoire est un élément essentiel à la survie des espèces : elle enregistre les “bons plans” tout comme les mauvaises expériences… quand elles daignent laisser la vie sauve ! Le choix d’un site d’hivernage, ou de reproduction, d’un lieu de gagnage, d’un emplacement de repos ou de halte migratoire n’est donc pas dû au hasard, et est appelé à se perpétuer parfois pour de nombreuses années. N’oublions pas que c’est une nécessité vitale de ne pas se tromper, d’analyser et de corriger ses erreurs. 

Et même (voire surtout !) pour une “simple” grenouille, ce repos solaire est indispensable, comme pour tout batracien qui est tributaire de la chaleur ambiante pour réguler sa propre température, conditionnant ainsi son activité. Ce moment n’est donc pas anodin et elle ne doit pas être dérangée par une approche trop brusque ou trop intrusive ! Profitons donc de ce bijou vert avec grande bienveillance.

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Alexander Hiley

TELECHARGER le comptage du 05 août  2019

En bref: plus de 6,000 Huîtriers pies sur les reposoirs du Parc, 1470 Courlis cendrés, 275 Spatules blanches, 109 Chevaliers gambettes….