Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

Quand on pense aux oiseaux qui survolent la baie de Somme et le Parc du Marquenterre, on imagine des cigognes majestueuses, des spatules élégantes ou encore le ballet gracieux des avocettes. Mais un autre oiseau mérite qu’on lui redonne sa place dans notre mémoire : le pigeon.

Souvent perçu aujourd’hui comme un oiseau « sale », indésirable en ville, le pigeon domestique descend pourtant d’une lignée de véritables héros de guerre. Retour sur l’histoire méconnue d’un oiseau autrefois célébré… et aujourd’hui oublié, voire rejeté.

Les messagers du front

Durant la Première et la Seconde Guerre mondiale, les pigeons voyageurs ont joué un rôle crucial dans les opérations militaires. Lorsque les communications radio étaient brouillées ou que les lignes téléphoniques étaient coupées, ces oiseaux devenaient les seuls liens entre des soldats isolés et leur commandement.

Transportant des messages dans de minuscules capsules attachées à leurs pattes, ils volaient sans relâche à travers les tirs, les fumées et les paysages dévastés. Ils ont permis de sauver des centaines, voire des milliers de vies humaines.

Des pigeons médaillés

Des pigeons comme Cher Ami (France, 1918) ou GI Joe (Italie, 1943) ont reçu de véritables décorations militaires. À une époque, ils étaient considérés comme des combattants à part entière, honorés pour leur bravoure, leur fidélité, et leur incroyable sens de l’orientation.

Du héros au “rat volant” : l’oubli et le rejet

Et pourtant… Quel contraste avec la vision que nous avons aujourd’hui du pigeon !

Dans l’imaginaire collectif, le pigeon des villes est désormais vu comme un nuisible, surnommé « rat volant« , accusé de salir les monuments ou de propager des maladies. Il est chassé des centres urbains, ignoré dans les discours sur la biodiversité, et rarement protégé comme les autres espèces.

Une injustice ? Sans doute. Car ces pigeons, souvent descendus d’anciennes lignées de voyageurs élevés pour leur intelligence et leur sens de l’orientation, sont les descendants directs des héros ailés des temps de guerre.

Redonner leur place aux oubliés

À l’heure où la biodiversité est en danger, il est temps de repenser notre relation avec les espèces dites « communes« . Le pigeon, compagnon des villes comme des champs, a été un héros malgré lui. Ne mériterait-il pas aujourd’hui un peu plus de respect ?

Texte : Maxim Laurin / Illustration : FPG / Hulton Archive / Getty image

Au Parc du Marquenterre, le baguage des passereaux en migration en forêt dunaire est encore calme. À l’inverse des oiseaux paludicoles, les oiseaux forestiers migrent un peu plus tard. Le passage des Fauvettes des jardins et grisettes a commencé, mais le pic de migration des Fauvettes à tête noire a lieu chez nous à partir du 15 septembre. 

Fin août début septembre est la pleine période de migration du Gobemouche noir, grand migrateur nocturne dont toutes les populations hivernent dans les savanes boisées et les forêts africaines allant du Sénégal à la République Centrafricaine. En début de matinée, les oiseaux qui se posent continuent souvent leur migration de buisson en arbre – migration rampante – ce qui permet de les capturer pour les baguer. Insectivore au printemps, en migration ce gobemouche consomme une grande quantité de mûres et de baies de sureau, nécessaires à des vols sans escale parfois de plus de 2000 kilomètres, ce qui est remarquable pour un passereau. Des oiseaux ont ainsi parcouru plus de 5000 kilomètres en 12 jours, pas mal pour un piaf de 15 grammes ! 

Ces observations en migration de printemps sont très rares sur le Parc, avec seulement deux données en 53 ans. Cela s’explique par une migration en boucle, la migration prénuptiale s’effectuant sur une route plus orientale par  la Tunisie, la côte méditerranéenne française et l’Italie, avec une traversée rapide du Sahara par un vol direct sans escale de 40 à 60 heures !

Ce passereau est aujourd’hui très connu et étudié en Europe du nord pour l’impact du changement climatique qu’il subit de plein fouet. Le réchauffement global conduit à une plus grande précocité de l’émergence des chenilles – notamment celle de la Tordeuse du chêne – qui constituent pourtant l’essentiel de l’alimentation des poussins. Migrateur tardif arrivant surtout fin avril début mai pour les adultes les plus âgés et les plus productifs, ce retour est en décalage avec le pic de production des chenilles et provoque une baisse de la productivité des nichées. 

De plus, cet oiseau devient fortement concurrencé sur ses sites de nidification (les cavités dans les arbres) par les mâles de Mésange charbonnière, espèce généraliste en expansion et adaptative qui niche de plus en plus tôt. Mais le Gobemouche noir fait des “efforts” et revient maintenant quelques jours plus tôt. Néanmoins, cela sera-t-il suffisant ? Dans notre région, le Gobemouche noir niche uniquement dans les vieilles futaies de feuillus des grandes forêts de l’Oise et dans la forêt de Saint Gobain dans l’Aisne.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Cécile Carbonnier

Brève de voyage…

Il est arrivé en rase-motte sur l’îlot du poste 6, revêtu de son manteau brun et de son bedon blanc à bretelles : un Chevalier guignette bagué l’année dernière à Farsund, commune lovée dans un fjord du sud-ouest de la Norvège, le long de la mer du Nord, a fait escale quelques heures seulement au Parc du Marquenterre, profitant des niveaux d’eau bas pour glaner deci delà quelques insectes sur les berges. Farsund… Un nom qui sonne comme une promesse d’évasion, far signifiant “voyage” en norvégien, et sund, “détroit”. 

Quel plaisir de retrouver son petit hochement de queue caractéristique, et ses courses-poursuites trépidantes : car ce limicole si mignon est un vrai solitaire, qui chasse tout intrus de son espèce osant s’approcher de son garde-manger ! 

Ce petit individu, que nous nommerons R-a/Yf(NAV) – un sobriquet un peu barbare, mais qui correspond tout simplement aux codes et couleurs de ses bagues – n’est pas resté bien longtemps : juste de quoi recharger les batteries, et hop ! Le voici reparti. 

Venu probablement de Scandinavie où, espérons-le, il a élevé une joyeuse nichée au printemps, il rejoindra dans une poignée de semaines quelque point d’eau d’Afrique subsaharienne. Souhaitons que là-bas, un observateur chanceux scrutera attentivement ses jolies pattes, et qu’il nous donnera de ses nouvelles ; pour que nous aussi, nous voyagions à travers lui…

Pour consulter son chemin de vie, cliquez juste ici !  

Texte : Cécile Carbonnier / Illustrations : Pierre Aghetti, Cécile Carbonnier

On vous a souvent parlé des Mouettes mélanocéphales et de leurs voyages de globe-trotteuses. Cette année, elles n’ont pas niché au Parc, probablement à cause du manque d’individus sur la classe d’âge 2022 (grippe aviaire) et de la forte prédation sur la colonie l’année dernière. La reproduction ne fut pas reluisante non plus sur les grandes colonies belges et au nord des Pays-Bas, avec la prédation par le renard et des pluies violentes en juin. Cela a fait descendre de nombreux adultes encore en couple, qui se sont arrêtés quelques instants au Marquenterre, avant de continuer vers la Bretagne, la côte atlantique ou… ailleurs ! Cela fut l’occasion de noter quelques bagues et de voyager avec elles…

  • Bague blanche 3200 : Baguée adulte le 13 mai 2018 sur la colonie du port d’Anvers (usine Total) en Belgique, c’est une adepte de l’estivage ou de l’hivernage en Angleterre dès sa prime jeunesse. Et elle choisit l’île de Wight (le Deauville britannique !) dès le 8 novembre 2018. Elle revient sur la colonie d’Anvers dès le 3 mars 2019. Elle est en Angleterre sur Wight du 14 au 31 juillet et le 25 septembre sur le port de Pagham dans le West Sussex. Elle revient le 2 mars 2021 à Anvers (ponctualité belge !) et elle réveillonne à Portland dans le Dorset  du 24 décembre 2021 au 6 janvier 2022, puis retour sur l’île de Wight du 18 juillet au 17 novembre. En 2023, elle est sur la colonie de Beveren du 21 au 27 mars puis sur la colonie de Terneuzen aux Pays-Bas du 10 avril au 15 avril. Hivernage en janvier 2025 sur Wight. Elle est nicheuse sur Terneuzen jusqu’au 10 juin, et le 14  juin 2025 elle est Marquenterre en couple, laissant supposer un échec de reproduction.
  • Bague blanche 3841 : Bagué poussin le 9 juin 2018, également à l’usine Total à Anvers. Escapade anglaise aussi pour lui sur la superbe réserve  RSPB de Mismere dans le Suffolk les 28 et 29 mai 2019. Le 29 octobre 2019, il est sur l’île d’Oléron en Charente-maritime. Hivernage en Espagne le 3 février 2020 en Galice à la Corogne. Du 26 juillet au 11 août 2020, de nouveau un court séjour outre Manche à Folkestone dans le Kent. Hivernage à Gijon dans les Asturies espagnoles le 6 février 2021, le 19 mars 2021 il passe en France à Ciboure dans les Pyrénées-Atlantiques. Le 29 novembre 2021, retour à Gijon. En 2022, un seul contact toujours à Gijon. Puis il disparaît des longues-vues jusqu’au 12 au 16 mars 2025, où il est observé sur la colonie de Blois dans le Loire-et-Cher. Il est noté au Parc du Marquenterre le 14 juin 2025 ; là aussi cela laisse penser à un échec de reproduction.
  • Bague blanche 3JJL alias JiJi : Bagué lui aussi à Anvers adulte le 14 mai 2015. Il hiverne dès sa première année dans le Finistère (Plovan, île de Molène, Le Conquet, Douarnenez…) et en 2016 où il arrive dès le 29 juillet. En 2017, il est le 31 janvier à Ploumoguer (Finistère) et le 8 avril il revient à Anvers pour nicher. Il retrouve le Finistère à Plouénan dès le 30 juillet 2017 pour hiverner (Saint Nic,) comme en 2019 (Ploumoguer, Le Conquet). Petite et courte escapade anglaise le 11 avril au port de Langstone. En 2020, même halte en Angleterre sur l’île de Wight le 17 mars et le 09 juillet sur la plage de Zeebruges, laissant supposer que l’oiseau a peut-être niché en Belgique. Et le traditionnel hivernage breton à partir du 9 juillet  jusqu’au 1er février 2021 au Conquet. Le 26 février, il est au port de Langstone dans le Hampshire. Ce passage par l’Angleterre laisse supposer un trajet direct au-dessus de la Manche depuis la Bretagne, avant de regagner ensuite peut-être les colonies belges ou hollandaises en vol ouest est par le détroit ? Le 24 août 2021, nouveau passage par l’Angleterre au port de Chichester dans le West Sussex, et hivernage à Saint Nic dans le Finistère. Hivernage au Conquet en 2022 et toujours la même stratégie migratoire : le 8 mars 2022 il est au port de Langstone, puis hivernage au Conquet jusqu’au janvier 2023 où le séjour anglais est un peu plus long, du 27 mars au 3 avril 2023 au port de Langstone, pour un retour dans le Finistère à partir du 19 octobre 2023. Une seule donnée en 2024, le 6 novembre à Saint Nic (Finistère) tout comme en 2025 où il est au Parc du Marquenterre le 13 juin, dans la vague d’oiseaux qui arrive en lien avec les échecs sur les colonies du Benelux.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Elle est arrivée sans un bruit. Une silhouette sombre, discrète, presque invisible dans les pannes et les roselières du Parc du Marquenterre, jeudi 17 juillet.

Cette Cigogne noire (Ciconia nigra), baguée Y2214, s’est laissé guider par les courants. Elle passe ses journées à se nourrir des amphibiens et divers autres insectes pendant sa halte migratoire. Il s’agit de sa première migration : son bec est jaune à la base et tire vers le noir, tout comme ses pattes, et nous indique qu’elle est née ce printemps 2025. Celui-ci deviendra complètement rouge, comme celui de sa cousine la Cigogne blanche, d’ici une année. 

Cette juvénile se laisse observer sans difficultés, à l’entrée du Parc, sur ses nouvelles zones humides juste avant le parking, voire devant la terrasse du restaurant ! Pour le plus grand plaisir des visiteurs et de l’équipe, qui se ravissent d’un tel spectacle.  

Contrairement à sa cousine blanche qui parade sur les toits des villages, la Cigogne noire préfère les recoins oubliés, les forêts profondes et les marais tranquilles. De nature plus discrète, il n’est pas commun d’en observer d’aussi près. Ce n’est pas la première Cigogne noire de l’année, 4 ou 5 individus ont déjà survolé le Parc au cours de leur migration vers le sud, pour rejoindre leur site d’hivernage, probablement au Parc national du Diawling en Mauritanie ou encore au Parc national du Djoudj au Sénégal.

Nous espérons la revoir chaque année au cours de sa longue vie (20 ans environ), sa bague nous permettant de la reconnaître plus facilement. Le programme de baguage auquel elle appartient est celui de BeBirds, en Belgique, qui étudie comme nous, les mouvements des oiseaux migrateurs, leurs destinations, leurs comportements…

On lui souhaite bon vent et rendez-vous l’année prochaine, cette fois avec un bec rouge ! 

Texte : Maurine Lebeau / Illustrations : Stephen Larooze

 

Il est des oiseaux que l’on prend bien du plaisir à revoir. Pas en tant qu’espèce rare et exceptionnelle, mais en tant qu’individu. Un peu comme une vieille connaissance que l’on ne voit qu’une fois par an, lors d’une fête de famille ou d’une réunion de club… naturaliste, bien entendu. 

Grâce à son cortège de bagues couleur RW-LO (bagues rouge et blanche à la patte gauche et vert pistache et orange à la patte droite, bague métal Muséum sur le tarse) on reconnaît bien “notre” Barge à queue noire, grande habituée du Parc en migration postnuptiale. C’est un superbe mâle bagué adulte sur son site de reproduction, dans le comté de Arnessysla à Grimsnes, au sud de l’Islande, le 13 juillet 2011 ; lieu grandiose de chutes d’eau, volcans et landes au sud-est de Reykjavik…  

Chaque année, sans aucune exception, elle revient au Parc du Marquenterre en migration postnuptiale. Elle est contactée généralement en juillet (le 11 en 2022, le 12 en 2017 et 2023, le 19 en 2014, le 25 en 2021, le 27 en 2016, le 29 en 2020), en août (le 3 en 2018, le 10 en 2019, le 20 en 2011, le 18 en 2013, le 30 en 2015),  voire septembre (2 septembre 2012). En 2024, nous la retrouvons pour la première fois le 8 juillet, date la plus précoce de retour : a-t-il échoué dans sa reproduction ? Mais cette précocité se retrouve d’ailleurs ces toutes dernières années : conséquence des changements climatiques qui font migrer l’oiseau plus tôt pour la nidification ? 

Son séjour estival sur le parc se prolonge jusqu’à la fin de l’automne, montrant la qualité nutritionnelle du lieu pour l’espèce. Elle nous quitte au plus tard le 26 novembre 2011 et le 17 novembre 2013, mais le plus souvent début octobre.

On ignore totalement où elle passe l’hiver, sauf dans deux cas : le 31 décembre 2015 elle est présente sur le Parc, et le 9 janvier 2023 dans la baie du Mont-Saint-Michel dans la Manche.

En migration pré-nuptiale, l’oiseau est observé uniquement aux Pays-Bas, surtout dans la région d’Ouderkerk (Noord Holland). Ce trajet est le plus fréquenté en matière de haltes migratoires avant de gagner l’Angleterre, l’Ecosse puis l’Islande. Il arrive aux Pays-Bas au plus tôt le 1er février 2023, et repart au plus tard le 8 avril 2023, soit deux mois de halte nourricière indispensable pour gagner le site de reproduction en pleine forme. 

On constate que plus cet oiseau arrive tôt aux Pays-Bas, plus il repart tard. Les dates de retour de printemps en Islande sont peu nombreuses, mais montrent tout de même une grande régularité : 21 avril 2012, 15 avril 2018 et 2019, 14 avril 2022. 2013 fait exception avec un contact le 5 juin, mais cette année-là, le printemps fut particulièrement froid et pluvieux dans toute l’Europe ! 

Au-delà de tout l’intérêt scientifique remarquable du baguage, il y a aussi ce fort côté émotionnel de connaître et reconnaître un individu, et de partager ce plaisir des yeux humains avec tant d’autres Européens qui partagent cette passion du vivant migrateur, par delà les frontières ; enfin, il nous offre une image de l’Islande que je ne connaîtrai sûrement jamais. Alors à bientôt LO, ici ou ailleurs ! 

 *Clin d’œil au grand Jacques Brel avec sa chanson « Mathide » parue en 1964.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Le jeudi 12 juin, un chevalier peu commun fait son apparition sur le Parc du Marquenterre au poste 2. Il s’agit du Chevalier stagnatile (Tringa stagnatilis). Sa silhouette gracile et fine fait penser à une Échasse blanche (Himantopus himantopus) juvénile, si l’on regarde rapidement. Mais si l’on se concentre d’un peu plus près sur les détails, on peut noter un fort contraste entre le manteau (dessus des ailes) gris pâle intensément moucheté de noir, et la poitrine et le ventre blanc. Son bec fin comme une aiguille n’est pas légèrement incurvé vers le haut, et les pattes jaunes le distinguent du Chevalier aboyeur (Tringa nebularia). Il est également doté d’un sourcil blanc bien prononcé.

Sur le Parc, il n’a pas été observé de 1973 à 1984. Il y a eu cinq observations de 1985 à 1992, bien “équilibrées” entre les deux passages migratoires : 1 le 23 avril 1992, 1 les 11 et 12 mai 1985, 1 début mai 1986, 1 le 29 juillet 1989, 1 du 5 au 18 août 1992. De 1994 à 2021, les observations s’intensifient – liées à l’extension de la population nicheuse vers l’ouest en Finlande et en Pologne – mais restent très irrégulières : 1 du 27 juin au 12 septembre 1990,  1 du 8 au 28 juillet 1994, 1 le 15 août et 2 le 16 août 1994, 1 immature  du 27 juin au 14 août 1995, 1 le 19 mai 1996, 1 les 26 et 28 juin 1997, 1 le 6 juillet, 1 le 9 août 1997,  1 du 31 août au 2 septembre 2009, 1 le 12 septembre 1994. Les  migrateurs de printemps sont à l’inverse maintenant devenus plus rares : 1 du 23 mars 2003 au 20 avril 2003, 1 le 4 avril 2015, 1 le 12 mai 2021.

D’un point de vue de son biotope, ce chevalier se reproduit dans les marais et la taïga du centre de l’Eurasie, de l’est de la Biélorussie au lac Baïkal. Stagnatile vient du latin stagnatilis signifiant “étang d’eau non courante”. Il niche en petites colonies ou seul, à proximité de l’eau, sur un monticule tapissé d’herbes sèches. La femelle y pond trois à cinq œufs que les deux adultes couvent à tour de rôle. Les juvéniles seront capables de se reproduire dès l’année d’après.

Le Chevalier stagnatile balaie le fond de l’eau en sondant la vase à la recherche de néréis (vers de vase) et d’insectes. Habituellement solitaire, il peut être aperçu sur les zones riches en nourriture en compagnie d’autres échassiers. C’est un grand migrateur passant par l’est de l’Europe et hivernant en Afrique de l’Est et dans le sud du Moyen-Orient

Texte et illustration : Foucauld Bouriez 

 

Fin juin, la campagne de baguage au nid des poussins de Cigogne blanche bat son plein en Picardie et dans le Pas-de-Calais, le Nord et la Seine-Maritime. Un programme personnel dirigé par Christophe Hildebrand a été obtenu auprès du Muséum de Paris pour continuer à baguer ces grands échassiers qui ne le sont plus ailleurs en France. La population du Nord de la France est en pleine expansion, et mérite encore d’être suivie dans son évolution et ses déplacements, tant pour les juvéniles que pour les adultes. La majorité des nids concernés sont sur des plateformes construites par l’homme pour pouvoir accéder aux poussins et les baguer, comme le font chaque année les guides naturalistes du Parc du Marquenterre, depuis près de 50 ans.

Une petite partie de la centaine de nids connus dans notre région des Hauts-de-France est visitée par les naturalistes bagueurs régionaux. Certains poussins dont les nids sont inaccessibles, trop hauts, dans des arbres morts ou situés dans des héronnières ne peuvent être bagués pour la sécurité des oiseaux… et du bagueur ! Les cigogneaux sont pesés, mesurés. Le bagueur leur pose une bague métal numérotée gravée du Centre de recherches sur la biologie des populations d’oiseaux. Une bague plastique de couleur verte avec 4 lettres blanche est rajoutée à l’autre patte pour permettre l’identification à distance des individus. 

Les jeunes sont bagués à 6 ou 7 semaines, quand la patte est bien développée et qu’ils commencent à se mettre régulièrement debout sur le nid. Quatre plumes sont récoltées pour permettre d’effectuer des analyses ADN. On ignore s’ il y a une réelle différence de sites d’hivernage entre jeunes mâles et jeunes femelles, et s’ il y a une colonisation des sites différente entre mâle et femelle. On sait par contre que la majorité de « nos » jeunes cigognes « picardes » hivernent dans le sud de l’Espagne et du Portugal (région de Faro). Récemment, un jeune bagué en 2023 à Boismont a été contacté au Maroc à Kenitra. D’autres vont plus rarement jusqu’au au Mali, en Mauritanie ou au Niger. Pour cela, ils longent les côtes françaises ou passent à l’intérieur des terres par la Mayenne, l’Indre et Loire, Les Deux Sèvres, l’Allier. 

Relativement peu de jeunes nés en Picardie reviennent nicher chez nous après avoir hiverné théoriquement deux ans plus au sud. Toutefois, de plus en plus de jeunes retournent au bout d’un an seulement en Europe. Est-ce le fait d’une détérioration des sites d’hivernage plus méridionaux ? À l’inverse, des jeunes nés et bagués en Picardie nichent maintenant en Belgique, aux Pays-Bas, en Vendée, en Loire-Atlantique et même à Colmar en Alsace !

Les nouveaux nicheurs des Hauts-de-France viennent aussi bien de Belgique et des Pays-Bas, que de Loire-Atlantique. La disparition des centres d’enfouissement, source de nourriture facile, fait que les oiseaux hivernent maintenant en moins grand nombre sur la côte picarde. Grâce aux bagues, on sait que les oiseaux se sont reportés sur les décharges du Calvados, d’Espagne autour de Madrid ou beaucoup plus près, sur celles de Dannes ou d’Avesne dans le Pas-de-Calais.

La mortalité, notamment chez les juvéniles, peu expérimentés, reste néanmoins toujours très forte, entre électrocution, sécheresses sahéliennes et multiples autres causes. Avec  le printemps doux, la nidification reste correcte cette année mais la sécheresse semble avoir fortement impacté la nidification en Alsace, en Belgique sur des milieux plus anthropisés et banalisés. 

Le nombre de poussins est totalement tributaire des ressources en nourriture. La base du régime alimentaire est composée de rongeurs, batraciens et insectes, mais tout ce qui circule sur le sol ou dans l’eau à proximité du bec est une proie potentielle. Tout comme pour le Héron cendré, les cigognes se nourrissent beaucoup dans les prairies, hauts lieux de la biodiversité, qui ne peuvent être maintenues que par la présence des agriculteurs éleveurs.

Tous ces poussins partiront en migration dans quelques jours, sans les adultes, généralement après le 20 juillet. Une partie de ces adultes partira à partir de la mi-août, après avoir effectué la mue. Tous ont impérativement besoin des courants d’air chaud pour pouvoir utiliser leur économique vol plané.

La Cigogne blanche revient de très loin. En 1979, il ne restait plus que 11 couples dans toute la France dont 9 en Alsace. Entre réintroductions, poses de plateforme de nidification, extension des populations espagnoles, hivernage de plus en plus important en Europe, les effectifs se sont progressivement bien étoffés, atteignant maintenant plus de 3200 couples. Les régions phares pour l’espèce sont la Charente-Maritime, les Landes, La Manche, et bien entendu… l’Alsace !

L’espèce a toujours niché en Picardie, certes en petit nombre, mais un nid était connu en 1837 au Crotoy. En 1944, les troupes allemandes en retraite ont mitraillé un nid à Becquerel près de Rue. Liée à la présence humaine, notamment aux prairies de fauche et d’élevage, la Cigogne blanche sauvage reste le garant de milieux ruraux diversifiés et à la biodiversité importante. Point de tradition de nidification sur le toit des maisons dans notre région où les couples installent leur gros nid en branchages surtout sur de gros arbres morts, en marais ou en pinède sur le littoral. Au Parc du Marquenterre, l’essentiel des nids est dans la forêt de pins. L’extension des effectifs continue, avec de nouveaux couples en vallée de l’Oise et dans le nord l’Aisne, et dans l’est de la Somme jusqu’à Amiens, avec un nid récent près de Conty. 

Texte et illustrations : Philippe Carruette