Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

Le suivi régulier de la migration au point de vue permet – par beau temps et vent favorable – d’observer la migration active de nombreux passereaux. A cette période, les vacances vers l’Afrique ne sont plus vraiment d’actualité, mais plutôt des séjours à moindre frais (sobriété énergétique oblige…) vers la France et la péninsule ibérique, pour des oiseaux venant du Benelux à la Scandinavie en passant par les pays de la Baltique. Mais c’est aussi l’occasion de voir que toutes les espèces sont potentiellement migratrices (sauf notre cher Faisan, chargé de l’accueil au point de vue ou devant le pavillon d’accueil, qui ne doit pas se sentir concerné… fut- il de Colchide !).

Cette année sera celle des Tarins des aulnes. Les premiers groupes migrateurs sont observés le 23 septembre. Ensuite, chaque matinée, de petites bandes bruyantes en vol compact et chaloupé ont survolé le Parc par tous les temps et tous les vents, même défavorables. Leur stratégie de migration diurne est plutôt basée sur des distances courtes avec des haltes fréquentes. On peut ainsi les voir sur les aulnaies heureusement préservées avant le poste-mangeoire en fin de parcours. 

Ces petits saltimbanques joyeux sont à cette période granivores et cherchent les petites graines de strobiles d’aulnes. Les comptages donnent un record de 2620 observés en une matinée au point au point de vue le 13 octobre ; plusieurs milliers ont été dénombrés aussi les matinées d’octobre au banc de l’Ilette, à la pointe de Routhiauville en baie d’Authie ou en baie de Canche. 

Les dernières irruptions récentes datent des années 2007, 2010, 2017, et 2019. Ces phénomènes sont liés à des conditions de reproduction favorables en Scandinavie et dans le nord de l’Europe, augmentant les effectifs qui peuvent se voir en fin d’été confrontés à une année de disette (faible productivité en graines de conifères et de bouleaux) obligeant à un véritable exode alimentaire vers le sud-ouest de l’Europe, particulièrement pour les juvéniles. Ce sera l’occasion de pouvoir baguer des oiseaux à la mangeoire ou à la station de baguage pour le suivi de la migration postnuptiale. Le 16 mars 2013, un oiseau âgé de 3 ans, bagué à Trondheim en Norvège, avait été contrôlé sur le Parc. Il semble que chaque année, quelques couples nichent également dans le massif dunaire du Marquenterre.

Texte et illustration : Philippe Carruette

La saison s’achève pour le personnel du Parc du Marquenterre… mais commence à peine pour les oiseaux hivernant sur le site. En ce premier jour de novembre, ce sont des centaines de Canards pilets, Sarcelles d’hiver, Courlis cendrés, Barges à queue noire ou encore Spatules blanches qui ont une nouvelle fois enchanté les visiteurs ravis de pouvoir contempler de si près ces grands migrateurs venus du Nord. Certains ne feront qu’une halte, en attendant que la tempête passe et que la météo, plus clémente, permette de repartir vers le sud de l’Europe. D’autres trouveront sur le Parc les conditions optimales pour y séjourner tout l’hiver. Souhaitons-leur à tous bon vent ! 

Comptage du 1er novembre 2023   

Depuis quelques semaines, nous sommes au premières loges pour observer les Spatules blanches migrer. C’est l’occasion de regarder si elles sont baguées et, pour celles qui le sont, lire les bagues. Nous pouvons ensuite retrouver le bagueur grâce au type de code utilisé (bagues colorées, code alphanumérique…) et lui transmettre l’observation. Il l’intègre alors au registre de l’oiseau, son “CV”, qu’il nous transmet en retour. Nous pouvons alors savoir où est né l’oiseau, en quelle année et par où il est passé…

Prenons l’exemple de GGfa/LGL. Ce nom (très glamour) est en fait le code constitué par les bagues colorées. Les majuscules correspondent aux couleurs : G pour Green (vert), L pour Lime (vert clair). Le « f » minuscule signifie flag (drapeau) ; collé au G qui le précède, cela signifie que la deuxième bague verte a un drapeau, un bout de bague qui dépasse nettement (comme la bague vert clair de la spatule en photo ici). Le « a » correspond à la bague métal sur laquelle sont inscrits l’identifiant numérique de l’oiseau (ici, 268857) et le nom du muséum du pays où l’oiseau est bagué (ici, muséum Berlin).

Grâce au retour du CV par le bagueur, nous savons que l’oiseau a été bagué poussin le 03/06/2011 sur l’île allemande d’Oland, près de la frontière avec le Danemark. Après les informations sur le baguage en lui-même, le CV contient la liste de tous les endroits où la spatule a été observée. Cela permet de retracer les grandes lignes de ses voyages, au fil des observations.

Ainsi, nous savons qu’au début du mois du juillet, GGfa/LGL a quitté l’île qui l’a vue naître pour rejoindre le continent. Elle est restée là-bas pendant au moins 1 mois. En octobre de la même année, elle est vue dans le Morbihan soit environ 1 100 km plus loin. Encore jeune, elle ne ressent pas le besoin de se reproduire. Elle y reste donc environ 1 an.

Pendant les quelques mois du printemps 2013, elle n’a pas été observée. Elle est certainement partie prospecter pour un éventuel futur nid. Peut-être même qu’elle s’est reproduite. Ce qui est sûr, c’est qu’en juillet 2013, elle est observée de nouveau en Allemagne, sur le même site que lorsqu’elle a quitté son île natale. Elle y reste au moins jusqu’en septembre.

Le 28 mars 2014, elle est de nouveau observée dans le Morbihan. Y a-t-elle passé l’hiver ou est-elle seulement passée en migration ? Difficile à dire. Le 17 avril, elle est observée 1 000 km plus loin en Allemagne. Elle répète ce schéma pendant plusieurs années, alternant entre des passages dans le Morbihan et le nord de l’Allemagne où elle s’arrête chaque année.

En 2017, son site de reproduction est enfin trouvé ! Elle est observée sur son nid sur l’île Hoje Sande, située dans un fjord à l’ouest du Danemark. Cette île se situe 130 km plus au nord du site où elle est née. On voit bien le grand rayon de dispersion des jeunes. Cela évite entre autres les problèmes de consanguinité et de surpopulation. En juillet, elle est retrouvée sur son site de halte en Allemagne. On peut alors supposer que les printemps précédents, elle nichait déjà sur le même site.

En novembre 2017, elle est observée en Espagne, près de Séville ! Cela fait environ 2 400 km depuis son site de reproduction.

Durant les années suivantes, elle poursuit ses aller-retour. Elle est souvent observée aux mêmes endroits. On peut noter une grande fidélité (ou une tradition ?) à certains sites propices pour les haltes ou l’hivernage.

En septembre 2019, elle est vue au Parc pour la première fois où elle passe quelques jours avant de repartir.

Cette année à nouveau, elle est observée au Parc. Nous avons hâte de recevoir son CV actualisé et de voir les voyages qu’elle a faits depuis la dernière fois !

Récemment, nous avons aussi eu le retour d’une autre spatule baguée en Espagne en… 1996 ! En revanche, c’est une grande timide. Elle n’a été observée que 10 fois, dont 8 fois en Espagne (entre février et mars) et une fois en Mauritanie (en décembre), où elle passe probablement l’hiver. Son observation au Parc durant la période de migration indique qu’elle niche plus au nord, sans que nous puissions toutefois être plus précis.

En retraçant ainsi les parcours des oiseaux, on peut en apprendre beaucoup sur leurs déplacements et les dynamiques de populations. On peut aussi identifier les zones propices aux haltes, hivernages et reproductions.

Texte : Quentin Libert / Illustration : Gabriel Le Du

Le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) est un grand rapace diurne et piscivore doté d’un fort contraste entre le dos brun et le ventre blanc, visible chez aucun autre rapace. Sa queue est munie de barres noires, et sa tête blanche possède un masque facial noir qui lui donne des airs de bandit de grands chemins. Son envergure importante va de 127 à 174 cm malgré ses ailes étroites. Ses serres sont très crochues afin de retenir les proies les plus glissantes. 

Avec son régime alimentaire quasi exclusivement constitué de poissons, le balbuzard est inféodé aux grandes zones humides comme les ripisylves des fleuves, lacs et étangs, mais également les côtes rocheuses. Son aire de répartition est très large. Elle couvre presque tous les continents excepté l’Antarctique. Les balbuzards européens rejoignent leurs zones d’hivernage en Afrique subsaharienne, et les nord-américains en Amérique centrale et du sud, tandis que les oiseaux du nord de l’Asie vont hiverner en Asie du Sud-est.

En baie de Somme, les balbuzards sont uniquement de passage. Au printemps, ils vont rejoindre les colonies danoises ou écossaises. Néanmoins, en été et au début de l’automne, on les voit souvent pêcher dans la baie, voire sur le Parc, à la surprise des visiteurs et à la joie des guides qui ne se lassent pas de ce spectacle.

En période de reproduction, ce rapace effectue une parade nuptiale spectaculaire afin de séduire une femelle ou de renforcer les liens d’un couple déjà formé. Le procédé est simple : plusieurs piqués vertigineux en s’élevant jusqu’à 300 mètres de haut avec un poisson dans les serres. Le mâle l’offrira en offrande à la femelle. 

Le nid est construit sur un pylône électrique, une paroi rocheuse ou de grands arbres. Il est rechargé chaque année en branchage. En avril-mai, la femelle pond 3 œufs blanc-crème tachés de brun-roux qui sont couvés pendant une durée de 34 à 40 jours. Les jeunes sont volants à partir de 51 à 54 jours après l’éclosion.

Le balbuzard pêcheur attrape les poissons en surface aussi bien en mer que dans les grands plans d’eau. Il plane assez haut au-dessus de l’eau. Lorsqu’il repère une proie, il se met à voler sur place et fond en piqué jusqu’à s’immerger complètement. En moyenne ses prises pèsent entre 150 et 350 grammes. Néanmoins, il est capable de pêcher des poissons pesant jusqu’à 1 kg et mesurant de 20 à 35 cm.

Texte et illustration : Foucauld Bouriez 

Que d’eau, que d’eau ! Ces vacances de la Toussaint, fort arrosées, régalent les canards rassemblés en nombre dans les marais du Parc et, par la même occasion, les visiteurs venus les admirer : fini (ou presque) le plumage d’éclipse, les mâles arborent à nouveau leurs beaux atours, annonçant une saison hivernale haute en couleurs ! Côté spatules, les groupes se suivent et ne se ressemblent pas : en témoignent les individus bagués qui ne stationnent parfois que quelques jours sur le site, avant d’être remplacés par de nouveaux arrivants. Les limicoles, quant à eux, n’ont pas hésité à quitter un instant les vasières de la baie pour venir se réfugier, le temps de la pleine mer, dans les prairies humides. Envie d’en savoir plus ? Il suffit d’un clic !

Comptage du 28 octobre 2023

L’automne approche, tout comme les canards venant passer l’hiver chez nous. Ils sont de plus en plus nombreux au fil des semaines, et de nouvelles espèces commencent à être revues. Malgré tout, certains ont su sortir du lot. 

Vous connaissez certainement le Canard souchet, reconnaissable notamment avec son large bec. Il est apparenté au groupe dit des canards de surface. Ces derniers cherchent leur nourriture depuis la surface, laissant leur arrière-train ressortir de l’eau. Les canards plongeurs, eux, plongent complètement. D’autres critères permettent de différencier ces deux groupes, mais leur façon de se nourrir reste la plus évidente… Vraiment ? Car on a pu observer des Canards souchets plonger !

Ce comportement rare mais déjà connu est certainement lié à la montée récente des niveaux d’eau de certains plans d’eau du Parc. Comme il leur est plus difficile d’accéder à leur nourriture, ils changent de stratégie.

À noter que le Canard souchet est aussi connu pour une autre technique de nourrissage particulière. Un groupe d’oiseaux peut s’associer et nager en cercle. Cela crée des tourbillons dans l’eau qui fait remonter la nourriture à la surface.

Ce canard à plus d’un tour dans son sac ! 

Texte et vidéo : Quentin Libert / Illustration : Alexander Hiley

Chaque année, entre 3 et 5 couples de Grèbes huppés nichent sur le Parc. Leur productivité reste faible, avec une moyenne de 2,1 jeune par couple ayant des poussins, faute probablement de nourriture suffisante au printemps, constituée en majorité de poissons. Mais cet automne, au vu des nombreuses pêches collectives entre grands échassiers et Grands Cormorans, la nourriture semble abondante aux postes 9 et 10.

Le 20 août, un Grèbe huppé est repéré tout au fond du poste 7 couvant sur un nid flottant. Le 22 août, deux jeunes sont sur le dos des adultes. L’émancipation est relativement longue pour cette espèce – souvent plus de 70 jours. Le 10 octobre, les deux gros poussins sont encore nourris par les parents qui ont été particulièrement efficaces. En effet, à plusieurs reprises lors de l’élevage de la progéniture, nous les avons vu tendre un poisson aux petits qui, trop gavés, ne le prenaient même pas ! On est loin des comportements habituels de jeunes sans cesse en train de réclamer avec force pépiements ! 

Cette couvée tardive est sûrement due à l’échec d’une première ponte. Toutefois, ne serait-ce pas une adaptation de certains couples pour profiter de l’abondance habituelle de poissons en fin de saison ? Au poste 9, également riche en alevins cette année, 3 jeunes sont aussi nés assez tardivement le 19 juillet et sont encore nourris le 22 septembre. Nous verrons au fil des années si ces reproductions tardives deviennent plus fréquentes.

Texte ; Philippe Carruette / Illustration : Jean Bail

Après un début d’automne plutôt… estival, les températures ont fini par chuter ces derniers jours, annonçant le grand rush de la migration chez les passereaux : tarins, grives, alouettes, pinsons, choucas… Les voici qui débarquent ! Sur le Parc, les canards investissent de plus en plus les plans d’eau et les prairies humides, tandis que hérons et aigrettes s’adonnent à de joyeuses parties de pêche collective en compagnie des cormorans. Pas de quoi perturber notre bande de Barges à queue noire, toujours présentes au poste 7. Envie d’en savoir plus ? Consultez le dernier comptage ! 

Comptage du 17 octobre 2023