Les trois Sphinx

Point de légende égyptienne ici, ni d’énigme œdipienne. (On vous rappelle tout de même cet épisode mythologique, au cas où vous tomberiez sur un Sphinx menaçant lors d’un prochain voyage – simple précaution : “Quel animal, pourvu d’une seule voix, a d’abord 4 jambes le matin, puis 2 jambes à midi, et 3 jambes le soir ?” La réponse à la fin de cet article…)

Cessons les devinettes et rentrons dans le vif du sujet : nous avons eu la chance de rencontrer, le mois dernier, trois superbes chenilles de Sphinx, ces papillons de nuit aux ailes triangulaires, remarquables voiliers capables d’effectuer des distances sensationnelles. Cependant l’heure n’était pas à la migration pour ces grosses mémères vagabondant au sol : elles étaient plutôt en quête d’un abri souterrain dans lequel elles pourraient se nymphoser tranquillement. 

Chacune d’entre elles se trouvait non loin de sa plante hôte : le liseron pour Agrius convolvuli, le peuplier pour Laothoe populi, et le pin pour Sphinx pinastri. Un point commun dans la famille ? Cette sorte de petite corne, nommée scolus, sur le 8ème segment de l’abdomen. À quoi sert-elle ? Mystère… On retrouve bien là le caractère insondable de notre poseuse d’énigme !

Toutefois ces papillons ne doivent pas leur nom aux questions qu’ils nous soumettent, mais à la posture qu’adoptent parfois leurs chenilles au repos : se tenant bien droites, l’avant du corps relevé, elles semblent imiter l’attitude solennelle du Sphinx (de Gizeh cette fois-ci). Attention, ne les dérangez pas ! Car alors elles se soulèvent et balancent lourdement la tête en tous sens. Terrifiant !

Voici quelques petits détails à vérifier pour reconnaître ces trois espèces : 

La chenille du Sphinx du liseron est tantôt verte, tantôt brune, voire carrément noire. Son scolus sombre, parfois coloré de jaune orangé à la base, est recourbé vers le bas. Mesurant jusqu’à 110 mm, elle possède également de jolies stries obliques blanches ou foncées sur les côtés de son corps potelé.

La chenille du Sphinx du peuplier est vert clair, jaunâtre à bleutée. Tout son corps est moucheté d’une myriade de petits points blancs granuleux, et on distingue de jolies zébrures obliques pâles. Son scolus vert pomme, jaune citron ou blanc crème est parfois rouge à l’apex. Très trapue, elle ne dépasse pas 65 mm de long.

La chenille du Sphinx du pin, quant à elle, atteint 80 mm au terme de sa croissance. Sa coloration la rend totalement mimétique de son milieu de vie : d’abord verte rayée de bandes blanc jaunâtre, elle acquiert peu à peu une ligne dorsale violacée caractéristique. Autre détail plein de charme : les minuscules ponctuations noires qui ornent ses “pattes” anales, c’est-à-dire l’extrémité de son abdomen.

Alors, grâce à tous ces indices, saurez-vous retrouver l’identité de nos trois Sphinx photographiés ici ? La réponse en cliquant sur les images ! Et voici enfin la solution à l’énigme posée par notre monstre en début d’article : “L’Homme, car au matin de sa vie, le bébé rampe à 4 pattes, à l’âge adulte il est debout sur ses 2 pieds, et vieillard, il s’aide d’un bâton – sa 3ème jambe – pour marcher.” Bravo Œdipe !

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier