Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

Phéno : un diminutif de Phénologie de la migration, un programme de baguage mis en place par le Muséum de Paris (Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux) pour étudier la migration postnuptiale, durant 4 mois – d’août à novembre. Il est opérationnel depuis 2014 au fond des parkings du Parc du Marquenterre. Le milieu très diversifié, en dunes semi-boisées, est particulièrement favorable comme halte pour les passereaux, surtout en automne. Mais c’est d’abord en plein été que nombre d’oiseaux nous quittent : rousserolles, phragmites, locustelles dans les roselières ; fauvettes et pouillots dans les dunes buissonnantes ou forestières. Rouges-gorges, roitelets, merles et grives prendront le relais en septembre octobre. 

Grimpereau des jardins

Le baguage en août concerne surtout les Fauvettes à tête noire, babillardes, grisettes et des jardins. Mais cette année, les premières séances n’ont curieusement donné aucune capture de Fauvette à tête noire. Est-ce dû à une mauvaise reproduction pour cette espèce ? La présence d’un couple d’Éperviers nicheur avec des poussins à à peine 100 mètres de la station de baguage peut aussi expliquer les faibles captures de ce mois. Les premiers Rougegorges migrateurs, quant à eux, sont notés assez tardivement début septembre.

Sittelle torchepot

Outre l’étude de la phénologie de la migration pour chaque espèce, cela permettra aussi de montrer l’importance de certains habitats. Ainsi la zone boisée dunaire qui s’étend de l’entrée du site jusqu’aux parkings est une trame verte indispensable entre les terres agricoles intérieures, le village et le Parc, notamment pour des espèces forestières plutôt sédentaires comme la Sittelle torchepot, la Mésange nonnette et le Grimpereau des jardins, mais aussi pour les migrateurs comme la Mésange noire ou les roitelets, qui peuvent être capturés en grand nombre en début d’automne. Ces derniers, “lourds” de 5 grammes (!) font en effet une “migration rampante” d’arbres en arbres tout en se nourrissant de petits pucerons, mais cela ne les empêche pas de venir de Scandinavie ou de Pologne ! Ils évitent de traverser l’estuaire, et le passage par cette zone forestière est indispensable, voire vitale, pour ensuite contourner la baie de Somme.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Philippe Carruette, Cécile Carbonnier

Pour avoir les chiffres du dernier comptage, c’est ici ! -> Comptage du 12 septembre 2021

Au menu : de beaux rassemblements de limicoles – Courlis cendrés, Huîtriers pies, Bécasseaux variables et maubèches… – poussés par la marée, de nombreuses Spatules blanches venues des Pays-Bas, et une Marouette ponctuée !

Pour consulter les chiffres du dernier comptage, suivez le guide ! 

-> Comptage du 8 septembre 2021

Canards souchets et Sarcelles d’hiver – toujours en plumage d’éclipse – commencent à peupler les plans d’eau des postes 7 et 8, tandis qu’en baie, les Huîtriers pies font leur show !

Voici un petit limicole bien charmant à l’aspect trapu, que vous avez déjà probablement observé le long de notre littoral français. Comme son nom l’indique, il cherche sa nourriture dans la laisse de mer en déplaçant les galets et les algues. Son bec pointu lui permet d’attraper les petits invertébrés marins (crustacés, mollusques…).

De moeurs assez sociables, on peut le trouver aussi avec d’autres espèces telles que les bécasseaux et les gravelots. Appartenant à la famille des Scolopacidés, avec les Charadriidés, ils forment un groupe d’oiseaux nommés les limicoles, petits échassiers qui “habitent la vase”.

Grand migrateur, en période nuptiale – période de reproduction – il part nicher dans les terres arctiques. Son plumage est alors composé d’une multitude de couleurs chatoyantes. Après la nidification, celui-ci redevient beaucoup plus terne. Nous pouvons le retrouver en hiver sur nos côtes européennes, mais certains n’hésitent pas à aller jusqu’en Mauritanie !

Texte et illustrations : Florian Garcia

Comme chaque année, deux couples de Bihoreaux gris ont niché dans la héronnière. Les oiseaux adultes y sont observés pour la première fois le 10 mai. Des transports de matériaux de construction du nid sont vus le 14 mai et le 4 juillet, et un nourrissage le même jour. 

Mais les oiseaux finissent par être de plus en plus discrets. Pluies et coups de vent de juillet nous font craindre un total échec de la reproduction… Et pourtant, le samedi 21 août, lors du premier stage ornitho de l’année, trois jeunes Hérons bihoreaux sont observés en vol toute la journée ! Un juvénile stationne régulièrement au poste 10, ou aux abords du petit plan d’eau près de la mangeoire. Les petites plumes duveteuses sur la tête, lui donnant un certain « style punky », laissent présager un envol tardif, signe probable d’une couvée de remplacement

Grand amateur de batraciens, discret et appréciant les endroits ombragés, ce petit héron crépusculaire aux yeux rouge cerise pour l’adulte se nourrit surtout en soirée et de nuit. Son vol souple au ralenti avec des ailes arrondies fait d’ailleurs penser à celui d’un rapace nocturne.

Le Bihoreau gris reste un héron plutôt méridional, rare en Picardie où il niche quasiment exclusivement sur le littoral et en haute vallée de la Somme. La population française fluctuante est de l’ordre de 3400 couples surtout en vallée de la Garonne, en Camargue, ou dans la plaine du Forez.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean-Paul Cousin, Cécile Carbonnier

Le dernier comptage est disponible ici : Comptage du 25 août 2021

La migration des limicoles se poursuit, avec le stationnement de Chevaliers en tous genres : gambettes, aboyeurs, guignettes, culblancs, et arlequins. À noter, la présence de deux Sternes naines en baie, parmi leurs grandes cousines caugek et pierregarin. La route est encore longue jusqu’en Afrique tropicale, alors bon voyage ! 

Samedi 24 juillet, le premier Balbuzard pêcheur est observé en baie de Somme et survolant le Marquenterre. Ce petit aigle pêche aussi bien en mer que sur les lagunes du Parc. Grâce aux bagues couleurs posées sur les poussins au nid, on sait que les oiseaux observés sur notre littoral peuvent venir du nord de l’Allemagne ou d’Angleterre, où des individus ont été réintroduits depuis les populations écossaises. 

Ce passage migratoire peut commencer dès mi-juillet (15 juillet en 2005, 25 juillet 2015, 12 juillet en 2016) avec des oiseaux immatures, ou des adultes ayant échoué dans leur nidification ou non reproducteurs. Aux mois d’août et de septembre, on peut assister, certaines années, à de spectaculaires scènes de pêche – jusqu’à 4 oiseaux juvéniles ensemble en septembre 2016 – au poste 1, avec la capture de Mulets. Leur présence va se poursuivre jusqu’à début octobre avec d’exceptionnelles observations hivernales (une le 17 décembre 2012). 

L’augmentation des durées de stationnement de juvéniles pourrait un jour amener à une future nidification de cette espèce en extension en France continentale, qui niche au plus proche dans l’Essonne. Néanmoins, les observations et surtout les stationnements prolongés de printemps restent encore peu fréquents.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Eugénie Liberelle

Les dernières marées hautes de fin juillet nous ont apporté de nombreux Huîtriers pie. Le reposoir s’est déplacé temporairement sur les nouveaux îlots du poste 2, celui du poste 4 étant encore submergé du fait des précipitations estivales exceptionnelles : 118 mm de pluie en juin, et 102 mm en juillet ! Si, globalement, la pluviométrie annuelle reste à peu près la même, la répartition des précipitations sur l’année est, quant à elle, totalement bouleversée.

La plupart de ces Huîtrier pie sont des juvéniles au bec et aux pattes sombres, et aux yeux marron, non pas rouges comme ceux des adultes.

Si on les observe en détail, on remarque aussitôt des individus porteurs de bagues colorées. Outre l’anneau en métal du centre de baguage, certains ont des bagues orange, bleues, blanches, vertes… parfois accompagnées de chiffres ou de lettres bien visibles à la longue vue. Un patchwork de couleurs du plus bel effet, mais surtout, bien entendu, un outil scientifique efficace et précis pour suivre sur plusieurs années leurs mouvements à distance, sans avoir à les capturer de nouveau. 

La plupart des oiseaux ont été bagués poussins aux Pays-Bas, mais aussi en Flandre belge (région de Gand) ou en Angleterre (Hampshire) où l’espèce est abondante, mais subit ces dernières années une forte baisse due en particulier à la raréfaction des ressources alimentaires des vasières.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Pierre Aghetti