Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

Depuis l’envol de la héronnière du premier “spatulon” le 8 juin – plus de deux semaines plus tard que les autres années ! – adultes et ados de Spatules blanches ont pris l’habitude de se poser sur le petit parcours, visible dès l’arrivée au point de vue ! Ils sont alors à une trentaine de mètres du chemin des visiteurs. Groupes scolaires, de la maternelle aux universitaires, individuels, photographes… peuvent les admirer sans être “encagés” dans un poste d’observation. 

Par grand vent, ces derniers jours, ils sont parfois plus de 140 en pleine après-midi sur cet îlot aux hautes herbes protectrices (avec pour l’instant un maximum de 77 juvéniles). Profitons de cette proximité unique en France, grâce au respect des chemins parfaitement praticables (merci Francis et Cédric !) et aux lisses en bois qui sont autant de barrières visuelles sécurisantes parfaitement mémorisées par les oiseaux. 

Ne sombrons surtout pas dans la banalité d’expressions que j’entends parfois hélas : “Oui, des spatules on en voit tous les jours au Marquenterre”. Moins de 2000 couples nichent en France, et la colonie nicheuse du Parc est encore la seule visible du public, puisque les grandes colonies de Loire Atlantique et de Camargue ne sont pas équipées pour l’observation publique ; on dénombre en tout et pour tout 20.000 couples en Europe. Cela reste une espèce peu abondante et indicatrice des grandes zones humides européennes (Delta du Danube ou du Guadalquivir, Mer des Wadden…). 

La proximité permet aussi de remarquables observations éthologiques, notamment quand les “grands benêts” de juvéniles quémandent de la nourriture aux parents. On en profite également pour lire les bagues couleur… Lors de la première soirée estivale mercredi 5 juillet, nous sommes restés plus de deux heures sur les quelques centaines de mètres du début du parcours. Botanique, insectes, poussins, hirondelles et martinets luttant avec le vent… et bien sûr spatules, tout était émerveillement pour le groupe dans une belle harmonie d’être ensemble, sans aucune perturbation pour l’un et l’autre. Mais pas de hasard tout de même : 50 ans de travail, de bienveillance, et d’hommes et de femmes sur le terrain tous les jours pour en arriver là ! 

Allez un dernier petit “conseil” – pardon… oui je vais radoter une fois de plus, mais c’est cela aussi la pédagogie ! Visiteurs habitués ou promeneurs d’un jour, pas besoin de se presser, de marcher vite : l’oiseau le voit, vous observe… et décolle pour s’éloigner, pensant que cette précipitation le concerne négativement. Et tout n’est pas dû, loin de là, à des réactions instinctives ou de l’inné…

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley

L’été s’installe peu à peu sur le Parc du Marquenterre. C’est l’heure de prendre son envol ! Spatulons et cigogneaux osent le grand saut dans le vide et quittent leur héronnière natale pour se rassembler dans les plans d’eau et les prairies du Parc, où ils doivent désormais apprendre à trouver leur nourriture. Plusieurs oiseaux couvent encore leurs œufs, comme les Grèbes huppés et à cou noir, tandis que des poussins d’Echasses blanches et d’Huîtriers pies pointent le bout de leur bec. Déjà, quelques limicoles comme les Combattants variés redescendent de la toundra où ils ont niché… Difficile de repérer les canards en mue, cachés dans la végétation des marais ! Mais ouvrez l’œil, on ne sait jamais… et n’hésitez pas à consulter le dernier comptage, c’est juste ici : Comptage du 5 juillet 2023 

Juillet marque le début de l’émancipation des juvéniles – les ados ! – pour nombre d’espèces d’oiseaux. 

Les jeunes Cigognes blanches, après avoir musclé leurs ailes en faisant des séances de trampoline sur leur nid, commencent à prendre leur envol (le premier à la héronnière le 4 juillet). Ils reviennent chaque soir sur le nid ; et puis un matin de mi-juillet plus personne ! En “bande de jeunes” ou seuls, ils prennent le départ pour la migration en direction de l’Espagne ou de l’Afrique de l’ouest, profitant des courants d’air chaud de l’été pour pratiquer le vol plané. Les cigognes sont en effet très peu musclées, le vol battu les fatigue très vite. Les parents partiront en août ou septembre après avoir mué des plumes – avoir des « pneus » neufs est quand même plus prudent pour un si long voyage !

Les juvéniles de Spatules blanches – vous pouvez inventer le mot spatulon ! – ont plus de chance, ils vont en majorité voyager avec leurs parents en grands groupes solidaires. Véritables Tanguy à l’air benêt, ils continuent inlassablement à harceler leurs parents pour avoir la becquée et cela souvent tout au long des haltes migratoires, voire sur les lieux d’hivernage ! 

Quant aux jeunes Tadornes de Belon, ils bénéficient de la sécurité du regroupement en crèche sous la surveillance de quelques adultes, les autres parents remontant en vol en formation en Allemagne pour muer en Mer des Wadden et nous revenir tout neufs en baie de Somme en septembre-octobre. 

Chez les deuxièmes couvées de Canard colvert, ou pour les nichées de canards plongeurs (Fuligules milouins et morillons) la femelle est seule pour s’occuper d’une famille souvent nombreuse et très dynamique.

Mais que nos jeunes locaux ne se plaignent pas. Au nord de l’Europe, dans la toundra de Scandinavie ou de Russie, les parents de petits échassiers comme les bécasseaux, chevaliers, pluviers… laissent seuls leurs poussins encore non volants pour partir, déjà, vers le sud de l’Europe et l’Afrique. On voit arriver les premiers juvéniles de Chevaliers gambettes – pas toujours faciles à déterminer ! Les jours commencent à diminuer, la reproduction est terminée… Une nouvelle saison de migration est déjà en train de se vivre et de se raconter !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Gaëlle Micheli, Pierre Aghetti

Le voici le voilà : le premier comptage de l’été ! 

Comptage du 21 juin 2023

En ce jour le plus long, les oiseaux ont débarqué sur le Parc du Marquenterre : Hérons garde-bœufs et Vanneaux huppés dans les prairies humides, Cigognes et Spatules blanches à la héronnière, Canards souchets et colverts en mue dans les plans d’eau, Avocettes élégantes et Mouettes rieuses sur les bancs de sable… Si la plupart des jeunes se musclent assidûment pour prendre leur premier envol, certains poussins pointent à peine le bout de leur bec, comme chez les Grèbes à cou noir et les Echasses blanches. Les petits Huîtriers pies, quant à eux, ne semblent pas pressés de sortir de leur coquille, puisque les parents couvent toujours les œufs ! 

Depuis quelques jours, nous guettions sa naissance, et voilà que le premier poussin de Grèbe à cou noir a décidé de pointer le bout de son bec le 17 juin dans l’après-midi, suivi par deux autres petits les jours suivants ! Vous pouvez voir sa naissance juste ici :

https://www.youtube.com/shorts/NfuZ51IlvQY

https://www.youtube.com/shorts/YIVqYB-wRHo

Depuis quelques semaines, le couple avait décidé de s’établir juste devant le poste 9, en compagnie de deux autres couples de la même espèce.

Le grèbe à cou noir est un oiseau qui construit un nid flottant constitué d’algues et de débris végétaux mais bien amarré, bien accroché, à la végétation aquatique pour éviter qu’il ne dérive. Même une fois que les œufs sont pondus, le couple continue d’apporter des matériaux pour consolider le nid afin d’éviter que la couvée ne se retrouve sous l’eau.

On observe souvent cette espèce nicher à côté, ou parmi, les colonies de Mouettes rieuses qui lui assureront une certaine sécurité face aux prédateurs et permettront donc d’augmenter les chances de reproduction. La femelle pond, en général, 2 à 4 œufs. La couvaison sera ensuite assurée par les deux partenaires pendant 3 semaines environ. Les petits sont semi-nidifuges, c’est-à-dire qu’ils quittent le nid juste après leur éclosion. Mais chez les grèbes, les parents les portent sur le dos pendant une à deux à semaines après leur naissance, en leur apportant petits poissons et insectes aquatiques à manger.

Texte : Laurène Michaud / Illustrations : Alexander Hiley, Foucauld Bouriez / Vidéos : Laëtitia Bordier

Qu’il fait chaud sur le Parc du Marquenterre en cette fin de printemps ! Les jeunes grandissent vite, et certains ont déjà pris leur envol. Les premiers spatulons ont quitté la héronnière, mais quémandent toujours de la nourriture au sol à leurs parents si patients… Ils devraient peut-être prendre exemple sur les poussins d’Avocettes élégantes, si débrouillards quand il s’agit de chercher à manger ! Certains nicheurs tardifs sont encore en phase de couvaison : c’est le cas des Grèbes castagneux et de leurs cousins à cou noir, ainsi que des couples d’Huîtriers pie et de Petits Gravelots, chez qui les naissances ne devraient plus tarder. Les canards, quant à eux, ont commencé leur mue : ils se font bien discrets et se dérobent à notre regard, cachés dans les hautes herbes, le temps de changer d’habit…

Pour en savoir plus, voici le dernier comptage : Comptage du 17 juin 2023

Nous vous parlions il y a quelques jours de Y-TTA9, une Mouette rieuse polonaise venue faire escale sur le Marquenterre. Continuons de voyager en suivant cette fois les Mouettes mélanocéphales !

Les premières jeunes mouettes commencent à prendre leur envol sur les deux colonies du Parc. C’est aussi le cas dans toute l’Europe, et la dispersion des adultes et immatures débute avec la visite de tous les pays d’Europe – les voyages forment la jeunesse ! Avec la baisse des niveaux d’eau, les bancs de sable apparaissent, et nous permettent à nouveau de lire les bagues couleur, point de repère migratoire invisible dans la végétation haute des îlots de nidification. Ainsi nous pouvons nous rendre compte du côté international de nos “banales” mouettes.

  • H4NU : Mouette mélanocéphale porteuse d’une bague rouge, baguée poussin le 12 juin 2021 à Hadju-Bihar en Hongrie, et observée au Parc le 9 avril 2023 ; 
  • HOY5 : Mouette mélanocéphale porteuse d’une bague rouge, baguée à Bugyi également en Hongrie, et notée au Parc le 17 avril 2023 ;
  • A3LC : Mouette mélanocéphale porteuse d’une bague jaune, baguée poussin sur les gravières de Rehbach près de Leipzig en Saxe dans l’est de l’Allemagne le 13 juin 2022, et observée au Parc le 13 juin 2023 (on lui a souhaité bon anniversaire !) ;
  • AKNE : Mouette mélanocéphale porteuse d’une bague jaune, baguée femelle adulte plus de 3 ans le 19 mai 2021 à Steinkirchen près de Niedersachsen en Allemagne, et observée au Parc le 11 et 13 juin 2023 ; le 31 août et 14 novembre elle était à Cork en Irlande et le 21 novembre 2022 à Pentrez dans le Finistère

Sans oublier les oiseaux bagués en Belgique, au Polder Sébastopol sur l’île de Noirmoutier, sur la réserve de Oye Plage dans le Pas-de-Calais…

Alors une mouette certes, mais qui a vu bien du pays… et mérite d’être regardée avec attention et admiration !

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Bien qu’elles soient visibles toute l’année chez nous, les Mouettes rieuses migrent. Ce sont surtout les populations nichant dans l’est et le nord de l’Europe qui vont le plus bouger. Ces régions deviennent inhospitalières en hiver et obligent les oiseaux à partir pour trouver de la nourriture. Elles partent alors vers l’Europe de l’Ouest ou l’Afrique du Nord, où le climat océanique voire méditerranéen leur permet de trouver de la nourriture même en hiver.

Ces mouvements de populations sont connus essentiellement grâce au baguage. De nos jours, les Mouettes rieuses sont nettement moins baguées qu’avant. Les scientifiques estiment désormais bien connaître cette espèce et concentrent leurs efforts sur d’autres espèces (comme la Mouette mélanocéphale, par exemple). Néanmoins, quelques pays européens continuent de les baguer. Ainsi, une Mouette rieuse baguée a pu être observée le 4 juin 2023 au poste 3. Mieux, la bague jaune a pu être lue, ce qui n’est pas si facile depuis ce poste : il y était inscrit TTA9 (on note alors Y-TTA9, Y pour « yellow »).

Puis l’information a été transmise au bagueur. Il peut être retrouvé grâce à la couleur de la bague et au type de code utilisé (nombre des symboles, lettres et/ou chiffres par exemple). Le bagueur nous a alors renvoyé le C.V. de la mouette en question, c’est-à-dire les informations relatives à son baguage et aux observations faites depuis. On a ainsi pu apprendre que cet oiseau a été bagué poussin le 20 juin 2022 en… Pologne ! Il s’agit de la première observation de l’oiseau depuis qu’il a été bagué. Il est donc difficile d’établir un tracé précis de son parcours durant l’année passée. La donnée reste toutefois très intéressante.

Il faudra plusieurs années pour qu’une Mouette rieuse soit mature sexuellement. Durant son “adolescence”, elle va beaucoup vagabonder, entre lieu d’hivernage et possible future zone de reproduction. Elle va inspecter plusieurs colonies jusqu’à trouver celle qui lui conviendra. Cela explique sûrement la venue de cette mouette polonaise sur le Parc.

Texte : Quentin Libert / Illustration : Philippe Carruette