Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

Que ce soit au point de vue ou au-dessus des grandes prairies des parcours, en septembre nous avons quotidiennement pu observer des rapaces en migration ou en chasse

Le plus fréquent est sans nul doute le Busard des roseaux. Ses couleurs sont diversifiées : les juvéniles ont un plumage sombre tout neuf, sans trace de mue ; les femelles adultes sont plus claires aux épaules. Tous les deux ont normalement le dessus de la tête crème, « casquette claire » qui est bien visible de loin. Les mâles, bicolores, sont quant à eux bien moins fréquents. Le vol en V souvent pratiqué au ras du sol, ailes bien relevées, est caractéristique. Si quelques individus passent l’hiver sur le site depuis 1995, nombre d’oiseaux vont hiverner dans le bassin méditerranéen et en Afrique de l’Ouest, dans le delta intérieur du fleuve Niger. 

Posées sur un piquet de clôture, ou en vol au-dessus des massifs forestiers, les Buses variables ont profité des belles journées chaudes pour « jouer les cerfs-volants ». Si nos couples nicheurs sont sédentaires, plus on va vers le nord de leur aire de répartition plus les oiseaux sont migrateurs, notamment les juvéniles. 

Pas le temps de s’arrêter pour les Bondrées apivores qui filent plein sud de leur « vol flotté » qui ne semble pas très dynamique. Et pourtant elles mettent le cap vers l’Afrique de l’Ouest et centrale où elles retrouveront leur nourriture principale : les insectes

Chaque jour les Balbuzards ont pêché aux postes 1 ou 9 avec plus ou moins de succès… allant même tenter de pêcher sur le petit parcours sans que cela n’affole le moins du monde foulques et colverts ! D’autres individus n’ont fait que passer, en route eux aussi pour le Niger, le Sénégal ou le Mali depuis l’Allemagne ou l’Ecosse. 

Faucons hobereaux et Éperviers n’ont pas à choisir entre chasse de libellules ou d’hirondelles et migration, puisqu’ils se déplacent en même temps que leur repas ailé ! L’invention du ravitaillement en vol !

Ce qui est aussi plaisant, c’est de penser que bien des collègues de toute nationalité (dont des anciens guides !) vont aussi « porter leurs yeux » sur ces oiseaux en Baie de l’Aiguillon (Vendée), à Orgambideska dans les Pyrénées, au détroit de Gibraltar, dans l’Atlas marocain ou le long du fleuve Sénégal… dans un même regard de passion sans frontières.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail, Maëlle Hello

Que se passe-t-il en ce début du mois d’octobre dans le Parc du Marquenterre ? La réponse en un clic ! 

Comptage du 3 octobre 2023

Les saisons filent, comme les dernières Hirondelles rustiques en chemin vers leurs quartiers d’hiver africains. Lentement mais sûrement, les prairies et plans d’eau changent d’habitants : les canards nordiques remplacent peur à peu les limicoles transsahariens, même si la météo estivale joue les prolongations… 

Dans le royaume des oiseaux, il existe un véritable pilote de chasse à plumes : le Faucon pèlerin (Falco peregrinus). Lors de ses descentes en piqué qui peuvent faire pâlir les aviateurs les plus téméraires, ce rapace peut atteindre des vitesses supérieures à 300 km/h ! Ses yeux dignes d’une caméra haute résolution lui permettent de repérer sa proie à des kilomètres de distance, qui ignore alors son destin imminent.

Un jeune individu, reconnaissable par son plumage brunâtre et son poitrail fortement marqué (semblable à des tâches de rousseurs), nous a agréablement surpris à s’installer à proximité du poste 7, dans le but évident de nous démontrer les subtilités de son rituel d’hygiène aviaire.

Ce toilettage au bord de l’eau nous rappelle que même le plus féroce des prédateurs a ses moments de tranquillité et de soin personnel. Des plumes bien entretenues ne sont pas seulement une affaire de superflu, mais aussi une nécessité pour maintenir les performances de vol au plus haut niveau. Ainsi, le Faucon pèlerin nous enseigne que l’élégance et l’efficacité peuvent se rejoindre, même au milieu d’un monde sauvage et dynamique.

Texte et illustration : Estelle Porrès

Une fois encore, les grandes marées d’équinoxe nous ont offert un spectacle époustouflant, tant dans la partie maritime de la Réserve naturelle que sur les bancs de sable et prairies humides du Parc du Marquenterre. Des milliers de limicoles, acculés par le flot, sont venus se réfugier à quelques mètres des postes d’observation, pour le plus grand bonheur des visiteurs. Une dernière halte avant de rejoindre les terres africaines où ils passeront l’hiver… Les canards, de plus en plus nombreux sur les plans d’eau, nous rappellent que l’automne est là, bien que la météo chaude et ensoleillée nous perde un peu dans les saisons ! Pas de quoi perturber cormorans, aigrettes et spatules qui nous régalent de leurs pêches collectives. Envie d’en savoir plus ? Consultez le dernier comptage ! 

Comptage du 29 septembre 2023

Samedi 16 septembre, un faucon est signalé sur la prairie centrale du Parc par Quentin Libert, guide naturaliste. De la taille d’un crécerelle aux ailes plus longues, son vol est particulièrement fougueux, alternant piqués fulgurants et vol stationnaire en surplace, ne laissant pas penser à un Faucon hobereau bien présent à cette période. Il capture des libellules, nombreuses en migration à cette époque. Posé, on remarque tout de suite ces taches noires aux yeux, sans moustaches. 

C’est un Faucon kobez, probablement un jeune mâle. Cette espèce niche en colonie dans les steppes d’Europe de l’Est (Roumanie, Hongrie, et surtout Ukraine et Russie). Il a la particularité de faire une grande migration en boucle, hivernant en Afrique australe (Namibie) en passant à l’automne par le Bosphore et la péninsule arabique (9000 km de trajet !) et remontant par l’Afrique de l’Ouest, en gagnant la Libye, l’Italie, la Grèce ou l’Espagne pour son retour printanier tardif. 

La France est aussi fréquentée dans sa moitié est par quelques dizaines à centaines d’oiseaux au printemps, avec un afflux remarquable en 2008 (plus de 4000 individus). Cinq observations ont eu lieu sur le Parc en 50 ans au printemps ; la dernière étant le 2 juin 2009. On compte également cinq observations à l’automne, la dernière remontant au 7 septembre 2013.

Le Faucon kobez est une espèce rare au niveau européen avec 30 à 60 000 couples dont la grande majorité en Russie.

Merci à Patrick Jollain et son épouse pour l’envoi de ces photos, et à l’équipe de Swarovski optique qui exposait son matériel ce jour au point de vue (tout était bien organisé… merci Nathanaël !) nous permettant de voir parfaitement cet oiseau rare et de le partager avec le public !

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Patrick Jollain

En cette période d’après-reproduction, un phénomène particulier s’observe assez fréquemment. Alors que quelques Grands Cormorans commencent à pêcher, ils sont très vite rejoints par plusieurs Grandes Aigrettes, Aigrettes garzettes et parfois un Héron cendré. On assiste alors à une pêche collective

En essayant d’attraper les poissons, les cormorans les effraient. Les poissons se réfugient à un endroit où ceux-ci auront plus de mal à les attraper : près des berges. Cela fait la joie des ardéidés qui profitent de cette abondance de proies rassemblées près d’eux pour les attraper plus facilement. Les bancs de poissons se retrouvent alors piégés entre le groupe de cormorans dans l’eau et la ligne d’aigrette sur les berges.

Ce phénomène se produit souvent au niveau des postes 3 et 9, où les berges sont proches et forment un entonnoir dans lequel les poissons se retrouvent vite coincés. La proximité des rives arrange bien les aigrettes qui disposent de place pour se poser.

La période est aussi particulière, ce comportement n’est pas ou très peu observé le reste de l‘année. Cela doit certainement être lié au cycle de vie des espèces de poissons présents dans l’eau. Les cormorans (qui initient la pêche collective) doivent en effet trouver des proies de taille convenable. 

Texte : Quentin Libert / Illustration : Alexander Hiley

Que de changements en cette fin d’été sur le Parc du Marquenterre ! Les couleurs, la météo, les odeurs… Tout annonce l’arrivée prochaine de l’automne et de sa cohorte de grands voyageurs. Les canards sont de plus en plus nombreux sur les plans d’eau : Sarcelles d’hiver, souchets et pilets… Un peu de patience encore, bientôt leur plumage d’éclipse laissera place à de beaux costumes chamarrés. Les limicoles sont à la fête. Barges, combattants, bécasseaux et chevaliers investissent les bancs de sable émergés pour se reposer, ou bien glaner prestement leur pitance. Des groupes de Spatules blanches en provenance des Pays-Bas ou du Danemark se succèdent quotidiennement, et chaque jour nous relevons de nouvelles bagues colorées. Enfin, un Faucon kobez a même eu la gentillesse de venir nous tenir compagnie ! Cette saison si dynamique est tout simplement magique, alors profitons-en ! En guise de mise en bouche, venez donc picorer le dernier comptage…

Comptage du 16 septembre 2023

Le Combattant varié, ou anciennement appelé Chevalier combattant, est de retour sur le Parc du Marquenterre. Quelques individus viennent faire des pauses sur nos côtes lors de leur migration. En ce moment, ils passent de leur aire de nidification (les pays nordiques comme la Finlande où la photo a été prise) à leur aire d’hivernage (les marais africains).

Durant l’hiver, le mâle et la femelle ont des plumages non distinctifs, mais en période nuptiale le mâle arbore ses plus belles plumes, formant une jolie collerette de couleurs différentes (rousses, blanches ou noires) qui joue un “rôle” lors de la séduction et la reproduction…

Celle-ci se passe en plusieurs temps. Les mâles, les premiers arrivés sur l’aire de nidification, se placent dans des “arènes” (leks en anglais) constituées d’un monticule de sable en hauteur, et attendent patiemment que les femelles arrivent.

Ils sont placés suivant leur rôle : les mâles arborant une collerette blanche sont les “satellites”, ils sont génétiquement pacifiques et se placent donc en périphérie de l’arène. Les mâles ayant des collerettes plus voyantes et colorées sont quant à eux les “résidents” ou “indépendants”, ils sont très territoriaux et se battent facilement pour acquérir une arène et se mettre en plein centre.

Les satellites ont un rôle d’attraction des femelles, car celles-ci ont une affection pour leurs couleurs ; donc plus un résident accepte d’avoir de satellites sur son arène, plus il a de chance qu’une femelle vienne s’y poser.

Quand une “combattante” arrive enfin, après parfois plusieurs heures d’attente, un satellite va alors se soumettre au résident et ils commencent une parade où l’indépendant montre en dansant sa dominance et sa beauté à la femelle.

Celle-ci étudie alors tout le petit monde sur l’arène et accepte ou non de s’accoupler. On pourrait croire que les satellites ne se reproduisent jamais, puisqu’ils ne sont là que pour aider. Mais ils sont malins : si le résident détourne une micro seconde son attention, le satellite va alors se faufiler et se reproduire avec la femelle en quelques secondes !

Si l’accouplement a fonctionné, la femelle fait un petit dandinement du postérieur ; et commence alors à construire un nid assez simple constitué de roseaux et brindilles dans les marais. Elle s’occupera seule de la couvaison et l’élevage des jeunes jusqu’à l’envol.

Texte et illustration : Raphaële Thilliez