L’émergence des libellules

Il n’aura échappé à personne que, depuis quelques semaines, les températures estivales se sont généralisées en France, et en Picardie nous avons enfin laissé les bonnets et écharpes au placard pour passer directement aux shorts !

Avec l’augmentation des températures, nous avons pu observer au Parc du Marquenterre l’émergence d’une multitude de libellules plus belles les unes que les autres : l’Anax empereur (Anax imperator), l’Aeschne bleue (Aeshna cyanea), la Libellule déprimée (Libellula depressa), le Sympétrum fascié (Sympetrum striolatum)… Aussi, de nombreuses exuvies découvertes sur les pontons aux abords des étangs et marais du Parc permettent de compléter nos informations concernant l’abondance et la diversité des espèces présentes. 

Mais qu’est-ce donc qu’une exuvie ?

Revenons un peu en arrière et voyons comment s’effectue la reproduction de ces insectes.

Au printemps, le mâle de libellule défend son territoire au-dessus des étendues d’eau. À l’approche d’une femelle, il va d’abord la saisir avec ses pattes puis s’accrocher au niveau de la tête de cette dernière à l’aide de ses appendices anaux, sortes de pinces situées à l’extrémité de son corps. Si la femelle accepte la copulation, elle courbe son abdomen sous celui du mâle pour rapprocher leurs pièces copulatrices. Ils forment alors un magnifique cœur, appelé cœur copulatoire !

L’accouplement est très rapide si le mâle ne fait que transférer son sperme dans la spermathèque de la femelle (cavité de stockage du sperme). Mais il peut aussi durer plusieurs heures si le mâle a pris la place d’un autre et doit nettoyer cette cavité pour éliminer la semence de son concurrent et la remplacer par la sienne !

La femelle procède ensuite souvent seule à la ponte, mais elle peut parfois s’effectuer en tandem selon les espèces ; c’est le cas par exemple du Sympétrum rouge sang (Sympetrum sanguineum). La femelle dépose ses œufs en vol en trempant son abdomen à la surface de l’eau. La fécondation s’effectue seulement à ce moment-là ! On parle de fertilisation retardée.

Le délai d’éclosion des œufs est de l’ordre de quelques jours à plusieurs mois pour les espèces qui entrent en dormance. Va alors sortir de cet œuf une larve vivant dans l’eau, avec un aspect très différent de celui de la libellule. On dit que la libellule est amphibiotique : la larve a une vie aquatique alors que l’adulte a une vie terrestre.

La durée de développement de la larve dépend de l’espèce et, surtout, de la température et de la richesse en nutriments du milieu aquatique dans lequel elle vit : elle peut aller de 3 mois  à 4 ans ! Pour aboutir au dernier stade larvaire, où la larve est capable de quitter le milieu aquatique pour se changer en libellule, elle aura mué entre 8 et 18 fois ! 

Cette larve aquatique se rapproche alors des berges, puis sort de l’eau pour trouver un perchoir, souvent un support vertical (tiges, pontons,…), où elle se transforme tranquillement. En quelques heures seulement, une magnifique libellule va émerger, étendre progressivement son corps et s’envoler… Il restera alors sur ces supports l’enveloppe larvaire, que l’on appelle exuvie !

Texte : Caroline Boulant / Illustrations : Alexander Hiley, Cécile Carbonnier