Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

Cet été, nous avons été témoins d’un événement plutôt positif. Comme chaque année, quelques couples d’Huîtriers pies ont niché sur le Parc. On a pu voir des individus couver aux postes 1, 3 et 6, notamment. Néanmoins, comme chaque année, la reproduction à été difficile. La prédation est forte sur les poussins, quelles que soient les espèces. Ils ont donc du mal à survivre.

Mais cette saison, le couple d’Huitriers du poste 1 a été surprenant. Depuis février, on a pu l’observer sur les îlots, gardant son territoire. L’arrivée de la colonie de Mouettes rieuses et mélanocéphales nous a fait perdre espoir de les voir se reproduire. En effet, ces dernières prennent beaucoup de place sur les îlots et le risque de prédation devient très élevé. Mais les huîtriers ont été longs à s’installer, véritablement ! Ils ont en fait attendu que la colonie commence à se disperser pour pondre et couver. Ils ont débuté aux alentours du 20 juin. L’attente a été longue, très longue… À tel point qu’on s’est même demandé s’ils ne couvaient pas des cailloux ! Finalement, presque un mois plus tard, le 16 juillet, un petit poussin est observé ! Chaque jour, les guides ont eu la joie de le revoir, toujours présent, toujours vivant. Les parents le nourrissent souvent, déterrant des vers et les posant devant le jeune.

Il a vite grandi et pris un plumage proche des adultes. Seul le bout du bec noir permettait de le reconnaître aisément.  Au bout de presque 1 mois, on a commencé à le voir faire de petits vols planés. Puis, finalement, le 14 août il est officiellement volant. Pendant quelques jours, les trois individus sont restés au poste 1, dans la grande prairie.

Le 21 août, les parents et le jeune partent en baie ensemble. Un adulte avec le jeune sont  revus le 23, mais plus rien depuis… Le jeune étant assez grand pour aller en baie où la nourriture est plus abondante, ils y resteront tant que possible. Les parents continueront à nourrir le jeune pendant encore quelques semaines. Il apprendra entre autres choses à ouvrir les coquillages avec son bec, technique fétiche des Huitriers qui demande beaucoup d’entraînement.

Pour le Parc, c’est une première depuis plus de 10 ans. Pour de nombreuses raisons (prédation, montée des eaux soudaine, abandons, dérangements, couples vieillissants etc.), aucun jeune d’Huitrier n’était arrivé à l’envol depuis de nombreuses années. Plus encore, un second jeune Huitrier grandit actuellement au poste 6, né le 12 août avec deux autres poussins qui n’ont pas survécu. Reste à voir jusqu’où il ira…

Texte : Quentin Libert / Illustration : Nathanaël Herrmann

Samedi 20 août, un juvénile de Chevalier stagnatile est observé au poste 2 lors du stage ornithologique sur la découverte des limicoles (les organisateurs font bien les choses !). Ce bel échassier est un grand migrateur, nicheur dans les marais et la taïga du centre de l’Eurasie, de l’est de la Biélorussie au lac Baïkal. Il passe annuellement en France en petit nombre – 85 observations en moyenne par an -, de mi-mars à début mai (avec un pic en avril) et de fin juin à septembre (avec un maximum en août), surtout en Méditerranée. Il s’agit le plus souvent d’individus isolés. En effet, la majorité des oiseaux migrent par l’est de l’Europe (Bosphore, Eilat, Sinaï…)  pour  hiverner en Afrique de l’Est et dans le sud du Moyen-Orient. 

C’est un chevalier tout en élégance, facile à reconnaître, avec son allure élancée d’Échasse juvénile – comme pour elle, ses tibias sont démesurés -, un long bec fin en forme d’aiguille, et un port de tête porté vers le bas. La manière de se nourrir fait penser à celle du Chevalier arlequin, très métronome. Sa taille est intermédiaire entre celle du Chevalier culblanc et du gambette. Son cri ressemble au son flûté du Chevalier aboyeur. Moralité : il possède un peu des caractéristiques de tous les autres chevaliers pour être lui-même ! 

Sur le Parc, il n’a pas été observé de 1973 à 1984. De 1985 à 1992, il a été aperçu à 5 reprises entre les deux passages migratoires : 1 le 23 avril 1992, 1 les 11 et 12 mai 1985, 1 début mai 1986, 1 le 29 juillet 1989, 1 du 5 au 18 août 1992. De 1994 à 2021, les observations s’intensifient (extension de la population nicheuse vers l’ouest en Finlande et en Pologne) mais restent très irrégulières : 1 du 27 juin au 12 septembre 1990,  1 du 8 au 28 juillet 1994, 1 le 15 août et 2 le 16 août 1994, 1 immature du 27 juin au 14 août 1995, 1 le 19 mai 1996, 1 les 26 et 28 juin 1997, 1 le 6 juillet 1997, 1 le 9 août 1997, 1 du 31 août au 2 septembre 2009, 1 le 12 septembre 1994. Les  migrateurs de printemps sont à l’inverse maintenant devenus plus rares : 1 du 23 mars 2003 au 20 avril 2003, 1 le 4 avril 2015, 1 le 12 mai 2021.

Hélas notre beau limicole n’a pas stagné : le lendemain il n’était plus là, mais de nombreuses personnes ont pu quand même en profiter. Dernier détail : stagnatile vient du latin stagnatilis qui signifie “étang d’eau non courante”. 

Merci à Delphine Potoski, avec qui nous avons eu le plaisir de partager cette belle observation, pour ces deux photos de notre star d’un jour !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Delphine Potoski

« Siiii » ! Petit cri annonciateur de l’éclair qui va suivre. On lève la tête, sur le qui-vive, à la recherche de l’origine de ce son. Une flèche bleue et orange passe alors, et en une fraction de seconde la voilà déjà disparue. L’observation n’a duré qu’un bref instant mais, malgré tout, nous emplit de joie. Nombreux sont ceux espérant le voir au détour d’un cours d’eau, et même les plus novices connaissent son nom : le Martin-pêcheur.

Depuis quelques semaines, sa présence s’intensifie sur le Parc. Ils l’ont déserté au printemps, à la recherche de berges hautes où ils pourraient creuser leurs terriers. Mais maintenant que les jeunes de la dernière couvée sont indépendants, ils se dispersent et nous font l’honneur de leur présence. Le Martin-pêcheur est visible un peu partout sur le Parc, mais certains secteurs sont plus propices. La clôture du poste 1, située sur l’eau, est un perchoir apprécié. Les arbres des postes 9 et 10 semblent aussi attrayants. Il est cependant observé en vol un peu partout, même au poste 13 !

Mais alors, pourquoi s’appelle-t-il Martin ?

De nombreuses hypothèses existent, aucune n’étant complètement satisfaisante.

Néanmoins, nous pouvons noter qu’il était autrefois appelé « Martinet-pêcheur ». Une analogie entre deux espèces qui peut s’expliquer par leur déplacement plutôt rapide et une silhouette en vol assez arquée (bien que le martinet le soit nettement plus). D’ailleurs, dans certaines régions on appelle le Martin-pêcheur « Martinet » et le Martinet « Martin ». L’évolution de Martinet à Martin est plutôt floue.

Une autre hypothèse est liée à Saint-Martin. L’histoire raconte : « Un jour, voyant des oiseaux pêcheurs se disputer des poissons, il explique à ses disciples que les démons se disputent de la même manière les âmes des chrétiens. Et les oiseaux prirent ainsi le nom de l’évêque ; ce sont les Martins-pêcheurs. »

Il peut aussi s’agir d’un mélange de ces deux hypothèses, ou bien une toute autre raison. Comme l’Histoire, l’étymologie est parfois (voire souvent) incomplète ou hypothétique…

Texte : Quentin Libert / Illustration : Eugénie Liberelle

Ça y est, la migration postnuptiale (de l’aire de reproduction vers l’aire d’hivernage) a commencé pour les oiseaux de la famille des Scolopacidés. Cette famille regroupe entre autres les barges, courlis, avocettes et chevaliers, qui sont des oiseaux limicoles : ils se nourrissent dans les milieux vaseux. La baisse des niveaux d’eau en été dans le Parc leur est favorable, puisque les vasières et zones dénudées leur servent de garde-manger et de reposoir.

L’oiseau qui nous intéresse aujourd’hui est un chevalier très reconnaissable à son comportement, qui lui a même valu son nom. Il s’agit du Chevalier guignette (Actitis hypoleucos) dont l’épithète vient du vieux français « guignier » signifiant « faire signe ». En effet, à l’arrêt ou même en se déplaçant, le Chevalier guignette hoche la queue de bas en haut, de manière assez rythmée, comme vous pouvez le voir sur cette vidéo : https://youtu.be/Z7LryW_11Hc.

Ce petit chevalier de 21 centimètres niche en juin dans les taïgas du nord de l’Europe, avant de descendre passer l’hiver en Afrique de l’ouest. C’est au cours de ses haltes migratoires dans les marais d’eau douce ou saumâtre européens que l’on peut l’observer. Au Parc, il est ainsi présent d’avril à mai puis de juillet à septembre, avec un maximum de 68 individus observés sur l’ensemble du site le 8 août 2021 !

Lors de vos promenades, n’hésitez donc pas à scruter les berges à découvert, à la recherche de ce chevalier en train de trottiner en quête de petites proies à glaner !

Merci à Jean Bail pour ses deux photos de notre sympathique rase-motte aux mœurs plutôt solitaires. Et si vous regardez attentivement, vous remarquerez que sur le premier cliché, il guette de son œil gauche un potentiel danger venu du ciel…

Texte : Solène Bischoff / Illustrations : Jean Bail, Solène Bischoff

Discrète, elle se faufile entre deux roseaux… pour venir se nourrir d’insectes et de graines sur une vasière en assec. Le moindre bruit, l’ombre d’un survol la font se réfugier dans la forêt aquatique qui se développe au pied du poste 4. Il faut dire que la Marouette de Baillon ne fait que 40 à 50 grammes, soit la masse d’un étourneau, et qu’elle passe sa vie dans la végétation palustre, sortant plutôt le soir. Mesurant à peine 18 cm, elle pourrait être confondue avec un autre membre de la famille des Rallidés, la Marouette poussin (Zapornia parva). Toutefois la Marouette de Baillon ne possède pas de rouge à la base du bec, contrairement à sa cousine. De plus, elle a des ailes courtes et des barres noirâtres et blanches assez importantes sous l’arrière de son corps.

C’est la première observation sur le Parc depuis 1973 (la 318ème espèce en 50 ans). Notre petite vedette est rare au niveau européen, avec une population extrêmement fragmentée estimée entre 760 et 3200 couples (Espagne, Roumanie, Russie, Ukraine…). Elle est d’ailleurs classée en Danger Critique (CR) sur la Liste rouge des oiseaux nicheurs en France métropolitaine (2016). Mais sa population est très mal connue ; l’atlas des Oiseaux de France 2000-2012 l’estime entre 0 et 7 couples ! Toutefois la discrétion de ce petit oiseau ne facilite guère ses contacts :  la Marouette de Baillon se faufile dans son milieu avec une extrême prudence, comme vous pouvez le voir sur la vidéo en lien ci-joint prise dans le Parc le 28 juillet : https://youtu.be/0liK-lMZDnM

De plus, sa présence en période de nidification ne peut être confirmée souvent que par des écoutes nocturnes de son chant aux notes sèches et très courtes – souvent comparé à un ongle grattant les dents d’un peigne – de faible portée (200 à 300 mètres). Il peut alors facilement se confondre avec celui des batraciens, eux aussi en plein concert à cette époque dans les scirpaies et cariçaies.

Une étude spécifique menée en 2021 par Benjamin Blondel, Tristan Guillebot de Nerville et l’équipe scientifique de Blanquetaque a permis la confirmation de plus d’une dizaine de mâles chanteurs en plaine maritime picarde. Une remarquable nouvelle, mais qui a demandé beaucoup de patience, de travail et de temps nocturne pour ceux qui l’ont réalisée ! En Camargue, Damien Cohez, conservateur de la réserve régionale de la Tour du Valat (et ancien guide du Parc !), a entrepris le même travail au printemps 2020, permettant de recenser 15 à 16 mâles chanteurs… alors que l’espèce était considérée comme rarissime dans ce haut lieu de l’ornithologie française.

Il s’avère que ce petit oiseau est depuis quelques années plus remarqué en France, ce qui, pour une fois, est une bonne nouvelle. Mais cela semble être pour beaucoup l’effet des sécheresses drastiques au sud de l’Espagne et du Portugal qui feraient remonter les oiseaux plus au nord. L’espèce a besoin de bas marais inondés certes à faible niveau d’eau (moins de 30 cm), mais l’aridité qui règne dès la fin de printemps rend nombre d’habitats défavorables. Les conditions hydrologiques sont donc un des facteurs essentiels au maintien de la marouette dans notre région. Migratrice, cette espèce hiverne en Afrique du Nord et au sud du Sahara.

Mais qui était Baillon ? Et bien cocorico ! Un naturaliste des Hauts de France ! Louis Antoine François Baillon (1778-1855) est né à Montreuil-sur-Mer (vallée de l’Authie, Pas-de-Calais) mais passe une grande partie de sa vie à Abbeville, où il meurt. Passionné de nature comme son père, il correspond très vite avec les « grands » de l’époque que sont Cuvier et Buffon. Il travaille quatre ans comme assistant au Jardin d’Histoire Naturelle de Paris (le futur Museum). Il publie la Flore du département de la Somme et s’intéresse à toute la faune locale. À l’époque, les espèces sont systématiquement prélevées et échangées entre passionnés et muséums d’Europe. En 1819, il envoie un rallidé inconnu, capturé en Picardie, à Louis-Pierre Vieillot, ornithologue de renom originaire de Seine-Maritime (hélas bien oublié). Celui-ci baptise cette nouvelle espèce Rallus bailloni notre fameuse Marouette de Baillon ! Mais le naturaliste allemand Simon Pallas avait déjà décrit l’espèce en 1804 ; elle gardera le nom de Porzana pusilla. Néanmoins le nom de notre naturaliste local est resté dans la dénomination française… et britannique – Baillon’s crake – le Brexit n’était pas encore d’actualité… !

La Marouette ponctuée est observée quasiment chaque année sur le Parc ; la Marouette poussin, quant à elle, n’a fait l’objet que de 3 observations (1990 et 2007) en 50 ans. 

Nota bene : Si vous voulez en savoir plus sur le nom des oiseaux, et ne pas oublier quelques-uns de ceux qui les ont observés bien avant nous – nous permettant de fonder notre passion ! – nous vous conseillons ce livre remarquable : L’étymologie des noms d’oiseaux de Pierre Cabard et Bernard Chauvet, aux éditions Belin.

Texte : Philippe Carruette, Florian Garcia / Illustrations : Florian Garcia

 

À la héronnière, le premier cigogneau a décollé le 8 juillet. Mais ce saut dans le vide a nécessité bon nombre d’heures d’exercices physiques… À 6 semaines, il a tout d’abord fallu se rendre compte que l’on a de longues et larges ailes, et apprendre à les étirer (jusqu’à 2,10 m d’envergure). Puis est venu le temps des premiers battements, ou : comment les faire fonctionner. Quelques jours avant le premier vol viennent les sauts sur le nid, de plus en plus haut, comme sur un trampoline, en battant de plus en plus des ailes pour développer une musculature, qui reste néanmoins peu impressionnante chez les oiseaux planeurs. Viendra enfin le premier vol qui devra être le bon pour l’aîné de la couvée ; les autres suivront à un ou deux jours d’intervalle. Fini le stade de poussin, les voilà juvéniles, reconnaissables au bec sombre prenant des nuances de rouge. 

Ces ados reviendront régulièrement sur le nid et y passeront chaque nuit. C’est le seul lieu où ils peuvent encore espérer se faire nourrir par leurs parents ! Au sol, tout est plus que nouveau par rapport à la vie arborescente à 20 mètres de haut. Ils devront tout apprendre, et comprendre : se familiariser avec le contact de l’eau, se baigner, identifier une proie potentielle par rapport à une herbe qui bouge au vent… L’inné sans l’apprentissage et la mémorisation n’aboutit qu’à une courte vie pour ceux qui la commencent. Beau vent à ces nouveaux migrateurs, dont l’année fut bien difficile, avec nombre de nids qui ont vu des adultes disparaître, des jeunes morts, et des conditions d’habitat qui se dégradent avec la disparition des prairies d’élevage…

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail

Un Grèbe castagneux a installé son nid flottant juste devant la palissade d’observation entre les postes 6 et 7. Il est en pleine couvaison, quand une famille de Cygnes tuberculés s’approche tout près de lui pour se nourrir de plantes aquatiques : voisinage de taille impressionnante, mais sans danger pour le grèbe et ses œufs. 

Or le petit grèbe aime sa quiétude et quitte son nid pour plonger et attaquer par dessous, comme un sous-marin de poche, les grandes masses blanches ! Les cygnes adultes soufflent, sautent dans l’eau et regardent en permanence la surface pour savoir où la “torpille” va sortir. Que se passe-t-il sous l’eau ? À voir l’ultra réaction des cygnes, il est fort probable que le grèbe aille au contact en piquant plumes ou pattes des intrus ! Dès que la femelle cygne s’éloigne, le grèbe reste la tête immergée devant son nid pour surveiller le mâle encore à proximité. Entre-temps, il a pris un instant pour cacher ses œufs avec des algues vu que la confrontation dure. 

Il faudra vraiment attendre que la famille au complet de Cygnes tuberculés se soit éloignée pour que le castagneux continue sa couvaison. Juste pour rappeler : le Grèbe castagneux pèse 150 grammes (mouillé!) et le Cygne tuberculé 10 kilos !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Maëlle Hello, Philippe Carruette

Les premières Spatules blanches juvéniles ont décollé de la héronnière le 24 mai. Comme à leur habitude, les adultes les amènent “découvrir le monde” dans les vastes prairies et marais d’eau douce du fond du Parc (selon les saisons, surtout au poste 3 et au poste 7). Cette année a lieu un peu de changement avec des regroupements d’oiseaux sur le plan d’eau en tout début de parcours, bien à découvert, le long des sentiers des visiteurs et des groupes scolaires. Certaines après-midis, ce sont jusqu’à plus de 40 oiseaux qui y sont posés ! 

Voilà une occasion rêvée pour une observation encore plus poussée du comportement des jeunes recrues ailées du Parc. Il est vrai que quand on est né à 20 mètres de haut dans une pinède, on a vraiment tout à découvrir ! Les premiers contacts avec l’eau que l’on touche délicatement, les premiers bains un peu submersibles dès que l’on a plus pied… pardon pattes, l’apprentissage de la quête de nourriture avec cet étrange bec rose qui donne un air “benêt”… 

Et puis les éternels harcèlements auprès des adultes afin de réclamer à manger en hochant la tête avec forces gazouillis de passereaux pour se faire remarquer. Les adultes cèdent bien (trop) souvent, et les petits peuvent récupérer dans la poche gutturale des parents une bouillie de nourriture plus ou moins digérée. Quand les parents refusent, jamais de violence, juste un refus de la tête, ou un sec coup d’aile semi-fermée. Pour, eux s’éloigner ne suffit surtout pas, leurs rejetons pots de colle les poursuivent à pattes ou en vol jusqu’à temps d’avoir satisfaction alimentaire ! 

Qu’est ce qui explique ces changements de lieu temporaire de repos ? Nul doute que les importants travaux de réouverture des milieux sur cet espace (6000 mètres cubes de sable et de vase veinés de rhizomes de phragmites ont été évacués !) ont favorisé le stationnement des oiseaux en général, qui  se sentent plus en sécurité. Sont-ce les mêmes couples qui prennent l’habitude d’aller chercher là des matériaux pour construire leur nid et qui y emmènent ensuite leur progéniture ? Les oiseaux étaient surtout présents l’après-midi lors des journées chaudes, ce plan d’eau s’avère aussi le plus proche des nids pour se rafraîchir. En tout cas, jamais de hasard, les spatules s’y trouvent bien et c’est certainement un des lieux de France où on peut observer dans de telles conditions cette espèce qui, certes en augmentation, reste localisée et symbole bien malgré elle des grandes zones humides préservées.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley