Aujourd’hui, nous vous proposons un texte original, poétique et engagé : le slam d’un de nos guides naturalistes, Jérémie Bernier, fervent admirateur d’un oiseau cher au Parc du Marquenterre… et qui est pourtant bien mal-aimé. Lisez, écoutez, appréciez !

Mort ou vif

La souffrance coule sur son visage comme l’eau ruisselle sur son plumage 

Il n’en méritait pas tant, le voilà qui erre sur les plages et les rivages 

Harcelé, détesté, refoulé mais quelle dette n’a-t-il donc pas encore payée 

Pourtant honnête et sage, le voilà accusé du plus grand braquage 

Recherché par toutes les autorités, une battue cette nuit est organisée. 

Les lampes torches et les chiens, les enquêteurs y ont mis les moyens 

Il trouve une cachette, sans toujours comprendre pourquoi contre lui ils s’entêtent 

La nuit progresse en même temps que la traque, plus ils approchent, plus monte le trac 

L’aube se pointe comme l’arme qui le braque, les sirènes retentissent, c’est la fin de la traque 

Bientôt la déferlante de questions, oppressé par des journalistes en mal de sensations 

Pourquoi avoir commis un tel génocide ? Quelles sont les motivations de cet infanticide ? 

Son esprit se perd et s’embrouille face à la pression qui s’est accentuée

Il ne sait plus vraiment son esprit est torturé, est-ce lui qui les a tous tués ? 

Le jugement commence demain avec des juges corrompus assermentés 

Le public convaincu de sa culpabilité attend de le voir tomber 

Enfin le début de l’audience, terrorisé par les huées, il prend place sur le banc des accusés 

Entre bientôt le premier témoin, un homme de mer habitué aux vents marins 

Placé devant les jurés, il jure de dire la vérité, rien que la vérité 

L’assemblée boit ses premières paroles, on sent que le mensonge est bien ficelé 

Les heures passent comme les témoins qui peu à peu scellent son destin 

Puis le vent tourne et lui laisse une petite chance 

Un témoignage qui viendrait prouver à tous son innocence 

Notre oiseau noir espère en tremblant, il sent sonner en lui la délivrance 

Un poisson entre au tribunal en symbole d’une dernière corde à son arc 

Mais rires dans la salle quand ce dernier reste muet comme une carpe 

Dévasté, il sait que plus rien ne peut désormais le sauver 

Les juges rendent leur verdict, sans surprise, il est condamné 

Écoeuré de ce monde d’hypocrites aveugle de la vérité, il attend d’être exécuté 

Au fond de sa cellule abattu, il patiente sa peine 

Malheureux de voir cette société lui faire autant de peine 

Voilà le jour J, les ailes et le cou attachés sur un poteau 

Braqués sur lui sont les fusils et les appareils photo 

La trompette sonne et cinq coups de feu retentirent, pour soi-disant lui permettre de se repentir 

Et c’est ainsi le cœur innocent et le corps mourant que s’en alla le Cormoran.

Texte : Jérémie Bernier / Illustration : Alexander Hiley