Un cossus peut en cacher un autre

Laissez-vous conter l’histoire d’un insecte. Vous savez, ce genre d’insecte qui, à son stade larvaire, est moyennement apprécié par le grand public de par son physique et son mode de vie, mais qui subira, au cours de son existence, une transformation épatante réalisée par Dame Nature elle-même.

Le Gâte-bois ou Cossus gâte-bois (Cossus cossus) est un papillon nocturne. La chenille est facilement reconnaissable : un corps bien dodu, glabre (sans poil), avec une tête noire et un dos très “lie de vin”, soit violacé foncé, alors que son ventre est plutôt clair. Ne vous avisez pas de l’embêter, elle a du répondant ! Elle n’hésitera pas à vous “cracher” dessus : un jet à base d’acide pyroligneux (pyre = chaleur, feu / lignum = bois), un produit issu de la pyrolyse du bois. Bien que nous ne risquions pas grand-chose, mieux vaut être délicat avec elle – et les êtres vivants de manière générale. Un physique pas très avantageux et des manières peu convenables diront certain.es. Il paraîtrait même qu’elle dégage une odeur de vinaigre !

Et mademoiselle est gourmande, très gourmande : quand Cossus passe, les arbres trépassent. Xylophage, avec ses deux puissantes mandibules, elle s’attaque vigoureusement au bois bien vivant, notamment les saules et les peupliers, ses arbres de prédilections. Elle sait aussi apprécier les frênes, les aulnes, les bouleaux, les ormes et les arbres fruitiers qui sont les plus sensibles à cette espèce. Cette chenille, rarement isolée et avec une taille de 8 à 10 cm lorsqu’elle arrive à terme, va causer des blessures à son arbre hôte ; ces blessures sont une porte ouverte à de multiples parasites : champignons, maladies etc. Une chance de survie quasi nulle pour le malheureux… Elle restera ainsi 2 ans auprès de son arbre.

Mais voici venu le moment de sa métamorphose : cette grosse chenille bien visible sur les chemins et peu discrète deviendra un papillon au camouflage irréprochable : voilà que sa couleur et son graphisme le feront ressembler à un morceau d’écorce. Et contrairement à son insatiable chenille, il ne s’alimentera pas durant sa vie d’adulte : ce qui est d’ailleurs le cas chez beaucoup de papillons de nuit.

L’observer en imago n’est pas chose courante mais toujours une belle rencontre. Gardez l’œil ouvert, il s’observe de fin mai à début août !

Texte et illustrations : Eugénie Liberelle