On a l’habitude de penser que les papillons nocturnes sont ternes, sans couleur dans leurs habits majoritairement gris, en un mot… moches. Les sphinx font souvent exception, mais pas qu’eux, loin de là ! La Citronnelle rouillée (Opisthograptis luteolata) de la familles Géométridae est ainsi d’une couleur générale jaune citron – même les pattes ! – lui donnant des allures de papillon diurne comme le Citron. Sur le bord antérieur des ailes, des taches rouille justifient son nom. Les Britanniques la nomment  Brimstone moth, le papillon nocturne “couleur de soufre”.

À l’inverse de l’imago, la chenille justifie tout de même nos préjugés, en étant toute grise et terne, de la couleur d’un rameau avec une étrange excroissance sur le 3ème segment abdominal. Cela accentue peut-être cet aspect de brindille avec un bourgeon, comme parfaite tenue de camouflage. Elle se nourrit en effet de feuilles sur les arbres fruitiers, les saules, les épineux, sans vraiment commettre de dégâts vu sa faible densité. Deux générations se succèdent, avec une hibernation à l’état de nymphe et plus rarement de chenille.

La Citronnelle rouillée est commune en France et notre région, sans être vraiment abondante, même si elle peut être souvent observée de jour.

Texte et illustration : Philippe Carruette

Nous voici arrivés au terme de ce safari à la rencontre des petites bêtes de la Réserve naturelle de la Baie de Somme. Pour ce cinquième et ultime chapitre de notre Little Five, allons à la découverte du Rhinocéros du Marquenterre – à un préfixe près, puisque la vedette de ces lignes se nomme Aproceros

Pour le trouver, il nous faudra partir en quête d’un noble végétal à l’écorce fissurée et aux feuilles dentées étonnamment dissymétriques, qui peuplait autrefois les campagnes d’Europe ; arbre de justice trônant en roi sur les places publiques, et dont la silhouette majestueuse s’érigeait au milieu des pâtures où il offrait de l’ombre au bétail. Sa disparition massive laisse les paysages d’aujourd’hui orphelins, et le voici aussi fragile et menacé que le Rhinocéros des savanes africaines : c’est l’Orme

Tragédie en zigzag

Blotti entre les aulnes et les saules bordant les allées du Parc, un rare survivant dévoile sa ramure. Approchons-nous discrètement pour l’observer de plus près… 

C’est le cœur serré que nous découvrons l’écorce déformée, cruellement flétrie, de ses jeunes rameaux normalement lisses, où l’on distingue quelques stries noires, blessures funestes qui ne cicatriseront pas. Le diagnostic est sans appel : notre ami est atteint de graphiose, cette maladie fongique responsable de l’effondrement dramatique des populations d’ormes depuis les années 1970. 

En cause, un minuscule insecte vecteur de l’infection, le scolyte (Scolytus scolytus), qui raffole de son bois : en creusant des galeries pour y déposer ses œufs, il inocule les spores d’un champignon (Ophiostoma ulmi) trop gourmand, obstruant les vaisseaux transportant l’eau vers les branches supérieures. Déjà ses feuilles s’enroulent, se crispent, prenant un aspect cassant. Incapable de faire circuler le précieux liquide vital, l’arbre se dessèchera peu à peu… 

Mais une tragédie se succédant à une autre, voici qu’un nouveau péril menace notre bel orme. Un indice : cette incision dans le limbe d’une de ses feuilles, dont les courbures évoquent les méandres d’un fleuve infime et sans eau. C’est là qu’entre en jeu le personnage central de ce drame… À peine perceptible tant sa couleur verte la rend mimétique, on la devine pourtant, épousant l’ondulation de son œuvre : voici la larve de la Tenthrède zigzag de l’orme (Aproceros leucopoda). 

Terreur dans les frondaisons 

Avec sa trombine toute ronde bordée de deux bandes noires, son corps potelé d’abord grisâtre puis vert tendre, muni de six pattes riquiqui et de huit paires de fausses pattes comme autant de petites ventouses, nous lui donnerions le bon Dieu sans confession… Et pourtant !

Durant les six stades larvaires que comprend sa croissance, cette petite goulue n’a de cesse d’accroître son entreprise méticuleuse de défoliation caractérisée. Jour après jour, la feuille dont elle se délecte se réduit comme peau de chagrin : l’entaille insignifiante en forme de zigzag qu’elle laisse après son premier passage, aussi esthétique qu’un ru guilleret serpentant dans le bocage, se transforme peu à peu en une rivière aux larges bords, jusqu’à devenir une plaie béante comme la découpure d’une baie profonde. Bientôt, le limbe aura totalement disparu, et seule subsistera la nervure centrale de la feuille. 

Après 15 à 18 jours de repas continu, la goinfre se tisse un cocon de soie. En fonction de la période de l’année, il prendra diverses formes. En été, c’est une structure toute légère et finement réticulée, soigneusement accrochée à la végétation ; à la fin de l’automne, le fourreau est bien plus épais, opaque, caché dans la litière du sol afin de survivre aux frimas de la saison froide. 

C’est dans cet écrin protecteur que la larve se nymphosera. Or contrairement à ce que sa bouille de chenille pourrait laisser penser, elle ne se métamorphosera pas en papillon, mais deviendra une minuscule guêpe de la famille des Argidae, un groupe d’insectes appartenant au vaste sous-ordre des Symphytes, ou “mouches-à-scie”. Leur particularité ? Ce sont de tout petits hyménoptères dépourvus de la fameuse… taille de guêpe ! 

Ainsi, notre “fausse chenille” deviendra dans quelques jours, une semaine à peine, une délicate petite créature mesurant tout juste six millimètres, au corps noir brillant contrastant avec ses pattes couleur crème – d’où son épithète leucopoda, “aux pieds blancs”. Son thorax portera quatre ailes enfumées aux nervures sombres. Et sur sa tête, deux antennes composées de trois articles la guideront dans le vaste monde… 

Vierge féconde

Mais comment un être à la grâce si fragile peut-il incarner la terreur des ormes ? Par quel prodige un tout petit insecte, qui ne vit guère plus de six jours à l’état imaginal (c’est-à-dire adulte), est-il devenu cette redoutable menace ?

Contrairement au rhinocéros qui ne fait qu’un seul et unique petit tous les trois ans, après une gestation de 15 mois, la Tenthrède zigzag de l’orme est une espèce formidablement prolifique. Et pour cause ! Sitôt émergée, elle s’empresse de pondre jusqu’à 50 œufs sur le bord dentelé des feuilles d’orme, infimes billes vert d’eau d’à peine un millimètre, qui donneront 4 à 8 jours plus tard autant de petites ogresses.  

Mais le problème ne s’arrête pas là : en effet, l’espèce est multivoltine, et peut produire de quatre à six générations par an ! Présentes du printemps à l’automne, à chaque mois de la période de croissance de l’orme, elles ne laissent donc aucun répit au pauvre arbre qui, sitôt qu’il aura produit ses feuilles, se les verra dévorées par les gloutonnes, s’affaiblissant toujours plus…

La cause de cette prolifération spectaculaire et effrénée ? Notre petite guêpe est une pucelle qui n’a pas besoin de trouver de partenaire pour engendrer sa descendance : elle se multiplie par parthénogénèse – littéralement, “création vierge”. Ce mode de reproduction monoparental, indépendant de toute sexualité, permet à la femelle de générer un individu à partir d’un gamète non fécondé. 

Et cela représente un avantage certain dans la course à la conquête d’un nouvel habitat : pas besoin de s’investir dans la recherche hasardeuse, chronophage, voire périlleuse, d’un compagnon ! De ce fait, aucun coût énergétique n’est investi dans les parades nuptiales : ni sérénade nocturne si peu discrète, ni danse voluptueuse harassante, ni invitation au restaurant ô combien dispendieuse… 

Pitié pour l’auto-stoppeuse

Certes, ce mode de reproduction limite la diversité génétique de notre tenthrède, et pourrait à terme aboutir à un “cul-de-sac” évolutif la rendant particulièrement vulnérable aux changements environnementaux. 

Mais la petite a de la ressource ! Pour preuve son incroyable épopée depuis les confins de l’Orient… Originaire d’Asie, elle s’est rapidement étendue en Europe de l’est, puis a continué son chemin, traçant sa route jusqu’en France, où elle débarqua en 2017. La première donnée attestée en Picardie date de 2018, dans l’Oise. Mais sa conquête de l’Ouest ne s’arrête pas là : en 2020, des entomologistes d’Amérique du nord l’ont vue poser ses valises au Canada. Ormes du Nouveau Monde, tremblez… 

Rapidement classée comme espèce exotique envahissante, la guêpe fait l’objet de toutes les attentions. Toutefois, il est important de noter que les connaissances la concernant sont encore fragmentaires : il est donc difficile de mesurer l’impact qu’elle aura sur les populations d’ormes. 

Certes, sa prolifération inquiète, et nous aurions tendance à lui jeter la pierre ; celle-là même que nous avons catapultée sur le scolyte et sur la graphiose. Mais ne nous trompons pas trop vite de cible… Si sa forte capacité de vol – donc de dispersion – lui permet de conquérir de nouveaux arbres en un temps record, ne croyez pas qu’elle ait fait le déplacement depuis la Chine méridionale jusque dans les prairies du Marquenterre à la simple force de ses petites ailes ! 

Car la voyageuse a fait de l’auto-stop, et ce sont les camions et les voitures des humains qui l’ont menée ici et là. En effet, les chercheurs ont remarqué que les ormes, souvent solitaires, situés sur les aires d’autoroute où s’arrêtent les véhicules en transit depuis l’Europe centrale, étaient particulièrement défoliés. À l’instar des autres espèces invasives qui peuplent le monde, elle n’a pas choisi d’être ballottée à tout va, et s’en sort comme elle peut, là où elle peut, s’adaptant au bouleversement climatique, à la destruction des habitats, aux pollutions et à la surexploitation des ressources – ces drames responsables du déclin de la biodiversité.

Il nous reste néanmoins un espoir : que les larves pulpeuses de cette guêpe entrent rapidement au menu de prédateurs divers, oiseaux de bon augure ou patientes araignées, afin qu’elle s’intègre à l’équilibre des écosystèmes. Ainsi, la tragédie en cinq actes qui se déroule sous nos yeux curieux pourrait très bien se transformer en une joyeuse comédie. Alors : à nous de jouer !

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Nous espérons que cette aventure au ras du sol vous aura plu… Et pour vous replonger dans les épisodes précédents, suivez les liens !

Little Five, épisode n°1 : Le Lion du Marquenterre

Little Five, épisode n°2 : Le Léopard du Marquenterre

Little Five, épisode n°3 : Le Buffle du Marquenterre

Little Five, épisode n°4 : L’Eléphant du Marquenterre

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

Vous n’êtes pas sans savoir que le Parc du Marquenterre se situe dans la Réserve naturelle nationale de la Baie de Somme, et comme dans la majorité des réserves de nombreux inventaires sont réalisés, notamment des inventaires entomologiques. Ils ont permis de découvrir de nombreuses espèces d’insectes présentes sur notre territoire, mais 5 ordres restent encore peu connus : les Hyménoptères, les Hémiptères, les Diptères, les Névroptères et les Mécoptères. En effet, ce sont des ordres avec de très nombreuses espèces et bien que nous en ayons déjà observé certaines, nous savons qu’il en manque encore de nombreuses. Vous trouverez ci-dessous une rapide présentation de ces 5 ordres d’insectes.

Les Hyménoptères

Les Hyménoptères sont un ordre très diversifié avec plus de 120 000 espèces décrites dans le monde (MNHN). On y retrouve les abeilles, les guêpes, les fourmis, les frelons et les mouches à scie. Le nom Hymenoptera provient du grec ancien hymen (membrane) et pteron (aile) : cela fait référence à leurs quatre ailes membraneuses reliées entre elles par des petits crochets nommés hamuli. Au cours de leur cycle de vie, ils subissent une métamorphose complète – ils sont holométaboles – avec quatre stades : œuf, larve, nymphe et adulte. Au sein des Hyménoptères, on retrouve plusieurs régimes alimentaires : pollinisateurs, parasitoïdes, prédateurs, phytophages, décomposeurs.

Les Hémiptères

Les Hémiptères sont un ordre comprenant plus de 100 000 espèces décrites dans le monde (MNHN). On y retrouve les cigales, les pucerons, les cochenilles et les punaises. Le nom Hemiptera provient du grec ancien et signifie « demi-ailé » : en effet, pour la plupart des espèces de cet ordre, les deux premières paires d’ailes sont transformées en hémiélytres. Ils ont comme particularité de posséder un rostre fin avec deux mandibules et deux maxilles pour percer le tissu des végétaux ou la peau des vertébrés et aspirer leur nourriture (phloème ou sang).

Les Diptères

Les Diptères sont un ordre également très diversifié avec plus de 150 000 espèces décrites dans le monde. On y retrouve les mouches, les syrphes, les taons, les moustiques et les moucherons. Le nom Diptère provient du fait qu’ils n’ont qu’une seule paire d’ailes (di = deux et pteron = aile), la seconde paire d’ailes est généralement atrophiée (les haltères). Au sein des Diptères, on retrouve plusieurs régimes alimentaires : pollinisateurs (consommation de pollen), coprophages (consommation de matière fécale), nécrophages détritiphages (consommation de débris végétaux, animaux ou fongiques), ou phytophages (consommation de plantes). Ils sont encore peu étudiés, hormis les espèces jouant un rôle dans la transmission de maladies parasitaires et/ou virales (comme le moustique), certaines espèces phytophages qui s’attaquent au culture (comme les mouches des fruits) ou encore certains auxiliaires au jardin.

Les Névroptères

Les Névroptères semblent également peu diversifiés avec seulement 6 000 espèces décrites dans le monde. Ce nom provient du grec neuron, signifiant nerfs, et pteron, ailes, faisant référence à leurs ailes parées de nervures. La plupart sont des prédateurs et sont étudiés dans le cadre de la lutte biologique contre les ravageurs des cultures comme les pucerons.

Les Mécoptères

Les Mécoptères semblent peu diversifiés avec seulement 600 espèces décrites dans le monde dont 10 en France en 2009. On y retrouve les panorpes, également appelées mouches scorpions. Le nom Mecoptera provient du grec ancien mêkos signifiant longueur. Ils sont principalement carnivores ou nécrophages.

Texte et illustrations : Anaëlle Bouloy

Pour ce quatrième et avant-dernier volet de notre Little Five, nous allons quitter la “savane” dunaire pour nous enfoncer au cœur de la “jungle” du Marquenterre… 

Ici, dans cette bétulaie ponctuée de frênes et d’aulnes, la ramure dense des grands arbres forme un dôme végétal envoûtant, traversé seulement de quelques rais de lumière atteignant le sol tapissé de fougères solitaires et de mousses éparses. Des cris d’oiseaux invisibles, portés par la moiteur ambiante, se mêlent au vrombissement aigu et lancinant des moustiques. Partout des lianes escaladent l’écorce des vieux trembles, nobles lierres et clématites graciles sur lesquelles des colonnes de fourmis vont et viennent, s’affairant studieusement à leurs tâches coloniales. Odeurs d’humus et de baies déjà sures…  

Ne bougez plus, car le voici, avec sa bouille débonnaire que prolonge une trompe formidable : c’est l’Éléphant du Marquenterre

Petite bête à trompe

Notre pachyderme n’a rien d’un géant, bien au contraire, puisque son petit corps rondelet n’excède guère 8 millimètres. Tout occupé à mâchouiller quelque feuille d’un jeune chêne, il nous offre la chance de l’observer attentivement, dévoilant alors son nom : il s’agit du Balanin des glands, ou Charançon du chêne (Curculio glandium). 

Appartenant à la vaste famille des Curculionidae – la plus importante du règne animal en nombre d’espèces ! – notre petit héros reste difficile à distinguer de certains de ses cousins, parmi lesquels le Balanin des noisettes (Curculio nucum), que les amateurs de cueillette automnale connaissent bien car c’est lui qui est responsable des fruits véreux, ou encore du Balanin des châtaignes (Curculio elephas), littéralement le Balanin… éléphant ! 

Ses élytres striés, un peu trop courts pour recouvrir la totalité de son abdomen, sont parsemés d’écailles brunes teintées de roux doré, dont l’usure laisse apparaître la cuticule noire ébène. Situé à leur jonction, tout contre le thorax, l’écusson triangulaire blanc n’a d’ivoire que la couleur, ce qui préservera l’éléphant miniature de la folie destructrice des braconniers. Son corps rebondi est porté par six longues pattes rougeâtres aux fémurs élargis, plus foncées à leur extrémité. Occupant presque toute la tête, deux gros yeux globuleux donnent l’impression que l’insecte louche. 

Il faut dire qu’il aurait de quoi, tant sa trompe impressionne ! Atteignant quasiment la taille du corps, elle nous apprend que le personnage de cette fable est une femelle – les mâles arborant, une fois n’est pas coutume, un organe un peu plus modeste. Mais ce rostre roux, à la courbure parfaite, n’est pas un nez aspirant : il résulte en réalité de la fusion des pièces buccales démesurément allongées, au bout desquelles se trouvent les mandibules permettant à notre petit insecte de découper sa nourriture et, nous le verrons par la suite, de forer des trous secrets, promesses de vie… Portées en son milieu, deux antennes coudées à 90°, à peine couvertes de soies hérissées, se terminent en massue. 

La vie au bout du tunnel

Arrivée au crépuscule de sa vie, notre éléphante se remémore son existence passée auprès de son arbre, roi des forêts ; car l’espèce est inféodée aux chênes, et sa survie dépend entièrement de celle de son hôte. 

Tout a commencé l’année dernière, une année pluvieuse et venteuse ; stressante pour les bêtes et les plantes, alors fragilisées et davantage sujettes aux maladies et aux gourmands… Au cœur de la “belle” saison, qui n’avait d’estivale que le nom, sa mère, alors jeune mariée et fraîchement fécondée, se mit en quête du fruit parfait pour lui confier sa progéniture : un gland encore immature. Luttant dans les frondaisons, bousculée par les bourrasques, elle trouva tant bien que mal l’écrin de sa descendance et s’y agrippa de toute la force de ses petites pattes. C’est alors qu’elle se mit à grignoter la paroi du fruit, millimètre par millimètre, pour creuser un minuscule tunnel, pivotant laborieusement sa tête de gauche à droite et tournant autour de l’axe de son rostre foreur, malmenée par les averses continues. Encore un effort… Enfin ! La voie était ouverte jusqu’au centre du gland, le cotylédon, cette feuille primordiale charnue constitutive de la graine.

Son travail de forage terminé, la mère se retourna pour insérer délicatement sa tarière extensive – ou ovipositeur – à l’intérieur de la galerie. Alors, elle déposa un œuf unique au cœur du gland prodigue. Le petit trou se rebouchera quelques heures plus tard, ne laissant qu’une infime cicatrice à la surface du fruit, comme la marque délicate d’un baiser maternel. Déjà la femelle devait s’éloigner dans les ramures, et chercher un autre gland, dans lequel elle pondra un œuf ou deux, voire cinq s’il promet d’être suffisamment nourricier. 

Une enfance à glander

Après une à deux semaines d’incubation, notre héroïne voyait le jour. Enfin, pas tout à fait, enfermée qu’elle était dans le gland protecteur qui, lui, poursuivait sa maturation… C’était alors une larve potelée, blanchâtre, munie d’une tête brun clair, et totalement apode ! Elle pouvait bien être dépourvue de pattes, car à quoi lui serviraient-elles dans le fourreau de son fruit ? 

Le petit “ver” passa ainsi son enfance dans sa “chambre”, se délectant de la pulpe du gland pleine de réserves nutritives délicieuses. Les mues se succédèrent les unes aux autres, jusqu’à ce que le fruit, fatigué, se détache prématurément de sa cupule et tombe au sol, sonnant la fin du développement larvaire. 

Ce signal indiquait à la pouparde qu’il était temps pour elle de quitter son nid douillet. Alors, elle perfora l’enveloppe du gland d’un trou d’à peine 2 millimètres de diamètre – celui-là même que les hommes repèrent pour savoir si un fruit est véreux -, trop petit pour laisser passer son corps replet, heureusement mou et flexible. Ho ! hisse ! Pas facile de se glisser dans cet orifice riquiqui ! Encore une petite contorsion… Ouf ! La voici sortie au grand air ! 

Mais pas question de rester à la vue de tous… surtout pas du carabe furetant là-bas, ni du merle à peine visible dans le clair-obscur du sous-bois ! Vite, la jeune éléphante repéra une logette protectrice dans le sol, au pied du grand chêne, où elle s’enterra. C’est ici qu’elle passera l’hiver, à l’état de nymphe, patientant jusqu’à ce que la belle saison achève sa métamorphose… Certains de ses frères et sœurs n’émergeront d’ailleurs que plusieurs printemps plus tard, demeurant en diapause pendant parfois cinq longues années : un échelonnement des émergences assurant la pérennité de l’espèce, puisqu’il limite notamment l’impact des “mauvaises années” où les caprices météorologiques s’accumulent…

Tétanie

Quelle joie de retrouver la douceur du soleil qu’accompagne le chant des oiseaux ! Quel bonheur de se familiariser avec ce corps tout beau, tout neuf ; de tester ce rostre fabuleux ; de déployer ces ailes, même si elles ne serviront pas beaucoup, l’éléphante dédaignant le vol pour préférer se déplacer à pattes. C’est d’ailleurs ce qui explique cette faible capacité de dispersion des balanins.   

Mais la fin de l’été arrivera bien vite : il lui faut désormais escalader le tronc du chêne qui l’a vu naître, pour trouver à son tour un partenaire et assurer sa descendance. Car une fois ce devoir accompli, elle sait qu’elle devra mourir. 

Tout à coup, une ombre passe, silhouette menaçante rôdant dans les branchages… Ni une ni deux, notre héroïne tombe sur le dos et s’immobilise, entrant littéralement en catalepsie ! Un comportement remarquable visant à tromper les insectivores gloutons dupés par ce jeu d’actrice. 

Gageons que cette technique vieille comme les plus vieilles forêts du monde sauvera notre brave éléphante… Si ce n’est le cas, ne soyez pas tristes : sa disparition épargnera les fruits du noble chêne, qui produira cette année davantage de glands, participant ainsi au maintien subtil de l’écosystème de cette “jungle” où plantes, phytophages et prédateurs, dans toute leur diversité, accomplissent leur chemin de vie… en équilibre.   

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Nous vous donnons rendez-vous le mois prochain pour la suite et fin de ce safari au ras du sol. Et si vous souhaitez (re)découvrir les épisodes précédents, c’est par ici !

Little Five, épisode n°1 : Le Lion du Marquenterre

Little Five, épisode n°2 : Le Léopard du Marquenterre

Little Five, épisode n°3 : Le Buffle du Marquenterre

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

Il existe bien des espèces de mouches de l’ordre des Diptères, comprenant quelque 120.000 espèces tout du moins déjà connues dans le monde – à titre de comparaison, pour les oiseaux ce sont environ 11.000 espèces ! Il y a celles que l’on connaît au quotidien, de la Mouche domestique, à la Mouche bleue… en passant par le Taon des boeufs ou la Mouche du vinaigre que l’on apprécie modérément Mais il en est aussi des plus “attachantes”. 

La Tachinaire corpulente (Tachina grossa), ou Echinomyie grosse*, en fait partie. Elle me fait penser à un Ours baribal d’Amérique du Nord ; on a le droit de rêver… surtout en ce moment ! C’est la plus grosse mouche d’Europe (15 à 20 mm) avec son corps noir couvert de poils raides comme une fourrure. Point de coquetterie, la tête est jaune d’or avec deux étranges petites antennes entre les deux yeux, ainsi que la base des ailes tirant plus sur l’orangé. 

Elle est surtout active en été, de juin à septembre. Inoffensive, elle butine le nectar sur les ombellifères ou toute plante fleurie, lui conférant un rôle essentiel pour la pollinisation. C’est là que l’on remarque son vol rapide au bruit de bourdon. La conception des “oursons” est moins “fleur bleue” : la tachinaire est une mouche parasitoïde. Elle pond un œuf sur une chenille plutôt dodue (quitte à choisir !) notamment celle de la Bombyx du chêne. 

À la naissance, la larve dévore lentement son hôte de l’intérieur, la gardant en vie le plus longtemps possible. Quand la chenille succombe, la larve tombe au sol pour se transformer en pupe et devenir quelques semaines plus tard une mouche bien corpulente qui pondra elle aussi de 100 à 200 œufs si elle est fécondée. On voit là aussi son rôle dans le contrôle des chenilles foliaires, à l’heure où nos forêts sont en crise.

L’espèce n’est guère abondante, du moins dans notre région, et surtout observée de manière très irrégulière selon les années, peut-être en rapport avec les conditions météo ou l’abondance des chenilles. Dans mon jardin ou sur le Parc, la Tachinaire et le Bombyx du chêne sont bien là cette année en tout cas.

* Tachina : qui marche vite, plutôt en rapport avec son vol rapide – comme quoi on peut être enveloppé et véloce, pour contredire le médisant pouillot ! – et Echinomyia : Hérisson ; chacun sa vision des bestioles…

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Cécile Carbonnier

Chaque printemps, c’est un nouveau ballet qui commence, aux multiples couleurs et motifs. Ils nous enchantent par leurs virevoltes parfois acrobatiques, et leurs parades amoureuses. Qui ne s’est pas émerveillé étant petit (j’avoue même encore maintenant étant adulte !) devant une chenille aux couleurs chatoyantes ou devant un papillon butinant une fleur ?

Mais les connaît-on vraiment ? 

Dans notre belle région qu’est la Picardie, plus de 1000 espèces de papillons – ou Lépidoptères – ont été recensées. Vous imaginiez qu’il en existait autant ici ? Moi non ! Mais allons découvrir ensemble ce fabuleux insecte…

Il commence sa vie dans un petit œuf duquel va éclore une chenille qui passe son temps à manger, et encore manger. Son but : grandir le plus vite possible. 

La chenille subit alors une première transformation, la nymphose : elle cesse de manger, s’immobilise et devient toute rigide. On parle alors de chrysalide

Avant ce stade, certaines chenilles se fabriquent un cocon avec de la soie pour être isolées du froid, à l’intérieur duquel on retrouve la chrysalide ! Le plus souvent ce sont les papillons de nuit – ou Hétérocères, dans le jargon scientifique – qui fabriquent ces cocons. 

Puis après un certain temps, le papillon adulte, appelé imago, émerge de sa chrysalide, prêt à se reproduire afin de perpétuer le cycle.  

Mais d’ailleurs comment reconnaît-on les papillons de nuit (les Hétérocères) des papillons de jour (les Rhopalocères) ? Vous allez me dire la journée, on voit les papillons de jour et la nuit ceux de nuit, mais ce serait trop simple, n’est-ce pas ! Alors la nuit, effectivement, on ne voit quasiment que des papillons de nuit. Par contre, la journée, on peut voir les deux. 

Deux critères simples à regarder : les antennes et la manière dont le papillon positionne ses ailes lorsqu’il se pose. 

Les papillons de jour ont des antennes fines avec un petit renflement au bout. C’est de là que provient leur nom d’origine grecque Rhopalocère, signifiant “antennes en massue”. Quant aux papillons de nuit, ils possèdent tous les autres types d’antennes – Hétérocère signifiant “antennes différentes”. 

Concernant le positionnement des ailes, les Rhopalocères les positionnent généralement à la verticale l’une contre l’autre, tandis que les Hétérocères les positionnent à plat ou bien en forme de toit.

Voilà, j’espère que je vous ai aidé à en apprendre un peu plus sur nos amis les papillons, même si bien sûr il serait impossible de résumer tous leurs mystères à travers ces quelques lignes !

Texte et illustrations : Anaëlle Bouloy

* Attention, titre mensonger *

Pour ce troisième volet de notre Little Five made in Marquenterre, nous avons suivi la trace des Hérons garde-boeufs, espérant qu’ils nous mènent jusqu’aux Buffles de la baie de Somme. Nous avons scruté les prairies, cherché les bouses, tendu l’oreille pour détecter le moindre beuglement… Hélas, point de bovin à l’horizon, sinon nos braves vaches Highland, ruminant tranquilles dans les pâtures du Parc.

Pas grave ! À défaut de buffle, nous “mangerons” de l’hippo – ou, du moins, son homophone. Vous trouvez ceci fort tiré par les cheveux ? Vous avez parfaitement raison ! Mais dès lors qu’il s’agit de partir à la rencontre des créatures minuscules de la Réserve naturelle, nous pouvons bien nous accorder quelques petites licences orthographiques et naturalistes, non…? 

L’Ypo du Fusain 

Le personnage central de notre excursion est un humble arbuste poussant vaillamment au cœur des dunes, et dont le charbon est très apprécié des dessinateurs : j’ai nommé, le Fusain d’Europe (Euonymus europaeus). 

D’ordinaire, sa toxicité naturelle le met à l’abri des gourmands, qui n’apprécient ni ses feuilles, ni ses fruits. Mais c’était sans compter sur une bande d’herbivores au comportement grégaire formidable, qui a secoué le petit monde du Marquenterre. Pour connaître cette histoire, laissons parler le vénérable végétal…

“Tout a commencé l’automne dernier, alors que j’étais occupé à garnir mes rameaux de fruits bigarrés, que les humains surnomment “bonnets d’évêques” du fait de leur remarquable aspect quadrangulaire : des capsules charnues, rose fushia, laissant apparaître à maturité leurs graines orange vif. 

C’est dans cette explosion de couleurs qu’elle est apparue, si élégante dans son manteau d’hermine : une femelle de Grand Yponomeute du Fusain (Yponomeuta cagnagella). J’ai d’abord cru que ce minuscule papillon de nuit venait en esthète au vernissage de ma fructification. Elle parcourait mes branches de son corps fluet, mesurant à peine un centimètre, pour une envergure de 25 millimètres. Ses ailes antérieures, d’un blanc soyeux, étaient mouchetées de trois rangées longitudinales de points noirs ; elles cachaient des ailes postérieures plutôt grisâtres, nettement frangées.   

La petite s’est mise à pondre des œufs microscopiques sur mon écorce, qu’elle a recouverts d’une sécrétion collante, les rendant difficiles à distinguer. Le forfait était discret, et cette prise de liberté m’a paru plutôt insignifiante ; alors je l’ai laissé faire. Et, n’y prêtant pas davantage attention, je l’ai regardée s’éloigner dans la pénombre du crépuscule…”

Des clics et des ailes

“À cette époque, le ciel nocturne était encore plein de prédateurs en tous genres, parmi lesquels ces redoutables acrobates du ciel : les chauves-souris. Murins, pipistrelles, noctules… J’étais certain que la petite Ypo se ferait attraper sitôt envolée. Et pourtant !

Les chasseurs aériens semblaient repoussés par le papillon. Et pour cause : la rusée battait le tambour de guerre grâce à ses ailes écaillées, munies d’une sorte de timbale aéroélastique émettant des salves de clics assourdissants… prompts à décourager les assaillants ! 

Il ne s’agissait donc pas d’un camouflage auditif, ni d’un brouillard à sonar, mais bien d’un signal d’alerte déconseillant vivement à quiconque de s’approcher. Un cousin anglais m’avait parlé de cette équipe de chercheurs de Bristol et du muséum de Londres s’intéressant à ce phénomène… Eh oui, nous aussi, les arbres, nous communiquons entre nous !” 

Dormance hivernale

“Bientôt, les nuits devenaient de plus en plus longues dans les dunes du Marquenterre, sonnant le glas de mes exubérances créatrices. Une dernière touche de feu sur mes feuilles peintes en rouge, et le froid m’invitait au repos. Ne subsisterait bientôt que ma silhouette vaguement crayonnée dans les lumières rasantes de l’hiver.

En même temps que le sommeil me gagnait, j’oubliais la petite Ypo et ses œufs secrets… Eux aussi resteraient toute la mauvaise saison en dormance, invisibles vies en suspens à l’abri de mon squelette de bois…”

Halloween en mai !

“Enfin ! Le printemps arrivait en baie de Somme ! Sec, très sec, en cette année 2025… L’artiste en moi se réveillait : je renouvelais mon monochrome vert annuel et, tout ému, regardais mes rameaux se garnir jour après jour de tendres esquisses feuillées. 

C’est alors que je sentis grouiller sur moi des milliers de pattes indistinctes. Peu à peu, d’immenses fils de soie se répandirent sur ma ramure, très vite décorée à la manière d’un manoir hanté. 

Leurs fantômes ? Les chenilles de l’Ypo, qui m’étaient alors totalement sorties de l’esprit… mais que je ne suis pas près d’oublier, je vous l’assure !

Prises individuellement, elles paraissaient adorables et totalement inoffensives, avec leur bouille ronde ébène, et leur corps jaune pâle, presque glabre, maquillé de deux rangées de dix points noirs sur les flancs. 

Sauf que la solitude, elles détestent cela et, follement grégaires, elles préfèrent s’entasser les unes sur les autres dans leur nid collectif, formant des bandes de jeunes constamment affamés. Et je ne vous parle pas de leur chambre où s’amoncellent leurs excréments ! L’adolescence, que voulez-vous…

En quelques jours, leurs toiles soyeuses m’englobèrent totalement, s’étendant même sur les argousiers alentour, moyennement ravis d’avoir un Fusain comme voisin… 

Mais qu’ils ne s’alarment pas : leur feuillage sera totalement épargné par ces goulues d’Ypo, tandis que le mien… Il sera ingéré intégralement, me laissant entièrement défolié. Qu’importe, je ferai un modèle parfait pour un nu, qu’il soit ou non académique !”

Plus de peur que de mal  

“D’ailleurs, je ne leur en veux pas, à ces teignes fileuses. Il faut bien qu’elles se nourrissent et, exclusives, elles n’aiment que mon art culinaire. Rien d’autre. 

J’entends certains humains horrifiés les qualifier d’espèce “envahissante”. Mais ne nous y trompons pas : aucunement exotiques, leur présence est connue de longue date, et elles participent à l’équilibre de l’écosystème des dunes ou du bocage encore planté de haies nourricières. D’ailleurs, les Yponomeutes sont connus pour être très sensibles aux pesticides : leur présence est donc gage d’un air peu pollué !

Oui, leur mode d’expression est spectaculaire. Mais il faut bien que jeunesse se fasse ! En tout cas, cette pullulation, pour impressionnante qu’elle soit, ne me sera pas néfaste.

En revanche, ce que je comprends mal, c’est pourquoi la Fauvette grisette qui a niché dans le quartier n’est pas venue plus souvent faire son marché sur l’étal de mes branches… Allez savoir, peut-être à cause de l’aspect répulsif des toiles de soie ? Sans doute. Ou bien d’une toxicité héritée de mes feuilles ? Probablement.”

Le temps des métamorphoses 

“Mais, qu’en est-il donc de ma survie ? Ne vous inquiétez pas. Car l’heure de la métamorphose avait sonné : après s’être alimentées plusieurs jours durant, les chenilles se rassemblèrent tout contre mon tronc, pour se confectionner chacune un cocon de soie dans lequel elles se nymphoseront. 

Le temps des chrysalides était venu. Or nous n’étions qu’au début du mois de juin : j’avais donc largement le loisir de créer une nouvelle galerie de feuilles, de jolis croquis tout frais, tout neufs qui, eux, ne seraient pas croqués par les Ypos, puisque ce papillon ne produit qu’une seule génération par an.”

Vol estival 

“Cela fait quelques semaines maintenant que l’été s’est installé dans les dunes du Marquenterre. Et avec lui, le miracle a opéré : des centaines de petites merveilles ailées ont émergé de leur enveloppe magique, revêtues de leur toison blanche. Elles paraissent si fragiles, si douces… J’adore les voir se cacher dans mon feuillage, qu’elles laissent désormais intact. 

Je sais qu’elles voleront de fleurs en fleurs, participant activement à la pollinisation des plantes environnantes – et nourrissant au passage quelques araignées, passereaux et chauves-souris, celles qui ne seront pas dupées par leurs alarmes nocturnes. 

Je sais aussi que dans quelques mois, elles viendront de nouveau pondre sur mon écorce, et que pendant plusieurs années encore – deux ? peut-être trois ? – je serai décoré de fils de soie ; un peu effrayants, certes, mais si peu incommodants, et tellement inspirants…”

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Nous vous donnons rendez-vous le mois prochain pour la suite de ce “Little Five” ! Et pour ceux qui souhaitent découvrir le monde extraordinaire des petites bêtes du Marquenterre “en vrai”, rejoignez-nous lors d’une sortie spéciale programmée le 22 août à 17h30 !

Vous avez manqué les deux premiers épisodes ? Suivez les liens ci-dessous pour une séance de rattrapage…

Little Five, épisode n°1 : Le Lion du Marquenterre

Little Five, épisode n°2 : Le Léopard du Marquenterre

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

Les bousiers sont des insectes appartenant pour la plupart aux familles des Scarabaeidae et des Geotrupidae. Ils sont généralement coprophages (se nourrissant des excréments d’animaux). Pas très ragoûtant au premier abord, mais néanmoins fascinant !

Il existe 3 types de bousiers :

  • Les rouleurs, les plus connus, comme le Bousier rhinocéros, forment des boules (ou pilules) de bouse ou de crottin à l’aide de leurs pattes. Par la suite, ils la déplacent sur plusieurs mètres vers une galerie creusée un peu plus tôt, qui contiendra une larve. La larve pourra se nourrir directement de cette pilule.
  • Les creuseurs, comme le Géotrupe des bois, sont eux capables de creuser des galeries verticales sous la déjection. Ils creusent ensuite des galeries horizontales et parallèles, qui contiendront les futures larves.
  • Les résidents, quant à eux, vivent et se développent directement dans la bouse comme par exemple les Aphodius, petits bousiers mesurant moins d’1cm.

Ces insectes rendent bon nombre de services écologiques : ils jouent un rôle dans la dégradation de la matière organique, participent à la fertilisation des sols, contribuent aux cycle du carbone et de l’azote, et ils limitent la prolifération d’insectes parasites (mouches, vers intestinaux, douves). Bien sûr, ils font partie du régime alimentaire d’autres animaux comme les oiseaux et les chauve-souris (Huppe fasciée, Pie-grièche, Grand Rhinolophe).

Mais ces espèces sont aussi menacées par l’abandon du pâturage et l’utilisation de produits sanitaires dans l’élevage traditionnel (vermifuge, antiparasitaire) qui peuvent se retrouver dans les déjections et être un véritable poison pour ces insectes… Encore mal connus et peu étudiés, les bousiers sont pourtant essentiels au bon fonctionnement des pâturages et sont de précieux alliés pour nos agriculteurs !

Texte : Ugo Riotte / Illustration : Cécile Carbonnier