Un coup de vent brusque nous accueille en cette matinée du 15 septembre. Les Guifettes noires virevoltent au ras de l’eau avec les Hirondelles rustiques, ignorant les rafales à 90 km/heure. Dans une anse du poste 4 le long des roselières, un minuscule limicole épouse le roule, et tangue comme un petit bateau jouet d’enfant ! Il y a le temps de chien, le temps à décorner les bœufs, et pour nous… c’est un temps à Phalarope !
Pas manqué, c’est un adulte en mue de Phalarope à bec large qui navigue sur nos eaux saumâtres, se nourrissant de zooplancton à la surface de l’eau ! Cette espèce nous vient des côtes de l’Arctique, allant de l’Alaska à la Sibérie ; les populations européennes sont localisées en Islande, au Spitzberg et au Groenland, où il niche dans les tourbières et la toundra humide.
Et notre petit navire n’a pas fini son périple puisqu’il peut soit hiverner le long des côtes d’Afrique de l’Ouest, soit aller jusqu’en Namibie voire en Afrique du sud. Quelques centaines d’individus peuvent hiverner au large des côtes atlantiques françaises, notamment dans le golfe de Gascogne.
Comme tous les membres de sa famille, le Phalarope à bec large a un plumage inversé. En période de reproduction, les femelles polyandres sont nettement plus colorées que les mâles : elles paradent et se battent pour un mâle qui couve et élève seul la nichée, alors que ces dames partent en migration dès fin juillet pour retrouver le soleil et la richesse des eaux côtières africaines.
Le Phalarope à bec large est observé depuis 1980 sur le Parc en moyenne tous les deux ans environ (la dernière observation date du 20 janvier 2023) avec l’observation la plus précoce le 21 août 1980. Huit observations ont été faites en hiver, montrant un réel hivernage au large de nos côtes. Il est le plus souvent isolé, avec un maximum de 3 individus lors de la période très venteuse de novembre 2009.
Texte : Philippe Carruette / Illustration : Philippe Poiré
Petit guignette, grand voyageur
Brève de voyage…
Il est arrivé en rase-motte sur l’îlot du poste 6, revêtu de son manteau brun et de son bedon blanc à bretelles : un Chevalier guignette bagué l’année dernière à Farsund, commune lovée dans un fjord du sud-ouest de la Norvège, le long de la mer du Nord, a fait escale quelques heures seulement au Parc du Marquenterre, profitant des niveaux d’eau bas pour glaner deci delà quelques insectes sur les berges. Farsund… Un nom qui sonne comme une promesse d’évasion, far signifiant “voyage” en norvégien, et sund, “détroit”.
Quel plaisir de retrouver son petit hochement de queue caractéristique, et ses courses-poursuites trépidantes : car ce limicole si mignon est un vrai solitaire, qui chasse tout intrus de son espèce osant s’approcher de son garde-manger !
Ce petit individu, que nous nommerons R-a/Yf(NAV) – un sobriquet un peu barbare, mais qui correspond tout simplement aux codes et couleurs de ses bagues – n’est pas resté bien longtemps : juste de quoi recharger les batteries, et hop ! Le voici reparti.
Venu probablement de Scandinavie où, espérons-le, il a élevé une joyeuse nichée au printemps, il rejoindra dans une poignée de semaines quelque point d’eau d’Afrique subsaharienne. Souhaitons que là-bas, un observateur chanceux scrutera attentivement ses jolies pattes, et qu’il nous donnera de ses nouvelles ; pour que nous aussi, nous voyagions à travers lui…
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Texte : Cécile Carbonnier / Illustrations : Pierre Aghetti, Cécile Carbonnier