Moi Gobemouche noir, le climat qui change je le vis sans aucun doute…

Au Parc du Marquenterre, le baguage des passereaux en migration en forêt dunaire est encore calme. À l’inverse des oiseaux paludicoles, les oiseaux forestiers migrent un peu plus tard. Le passage des Fauvettes des jardins et grisettes a commencé, mais le pic de migration des Fauvettes à tête noire a lieu chez nous à partir du 15 septembre. 

Fin août début septembre est la pleine période de migration du Gobemouche noir, grand migrateur nocturne dont toutes les populations hivernent dans les savanes boisées et les forêts africaines allant du Sénégal à la République Centrafricaine. En début de matinée, les oiseaux qui se posent continuent souvent leur migration de buisson en arbre – migration rampante – ce qui permet de les capturer pour les baguer. Insectivore au printemps, en migration ce gobemouche consomme une grande quantité de mûres et de baies de sureau, nécessaires à des vols sans escale parfois de plus de 2000 kilomètres, ce qui est remarquable pour un passereau. Des oiseaux ont ainsi parcouru plus de 5000 kilomètres en 12 jours, pas mal pour un piaf de 15 grammes ! 

Ces observations en migration de printemps sont très rares sur le Parc, avec seulement deux données en 53 ans. Cela s’explique par une migration en boucle, la migration prénuptiale s’effectuant sur une route plus orientale par  la Tunisie, la côte méditerranéenne française et l’Italie, avec une traversée rapide du Sahara par un vol direct sans escale de 40 à 60 heures !

Ce passereau est aujourd’hui très connu et étudié en Europe du nord pour l’impact du changement climatique qu’il subit de plein fouet. Le réchauffement global conduit à une plus grande précocité de l’émergence des chenilles – notamment celle de la Tordeuse du chêne – qui constituent pourtant l’essentiel de l’alimentation des poussins. Migrateur tardif arrivant surtout fin avril début mai pour les adultes les plus âgés et les plus productifs, ce retour est en décalage avec le pic de production des chenilles et provoque une baisse de la productivité des nichées. 

De plus, cet oiseau devient fortement concurrencé sur ses sites de nidification (les cavités dans les arbres) par les mâles de Mésange charbonnière, espèce généraliste en expansion et adaptative qui niche de plus en plus tôt. Mais le Gobemouche noir fait des “efforts” et revient maintenant quelques jours plus tôt. Néanmoins, cela sera-t-il suffisant ? Dans notre région, le Gobemouche noir niche uniquement dans les vieilles futaies de feuillus des grandes forêts de l’Oise et dans la forêt de Saint Gobain dans l’Aisne.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Cécile Carbonnier

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