Migrateurs non conventionnels

Aujourd’hui, parlons migration ! Il est vrai qu’à cette époque de l’année, beaucoup d’oiseaux migrent dans l’axe nord/sud : ils se sont reproduits dans les zones plus nordiques, et redescendent passer l’hiver plus au sud. Néanmoins, ce n’est pas le cas de tous, et certaines espèces ont des trajets migratoires particuliers que nous vous proposons de découvrir ici…

Pourquoi migrer ?

Le 21 juin est passé et les jours raccourcissent. C’est le signal pour beaucoup d’oiseaux que l’hiver et le froid arrivent, mais surtout que la nourriture va vite se raréfier. En effet, les oiseaux sont couverts de plumes qui les protègent du froid et de l’eau, entre autres. Ce n’est donc pas tant la météo qu’ils craignent, mais le manque de nourriture. Quand l’étang gèle, le Canard siffleur aura plus de mal à plonger pour chercher les algues qui poussent au fond. Et lorsqu’il fait froid, il devient plus difficile pour le Pouillot fitis de trouver les insectes dont il a tant besoin. Ils vont donc partir vers des zones plus propices pour s’alimenter. Le Canard siffleur n’aura pas à descendre très loin, la baie de Somme lui suffit. Ici l’eau gèle peu, et la neige recouvre exceptionnellement le sol. Le Pouillot fitis, quant à lui, devra partir jusqu’en Afrique pour trouver des insectes.

Au printemps, les contrées nordiques deviennent au contraire très propices. La végétation se développe vite et les insectes pullulent. La nourriture devient très facilement accessible et en quantité. Élever les petits dans ces conditions est plus simple que sur le lieu d’hivernage où la concurrence est plus forte. Beaucoup d’espèces remontent donc profiter de ces conditions idéales.

Il s’agit là d’un cas général. Mais beaucoup d’espèces ne suivent pas forcément ce schéma.

Migration altitudinale

Certaines espèces apprécient les milieux montagnards, comme le Crave à bec rouge, le Tichodrome échelette ou l’Accenteur alpin. Comme dit plus haut, en été les conditions sont réunies pour élever les jeunes sans trop de difficultés. En hiver en revanche, le froid arrive vite et la neige recouvre une grande partie du sol. Certains oiseaux entament alors une migration altitudinale : ils vont descendre dans les vallées où la nourriture est plus présente et accessible. Certains peuvent aller loin, mais ils restent généralement à quelques dizaines de kilomètres de leurs lieux de reproduction.

Un cas un peu particulier est celui du Grand Tétras. Lui aussi change en quelque sorte d’altitude, puisqu’il va passer du sol montagnard pendant l’été… à l’abri des arbres quelques mètres plus haut ! En effet, durant la belle saison, il trouve sa pitance au sol : baies, racines, etc. Mais avec l’arrivée de la neige, il grimpe dans les conifères pour se nourrir d’aiguilles ! 

L’hiver en mer

Pour d’autres espèces, la migration s’effectue en mer. Cela concerne surtout les espèces dites pélagiques (de haute mer) comme le Macareux moine. Pour se reproduire, il se rapproche des côtes et plus particulièrement des falaises côtières pour y installer son nid. Mais dès la reproduction terminée, il va partir en mer, loin des terres, où la nourriture est plus accessible. 

Certaines espèces d’Albatros nichant dans l’hémisphère sud poussent le procédé encore plus loin. Les jeunes ayant une croissance longue, les parents ne peuvent pas toujours enchaîner deux années de reproduction consécutives. Une fois le jeune indépendant, ils quittent donc les côtes et vagabondent en mer pendant un peu plus d’un an ! 

Les irruptifs

Certaines espèces ont une stratégie de migration moins prévisible. Les Tarins des aulnes, les Jaseurs boréaux ou les Pinsons du Nord, pour ne citer qu’eux, vont décider de migrer s’ils constatent que la nourriture manque. Ils peuvent donc partir tard, selon l’abondance en ressources alimentaires. Ils peuvent faire irruption chez nous en novembre ou décembre si besoin il y a. Les espèces dites “irruptives” sont souvent liées à une ou quelques espèces de végétaux qui fructifient en hiver. Le Tarin affectionne particulièrement les aulnes (d’où son nom, même s’il peut aussi trouver sa nourriture près d’autres essences). Les bonnes années où les aulnes produisent beaucoup de graines, ils ne migreront pas ou très peu. Les mauvaises années en revanche, ils devront partir pour trouver ailleurs leur nourriture. C’est dans ce dernier cas que leur présence est nettement constatée en France.

Un cas extrême d’espèce irruptive est le Bec-croisé des sapins. Il est dit “nomade”. Il dépend de la fructification des conifères. Comme celle-ci est irrégulière et non liée à une saison particulière, il va se déplacer pour suivre les arbres porteurs de fruits. Et s’il trouve un coin particulièrement productif à un moment donné, il décide de s’installer pour se reproduire ! Il n’est donc pas lié à une saison et peut nicher aussi bien en avril qu’en décembre, s’il trouve un “filon” de graines de conifères.

Texte : Quentin Libert / Illustrations : Alexander Hiley, Danielle Bliard, Eric Penet