La face cachée des oiseaux visibles

« Où sont les oiseaux ? » Cette question, logique et récurrente au sein du Parc, témoigne du caractère invisible de certains oiseaux. Si beaucoup d’entre eux se dissimulent en dormant la nuit ou en se cachant dans les roselières, d’autres sont difficiles à distinguer même devant nos yeux.

Comment et quand échappent-ils à notre vue ? Les facteurs en jeu sont la protection contre les prédateurs, la saison, l’âge, et même notre culture. Voici une sélection de trois des oiseaux les plus discrets du Marquenterre…

Le canard colvert : quand les mâles s’éclipsent

À la fin de l’été, les canards muent. Toutes leurs plumes de vol tombent (les rémiges) et ils sont alors vulnérables à la prédation et à la mauvaise météo. Pour se protéger, ils se rassemblent sur de vastes plans d’eau où la nourriture est abondante. Mais il est risqué de conserver une couleur tape-à-l’œil. Les mâles perdent donc leur couleur verte au profit de plumes marron. Cela les fait alors ressembler aux femelles, qui se camouflent pour couver leurs œufs.

« Il n’y a que des canes ici. » Pour les non-connaisseurs, on croirait qu’à la fin de l’été seules des femelles sont présentes. Mais plusieurs détails trahissent les mâles : leur tête est grisâtre avec une calotte sombre, et le bec reste jaune (il est orange chez la femelle).

Les poussins de limicoles : les gringalets aux grains de galets

Dans le Parc, les limicoles (oiseaux se nourrissant dans les vasières) font leur nid à même le sol. Le nid est une petite dépression, à peine garnie de matériaux (brindilles, coquillages, algues…). Les petits sont nidifuges, c’est-à-dire qu’ils naissent couverts de duvet et suivent leurs parents hors du nid quelques heures après la naissance du dernier poussin. Ces poussins de petite taille sont des proies faciles pour de nombreux prédateurs. 

Pour se protéger, les poussins peuvent foncer dans les herbes hautes, ou bien s’allonger sur le sol nu. Ils couvrent alors leur ventre blanc, et seule leur face dorsale est visible… si l’on peut dire. Ce camouflage est redoutablement efficace, à distance on peine à voir les jeunes à côté de leurs parents. Le mélange de marron, gris et noir les fond dans le décor, que ce soit sur du sable, de la terre ou des galets.

Le pigeon ramier : même en sa présence on ne voit pas l’ombre d’une palombe

Souvent péjoratif dans la culture populaire (animal stupide dans les dessins animés pour enfants, l’insulte être un pigeon qui vient de « se faire pigeonner »), le pigeon ramier – aussi appelé palombe – est un oiseau peu farouche, facile à voir dans les espaces naturels comme en ville, pourvu qu’on y trouve quelques arbres. C’est le plus gros pigeon de France. Son épithète « ramier » vient de ramure car il niche au sommet des arbres, parfois à plus de 40 mètres d’altitude. Il est à distinguer du Pigeon biset, installé depuis plus longtemps en ville et nichant sur les falaises et façades de bâtiments.

Le pigeon est souvent synonyme de désintérêt pour la plupart des profils : ornithologues, amateurs de nature, habitants des milieux urbains ou ruraux, quel que soit l’âge… Comme s’il était un élément quelconque du paysage et sans intérêt. Très peu de gens le remarquent, s’intéressent à lui… C’est un symbole de désintérêt de la nature commune, dite aussi « ordinaire ». C’est pourtant un animal remarquable, avec une grande capacité d’adaptation à son environnement.

Ses plumes tombent souvent pour se renouveler. Cela lui permet de mieux résister aux conditions rudes de l’altitude (soleil, vent, pluie…), et est un moyen d’échapper aux serres des prédateurs.

Son régime est principalement granivore mais il mange aussi des herbes, des feuilles, des bourgeons… Et il s’adapte aux changements causés par l’homme car les espèces de plantes ornementales exotiques représentent parfois plus de 50% de son alimentation.

Concernant l’élevage des jeunes oiseaux, il est vivement déconseillé de laisser des graines dans les mangeoires aux beaux jours afin que les parents nourrissent leurs jeunes avec des insectes. Les protéines animales sont bénéfiques voire essentielles à la bonne croissance des oisillons. 

Là encore le pigeon se distingue. Les protéines animales sont une infime fraction de son alimentation même en période de reproduction. Malgré cela, les pigeonneaux ont une des croissances les plus rapides pour un oiseau de 500 grammes : 1 mois avant l’envol. Ceux-ci sont nourris par les deux parents avec du « lait » de jabot, un liquide nutritif sécrété dans le jabot et que le jeune vient chercher dans la gorge de son parent.

Si banal le pigeon ?

Texte : Thibaud Lami / Illustrations : Alexander Hiley, Foucauld Bouriez

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