Beauté sésie…ssante !

Blotti dans les frondaisons du Parc, bien à l’abri de la pluie et du vent, un magnifique petit insecte se cache, attendant patiemment le retour du soleil pour visiter ronces, séneçons et sureaux en fleurs. Mesurant à peine 2 centimètres, son abdomen noir brillant ponctué de jaune est décoré d’un anneau carmin en son milieu, et de touffes en éventails ébène et ivoire à son extrémité. Deux longues antennes prolongent la tête couleur ardoise. Les ailes, majoritairement hyalines, ressemblent à des vitraux : leur frange est brune, et une tache rouge sang liserée de bleu pâle orne le bout de la paire antérieure. Mais ne vous y trompez pas : malgré leur aspect cristallin, elles possèdent des écailles sur leurs nervures et leur partie distale. Et qui dit écailles dit… papillon, ou lépidoptère (du grec lepís = écaille, et pterón = aile) ! 

Cette merveille nous livre vite son petit nom : il s’agit de la Sésie fourmi (Synanthedon formicaeformis). À l’instar des autres membres de sa famille, les Sesiidae, elle a la particularité d’imiter l’apparence d’un hyménoptère, ici la fourmi. Certaines de ses cousines ressemblent aux frelons, d’autres aux guêpes, ou bien encore aux ichneumons. Un moyen efficace de tromper de potentiels agresseurs qui pensent avoir affaire à des bestioles un peu trop “piquantes” à leur goût… alors qu’en réalité elles sont absolument douces et inoffensives ! Un nouvel exemple de cette formidable stratégie adaptative d’imitation appelée mimétisme batésien

Dès la première éclaircie, notre joyau ailé repart en quête d’un partenaire. Après l’accouplement, les œufs sont pondus sur des saules, exclusivement ! En effet, nos petites chenilles sésies sont exigeantes : elles ne digèrent rien d’autre. Endophages, elles migrent dès leur éclosion dans les tiges de l’arbre hôte, et le grignotent de l’intérieur, creusant de fines galeries entre le bois et l’écorce. Parfois, des galles en forme de poires apparaissent à la surface de la plante, trahissant leur présence. En fonction de la qualité du repas, elles grandiront plus ou moins vite, et se nymphoseront au bout d’une à quatre années. Grâce aux saulaies vigoureuses du Parc, souhaitons que ces trésors trouvent là tout ce dont elles ont besoin pour se transformer en splendides papillons de nuit !

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier