Des billets sur l’actualité saisonnière des oiseaux, des observations naturalistes, des données inédites de baguage… vous pouvez également soumettre vos observations et photos.

Nous l’attendions depuis des mois : le parfum Pétrichor est enfin sorti, pour le plus grand bonheur de nos narines desséchées ! C’était le 2 septembre dernier, à 13h55 exactement, lorsque tombèrent du ciel quelques gouttes salutaires…

Mais de quoi parle-on exactement ? Tout simplement de cette délicieuse odeur de terre humide qui se dégage lors de la première pluie consécutive à une période chaude et sèche. Et comme cette période fut longue, très longue, au Parc du Marquenterre comme ailleurs ! 

Ce mot fut judicieusement inventé en 1964 par une chimiste et un minéralogiste australiens – visiblement très inspirés par la mythologie grecque – à partir de petra, signifiant “pierre”, et ichor, terme désignant le sang des dieux. Image poétique d’une émanation divine… Vraiment ? 

Pour mieux comprendre ce phénomène, détournons-nous des idoles, et soyons un peu plus terre à terre… dans tous les sens du terme. En effet, cette douce fragrance est due, en réalité, au peuple invisible qui grouille sous nos pieds : les actinobactéries et les cyanobactéries, qui comprennent quelques-uns des acteurs principaux de la vie du sol et, en définitive, de la vie tout court ! En effet, grâce à elles, la matière organique morte est décomposée, la photosynthèse assurée, les cycles du carbone et de l’azote préservés… Cela commence à sentir bon.

Afin de se reproduire, ces chers microbes fabriquent des spores, et synthétisent par la même occasion la géosmine, un composé organique volatil qui sera la note de tête de notre parfum. Ajoutons une pointe d’huile distillée par certaines plantes dont nous garderons le secret – la note de cœur – et un soupçon de molécules d’ozone exhalant leur arôme dans l’atmosphère – la note de fond : voici l’accord parfait ! 

Afin que l’alchimie opère, il ne manque qu’une belle ondée. Lorsqu’elles s’abattent sur terre et s’infiltrent dans les interstices du sol, les gouttes de pluie génèrent de minuscules bulles qui explosent au contact de l’air, et diffusent notre substance aromatique, tel un aérosol. Magique ! 

Par chance, notre nez, qui a perdu beaucoup de son flair pendant les longs millénaires d’évolution, a su rester particulièrement sensible à cette effluve, synonyme, peut-être, de la fin de la sécheresse… et du retour de l’abondance. Alors quand viendra l’averse, fermez les yeux, inspirez, et laissez-vous enivrer par ce bouquet subtil de pétrichor !  

Texte : Cécile Carbonnier / Illustration : Clément Parissot

Dès l’aube, bien avant l’ouverture du Parc au public, le lieu s’anime déjà :  ici comme sur les autres terrains du Conservatoire du Littoral gérés par le Syndicat Mixte Baie de Somme – Grand Littoral Picard, les équipes techniques arrivent très tôt le matin pour entreprendre des travaux annuels de grande ampleur : le fauchage des prairies. Bravant la chaleur estivale, ces travailleurs de l’ombre se rendent dans la zone du Parc surnommée la “plaine aux mouflons”, une prairie humide de 20 hectares située à l’ouest du site, où s’épanouit une végétation pionnière composée, entre autres, de joncs et de carex remarquables. En quelques jours y seront coupés, pressés puis exportés pas moins de 420 ballots pesant chacun en moyenne 22 kilogrammes, ce qui équivaut à… 9,2 tonnes de végétation ainsi manipulée ! 

Mais au fait, pourquoi faucher ? L’évolution rapide des milieux de vie aboutit progressivement à leur fermeture. Les prairies herbacées ont tendance, naturellement, à s’embroussailler, avant de céder leur place aux arbres. Et à ce petit jeu, les saules sont des champions : en l’espace de 2 à 3 ans, ils atteignent aisément 1,20 à 1,60 mètres ! Or les prairies humides représentent un habitat unique, où s’épanouit une flore pionnière patrimoniale qui représente un enjeu de conservation majeur inscrit dans le plan de gestion de la Réserve Naturelle Nationale de la Baie de Somme. Afin d’éviter qu’une saulaie ne s’installe, le pâturage par les vaches Highland Cattle et les chevaux Henson représente une solution, mais la gourmandise de ces “tondeuses” vivantes a des limites : sans fauche, la végétation non appétante gagnerait du terrain. Adieu alors la Parnassie des marais et les belles orchidées !  

D’un point de vue avifaunistique, ces secteurs ras sont également très appréciés des Vanneaux huppés, qui peuvent y nicher au printemps et s’y reposer en-dehors de la saison de reproduction, mais aussi des Oies cendrées qui trouvent là des zones de nourrissage exquises. Les Hérons garde-boeufs profitent quant à eux des travaux pour suivre les tracteurs, et glaner ça et là les insectes et amphibiens en fuite ! Afin de garantir une gestion différenciée, notons qu’un tiers de la prairie sera laissé en libre évolution jusqu’à l’année prochaine : passereaux, insectes et micromammifères pourront ainsi se cacher dans les herbes hautes… 

Mais que faire de tous ces ballots ? Un château de paille ? Presque ! Une forteresse contre l’érosion marine ! En effet, le produit de la fauche a été exporté et valorisé un peu plus au nord, sur le cordon dunaire du Marquenterre, au niveau d’un siffle-vent (c’est-à-dire un couloir où s’engouffrent les courants d’air, générant les mêmes effets qu’une soufflerie géante) créé par le piétinement répété dans ce secteur. Rappelons d’ailleurs que la dune est un habitat fragile que maintient une végétation modeste. Pourtant, elle représente aussi notre principal rempart face à la mer. Alors respectons-là, et ne sortons pas des sentiers balisés !

Les travaux se poursuivront durant toute la saison estivale : les équipes techniques s’attaqueront bientôt aux zones de bas-marais du Parc, puis au banc de l’Islette, où pousse une plante très rare et menacée, la Pédiculaire des marais. Bravo et merci à Francis Pringarbe, Cédric Jolibois, David Delhaye, Jean-Yann Descamps, ainsi qu’aux gardes de la Réserve !

Texte : Cécile Carbonnier / Illustrations : Nicolas Bryant, Cédric Jolibois, Jean-Yann Descamps

Petite rétrospective « en vrac » sur cette année riche… comme chaque année , d’observations ornithologiques !

L’hivernage 2021 est marqué par la présence de canards peu communs mais néanmoins habituels dont 11 Garrots à oeil d’or et 8 Harles piettes. Baie sud, au Hable d’Ault, le spectacle est impressionnant… suite à la vague de froid plus de 15 000 Canards siffleurs sont observés de passage, en compagnie de quelques Harles bièvres, Fuligules milouinans et Grèbes esclavons. Au Marquenterre ce sont 7 Cygnes de Bewicks qui sont notés presque tout l’hiver. Début mars, un Butor étoilé marque le retour du printemps. Suivent quelques premiers migrateurs : Milan royal, Héron pourpré, Sarcelles d’été. La première Hirondelle rustique est notée le 28 mars. Un couple de Fuligules à bec cerclé fait son « show » début avril. Une Guifette moustac est observée le 8 mai, tandis qu’un étrange bécasseau hybride fait une réapparition. Un Chevalier stagnatile se pose sur les ilôts du parc mi-mai, courant juin fera le bonheur des observateurs avec une Harelde boréale et un Guêpier d’Europe. L’habituel balet des Cigognes noires survolera le parc et la baie dès la mi-juillet. Septembre, mois des rapaces avec des obs régulières de Balbuzard pêcheur, et en octobre une exceptionnelle première donnée d’Elanion blanc. Elle suit avec une première visite de Chevalier à pattes jaunes début octobre (2 nouvelles coches pour le Parc !). Un nouveau élanion est observé survolant le parc fin octobre tandis qu’une Pie-grièche grise est identifiée à plusieurs reprises jusqu’à la fin décembre.

2022 sera sans nul doute tout aussi excitant ! Nous vous souhaitons une excellente année, et merci pour votre confiance et fidélité dans ces temps marqués par des incertitudes répétées.

L’ensemble des observateurs et guides naturalistes de la réserve.

Au poste 2 se sont déroulés d’importants travaux. Un bulldozer décape le grand îlot principal de sa couche végétale. La zone de sable compact va être en partie découpée en petits îlots pour la nidification au printemps prochain des Avocettes et des Sternes caugeks.  Des espaces de nidification longilignes (10 à 12 mètres) et de faible largeur (5 à 7 mètres) pour que les couveurs soient toujours en contact visuel avec l’eau. Des coquillages pourront être épandus sur certains espaces de nidification, sternes et avocettes étant des espèces pionnières attirées par des milieux jeunes encore peu colonisés par une couverture végétale. 

En fin d’automne et en hiver cette zone sera submergée offrant des possibilités de gagnage aux limicoles et canards, avec le développement d’une végétation plus aquatique.  A partir de la mi mars avec l’arrivée des premières Avocettes nicheuses locales les ilôts de nidification plus hauts seront découverts.

Déjà à l’automne, la zone est occupée en îlot de reposoir par près de 800 Sarcelles d’hiver, le groupe hivernant de spatules et de Vanneaux huppés. Un vrai premier succès !

Submersion marine ou fluviale, tempête, créent naturellement des milieux jeunes mais nombre de cours d’eau en Europe sont canalisés (la Loire avec ses îles fait exception) et le parc est un espace endigué artificiel qui évolue vite au détriment des habitats jeunes. Le travail des hommes du parc au quotidien est ainsi essentiel pour la préservation pour nombre d’espèces espèces.

Avant le poste d’observation N°1, trois nouveaux arrivants vous accueillent : des moutons d’Ouessant.

C’est un petit mouton endémique de l’île d’Ouessant en Bretagne, à vrai dire le plus petit « modèle » ovin au monde, avec 45 cm au garrot pour 11 à 20 kg ! On est loin de leurs voisins bovins les Highland Cattle ! Il avait disparu de l’île bretonne au 20ème siècle du fait de sa faible rentabilité et sa productivité limitée (un seul agneau par brebis). Grâce au Groupement des Eleveurs du Mouton d’Ouessant (GEMO) en 1976 des animaux isolés ou en petits troupeaux ont été retrouvés sur le continent permettant de sauver cette race domestique qui n’est plus menacée de disparition aujourd’hui.
Seuls les mâles ont des cornes torsadées qui s’enroulent autour des oreilles à la manière de celles des mouflons sauvages. Ils ont généralement la toison noire, certains animaux peuvent être blancs ou noisette, mais tous ont la peau sombre.

Sur le parc, ils vont permettre de limiter le développement des graminées sur certains petits espaces et ainsi une diversification de la flore plus importante, mais également d’éviter la fauche mécanique (très chronophage). Cela n’évitera pas un futur étrépage sur cette zone très atterrie, qui était il y a une vingtaine d’années encore, très riche au niveau botanique (epipactis des marais, orchis pyramidal, parnassie des marais…).   

 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Léa Coftier 

Le Parc du Marquenterre maintient une grande diversité d’espèces animales et végétales grâce à ses nombreux types de milieux, en perpétuelle évolution. Cette évolution rapide aboutit progressivement à la fermeture des milieux pionniers; vers la roselière ou la saulaie pour le marais, ou en forêt selon les sols et l’altitude.

Les grandes prairies du parc sont maintenues en milieu ouvert grâce au pâturage des chevaux Henson (race locale). Néanmoins un fauchage mécanique estival permet d’éliminer les refus de pâturage car les espèces non appétentes finiraient par s’étendre sur la zone. Les prairies rases sont favorables aux stationnements des oiseaux à marée haute, et à la nidification du vanneau huppé (qui ne s’installe que si l’herbe a une hauteur inférieure à 10 cm).  

Les bas marais et dunes notamment à l’entrée et au centre du parc sont pâturés par des bovins Highland cattle, légers et calmes (il est rare de les voir  « piquer un sprint » à l’inverse des chevaux). Ils seront plus nombreux sur le site dans les années à venir du fait de ce caractère paisible, qui ne provoquera aucun dérangement sur l’avifaune.

Les espaces plus restreints comme les îlots, fossés, petits plans d’eau, se ferment encore plus rapidement, notamment sur le début du parcours où la roselière riche en passereaux paludicoles devient malgré tout omniprésente. L’étrépage de la première couche du sol et le fauchage permettent de garder une flore et faune pionnière : une dynamique favorable à la diversité.

Plus prosaïquement, il est aussi tout simplement nécessaire de faucher devant les ouvertures des postes d’observation pour voir ou photographier les oiseaux ! C’est mieux !

Ces travaux sont généralement réalisés très tôt le matin, le temps que les oiseaux reviennent pour l’ouverture au public.

 

Texte et illustration : Philippe Carruette

Pour ces premières grandes marées de l’année, les stationnements de limicoles ont été au rendez vous avec plus de 6700 huîtriers pie le samedi 22 août sur les vastes zones  sableuses du poste 4 (reposoir principal de marée haute pour les limicoles). Plusieurs oiseaux portaient des bagues colorées issues des programmes de baguage hollandais où les oiseaux sont bagués poussins. Néanmoins, les juvéniles semblent vraiment peu nombreux. Un âge ratio effectué sur 800 oiseaux fin juillet ne donnait que 8% de jeunes, pourcentage très faible.

Les courlis cendrés (1600) et corlieux étaient également présents au poste 4 mais plutôt les pattes dans l’eau comme à leur habitude. On se demande pourquoi depuis deux ans les courlis cendrés ne se posent plus au poste 7 (faible niveau d’eau du chenal, prédation du Faucon pèlerin, développement de la végétation sur la digue…?). Un beau rassemblement de bécasseaux maubèches avec 110 oiseaux  bien serrés les pattes dans l’eau comme une « cohorte romaine » coincée entre huîtriers et courlis. Les Sternes caugek, cherchaient plutôt les stationnements en zone plus végétalisée avec les laridés extrêmement nombreux et de diverses espèces. Dans cette foule très disciplinée, on pouvait déceler quelques pluviers argentés, barges rousses, tournepierres à collier ou encore grand gravelot. N’oublions pas que ce reposoir est absolument vital pour les limicoles à marée haute qui y effectuent les activités de confort (toilette, sommeil…) ; quasi impossible à effectuer à marée basse où le temps est optimisé pour la quête de nourriture sur les vasières de la Baie de Somme.

Au même moment au poste 7 se regroupent près de 1200 grands cormorans, hélas le plus grand rassemblement de spatules (près de 400 individus) du fait des  vents forts était bien à l’abri, au fond du poste 7 et n’étaient visibles de loin que depuis le poste 10.

 

Les prochaines grandes marées seront mi septembre : du 17 septembre au 22 septembre 2020 toujours en début d’après midi.

 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Léa Coftier

Difficile d’écrire ces publications 😞 sachant que certains d’entre-vous vivent des moments difficiles ou isolés… Que ces lignes puissent égayer quelques instants de votre journée ! Nous sommes également, pour la majorité, confinés. Seuls quelques gardes ou techniciens veillent (merci !). Bonne continuation ! Le soleil devrait briller ces prochains jours avec l’arrivée des hirondelles et martinets ☺️ [copie de la publication sur Facebook]

☑️ Depuis le poste 4 on s’en prends plein la vue ! Pas de gorge-bleue pour l’instant dans les roselières proches mais ça ne devrait pas tarder ! Les îlots sont encore bien couverts d’eau, au bonheur des grèbes (huppés, cou noir, castagneux) et canards.

☑️ En se dirigeant vers le milieu du parcours, le long des argousiers et des dunes, les chants de Bruants des roseaux, Pouillots fitis et véloces, Phragmites des joncs se font concurrence ! Pas loin, d’une fréquence plus grave, les Grands Cormorans font un raffut pas possible ! Par leurs voix ou leurs claquements d’ailes sur l’eau. Une 60aine de nids sont visibles.

☑️ A la moitié du parcours (p6), les garrots et Harles piettes sont toujours présents (désolé pour la photo lointaine !). Quelques jeunes Grandes Aigrettes dispersées s’essayent à la pêche. Un individu à plumage nuptial est observé. A quand sa nidification ?

☑️ La nouvelle zone de bas-marais de fin de parcours est propice aux limicoles. Une vingtaine de Chevaliers gambettes accompagne quelques culblanc au cri caractéristique.

Prochaine actu… sur la héronnière ? Bon courage pour la suite !